Je me rends compte que plus j'avance dans l'histoire, plus je l'apprécie. J'avais trouvé le premier tome bien en deçà du Protectorat de l'Ombrelle, et j'avais moins eu envie de poursuivre la saga, alors que l'univers est le même. Mais là, après ma lecture du tome trois, j'ai vraiment hâte de lire la suite pour savoir ce qu'il va advenir de tous les personnages.
Il faut dire, je pense, qu'au fur et à mesure, l'histoire se construit, mais aussi les personnages. S'il était assez difficile de s'immerger dans le premier volume et d'avoir de l'affection pour les protagonistes, ici, les codes et l'univers sont maîtrisés, et difficile de ne pas s'attacher à nos héros. Il n'y a pas, à proprement parlé d'intrigue principale pour moi, mais plus un développement de Sophronia avec des ramifications qui se densifient. Il y a un fil conducteur, bien entendu, mais on arrive jamais à savoir ce qu'il va se passer réellement. Cet effet de surprise est constant, sans pour autant nous faire perdre pied, et c'est juste très ingénieux.
Dans Jupons et poisons, le Pensionnat de Melle Géraldine est plutôt occulté. Les filles n'y restent pas longtemps, et j'ai trouvé cela sympathique. J'aime bien l'école, ne vous y trompez pas, mais notre héroïne grandit et évolue, et le fait de sortir du cadre scolaire, plus que d'habitude, permet aussi de faire cette transition vers l'âge adulte. D'ailleurs, l'auteur marque encore plus ce phénomène en faisant prendre à Sophronia deux décisions primordiales pour elle. Côté coeur, déjà, et ensuite côté professionnel. Et ce n'est pas rien, surtout quand on voit dans quelles circonstances ces choix sont faits. J'ai adhéré aux deux, car ils sont dans l'esprit total de notre héroïne, mais surtout ils montrent aussi que Sophronia a beau être l'élève la plus douée, elle a aussi cette part d'humanité très ancrée en elle. Je crois qu'elle le dit d'ailleurs dans ce tome ou le précédent. Ses amis sont tout pour elle, et cela est autant une force qu'une faiblesse.
Il y a aussi un équilibre très bien dosé entre l'aventure et la romance. Et cela ne concerne pas seulement Sophronia. On ne s'ennuie pas une seconde dans ce tome, et la petite touche, réelle cette fois, d'amourettes est un plus. Alors, oui, il y a un côté un peu désuet et dérisoire à certains moments, mais il est parfait pour l'histoire. Je le trouve attachant ce style, et pour le coup, les petits moments d'amitié ou de geste de tendresse plus intime ressortent beaucoup plus.
Gail Carriger utilise un style piquant et incisif, très « british », mais elle sait aussi mettre de l'émotion, et cela même dans des petits gestes.
L'aventure n'empêche pas de continuer à explorer le côté politique de l'univers. Vampires, loups-garous et Vinaigriers ont leur place. Ce n'est pas évident de toucher à quelque chose de semblable, surtout dans de la fantaisie/fantastique, sans perdre le lecteur ou que cela paraisse crédible, mais ici, on s'y croirait. Les intrigues sont intéressantes et permettent encore plus de comprendre le fonctionnement du monde de
Gail Carriger. C'est prenant, d'autant plus que les points de vue de chacun sont mis en avant.
Une mention spéciale à Savon qui prend enfin plus les devants de la scène, avec quelques frayeurs, et le Dewan que je trouve fort sympathique. C'est tout de même l'Alpha par excellence, et je le trouve pourtant très humain et attentif. Je n'avais pas forcément eu cette impression de lui dans le Protectorat.
Un tome toujours aussi drôle et charmant qui laisse entrevoir la fin de l'enfance pour emmener nos héros vers une vie d'adulte qui sera, certes, moins insouciante, mais tout aussi palpitante.