(critique publiée sur mon blog dont vous trouverez le lien plus bas, histoire de voir le même texte illustré et mis en page !)
Le roman de Manu Causse on l'attendait depuis pfffiou oh bah au moins hein ! Et comme l'homme est un être adorable charmant et ponctuel il a débarqué un soir devant le théâtre le livre sous le. Dédicacé pour toute la poufferie du 4 de la rue. Merci Manu. Bien sûr on s'est battues à coups de chignons et d'ongles pour savoir qui de nous trois le lirait en preum's. J'ai gagné.
Emmanuel n'a jamais connu ce grand-père. Emmanuel, René, à qui on a offert son prénom en cadeau. Pour la mémoire. Emmanuel, René, André et aussi celui du père. le timide, le taiseux. René il est mort il y a longtemps donc. Il s'est taillé les veines dans les vignes. Un coup de couteau et ça a coulé comme le vin.
Et puis tout le monde s'est tu.
Emmanuel aussi. Il ne parle à personne. Ou presque. Ou seulement à René dans sa tête. Ou dans ses rêves. Il fait des rêves humides. de
l'eau des rêves. de l'au delà. Emmanuel il tente de sur-vivre dans ce monde qui est loin d'être le sien. Il voyage avec le grand-père fantHomme en bagage bien lourd à porter.
Et puis il y a (enfin ?) l'enterrement de la grand-mère. La femme du. Et c'est soudain le déclic pour Emmanuel. Il parle. Mais il en dit trop. Il fuit alors le monde des vibrants et va s'enterrer dans le sien. Fantôme errant à son tour. Il s'ombre. Alors il part à la recherche de son Lui. Et puis d'une elle. Une qui roule en 2 cv et qui parle anglais. Celle de la colline.
Son roman, il l'a écrit comme il parle Manu. Les phrases sont courtes. Et épurées. Ne se finissent parfois pas. 31 chapitres et une fin. C'est à la fois léger et bouleversant. Je l'ai lu en plusieurs fois. Volontairement. Pour digérer les lourdeurs d'un passé où le silence des morts fait trop souvent du mal aux survivants… Pour respirer entre les chapitres. Reprendre de l'air quand j'étais -avec le narrateur- au fond de l'eau. Au fond de l'autre.
Je pense à mes morts, à nos secrets, à nos silences.
On pense aussi à nos morts en lisant ton eau, Manu. On voudrait les sortir des tombes pour qu'ils parlent. A nos places. Ne plus souffrir des silences. Et fuir les secrets. Ton roman est troublant parce que bien sûr Emmanuel tu le connais bien. Et nous pas assez… Alors ça fait mal. Un peu. Parfois.
"Je ne suis même pas triste. La tristesse est un territoire que je contemple de loin, à l'abri de mon mur, de mon enceinte ; je ne la ressens pas. Je ne ressens rien, à vrai dire, que le besoin d'empiler une à une les pierres de mon éloignement.
Le mur devient si grand, si fort, qu'il se suffit à lui-même. Je vieillis, prends de l'âge – je sens le temps qui passe sur ma peau, le temps qui m'érode, n'arrache que la surface de moi où je vis ; je suis un homme, un homme-mur, qui n'a besoin que de lui-même – l'espace clos et vide qu'il nomme lui-même.
Je parcours sans trêve le cercle qui m'enferme, inspectant les pierres, le mortier, les abris ; je fais le tour de ma muraille de Chine, de ma prison.
Ma prison me libère. Non pas d'elle, mais du reste du monde. Je romps avec ma famille – sans éclat, par petites touches figées ; mes amis me semblent fades, je ne m'éloigne pas d'eux, je les regarde ; eux oublient de m'appeler. Nous nous perdons de vue, des yeux, nous prenons nos distances."
L'eau des rêves est très pure. Limpide. Buvable et désaltérante. Et puis de temps en temps elle vient te piquer la bouche d'un relent infect. Un mot de trop. Un mot pas dit. Des mots tus. Et là tu craches.
L'eau des rêves c'est comme une petite musique. Avec un refrain qui revient. Qui renaît de René. C'est une eau qui fait flot et cascade aussi. Qui coule sur le lecteur mais sans jamais le noyer.
J'aimais le Manu de son blog. Celui qui me fait rire la plupart du temps. J'aimais le Manu du
Petit guide des Transports à l'usage du trentenaire amoureux. Celui de
Visitez le Purgatoire (Emplacements a Louer) ou de Solo Rock aussi. Je découvre celui de l'eau et je l'aime encore plus. Page après page on suit le narrateur dans sa descente en eaux troubles, on est avec lui. En lui.
Parce que
L'eau des rêves c'est un voyage dans nos intérieurs. le genre de roman pas forcément remboursé par la Sécu non, mais si tu es en thérapie généalogique alors là ouais. Je le prête comme promis aux colocs. Mais je le laisse ensuite traîner aussi chez mes parents…
Merci Manu.
Lien :
http://www.au4ruedepouffe.fr..