Après avoir, à regret et bien trop tôt, refermé "Les derniers jours de
Paul Verlaine", l'on ne peut pas se séparer si aisément de la vision de "ce
Verlaine douloureux, boitant en archange foudroyé, et fait comme un voleur" qui nous y a été présentée.
Dorénavant on la préférera toujours à celle du "
Verlaine officiel créé depuis par les braves gens scrupuleux".
"Les derniers jours de
Paul Verlaine", vénérable ouvrage du "
Mercure de France" paru en 1911, est signé Frédéric-Auguste Cazals et
Gustave le Rouge.
Les deux auteurs ont été des amis intimes et sincères du grand poète.
Maurice Barrès prétend, dans sa brillante préface, qu'une telle biographie étreint le coeur.
Tout au moins inspire-t-elle sympathie et respect pour le "pauvre Lelian*" et indulgence pour ses mortelles faiblesses.
"N'est-ce pas servir la gloire du génial poète que de dire toute la vérité ?"
L'ouvrage est d'une richesse désintéressée.
On y sent l'affection que portent à
Verlaine les deux auteurs ...
Jamais soleil d'hiver ne brilla plus radieux dans un ciel plus pur que ce jour des funérailles de
Verlaine.
Devant la douloureuse perte qu'éprouvait la poésie française, la foule était recueillie et grave.
Quinze pages du registre, posé chez le papetier d'en bas, furent bientôt couverte des signatures les plus illustres ...
"Les derniers jours de
Paul Verlaine" est, avec "Parnassiens et décadents" et "Le Quartier Latin", un des trois volumes du triptyque qui éclaire l'écrivain qu'était finalement Gustave Lerouge.
Ils sont légion, ceux qui ont écrit sur lui.
Bien peu de ceux-ci l'ont compris.
L'homme, venu de Valognes, a gardé une grande part de son mystère.
Pourtant la courte mais riche biographie que lui a consacré
Francis Lacassin dans "Passager clandestin" est passionnante.
Elle a le mérite de nous parler de l'homme qu'il était.
De nombreux dessins esquissés par
Verlaine lui même, ou par Cazals, enrichissent "Les derniers jours de
Paul Verlaine"
Verlaine a brûlé sa vie dans un triste désordre moral.
Mais Gustave le Rouge et Frédéric-Auguste Cazals ne croient pas qu'un
Verlaine bourgeois ou fonctionnaire modèle n'eut jamais écrit les sublimes vers de "
Sagesse" et de "
Parallèlement".
Ils racontent.
Ils nous présentent le grand poète.
Ils démentent.
Ils ont vécu à l'hôtel Lisbonne avec le "pauvre Lelian*", partagé avec lui des pauvres repas au restaurant de la Huchette et respiré avec lui, au café Procope, cette atmosphère enfumée de fines causeries littéraires.
A leur ouvrage indispensable, un autre est complémentaire.
Celui qu'
Edmond Lepelletier, lui aussi proche du grand poète, a écrit sur la première moitié de la vie de
Verlaine ...
*cet anagramme de
Paul Verlaine est le surnom qu'il se donnait parfois à lui-même.