"J'ai parcouru les dictionnaires au mot Gourmandise, et je n'ai point été satisfait de ce que j'y ai trouvé. Ce n'est qu'une confusion perpétuelle de la gourmandise proprement dite avec la gloutonnerie et la voracité : d'où j'ai conclu que les lexicographes, quoique très estimables d'ailleurs (...) ont oublié, complètement oublié la gourmandise sociale qui réunit l'élégance athénienne, le luxe romain et la délicatesse française, qui dispose avec sagacité, fait exécuter savamment, savoure avec énergie, et juge avec profondeur : qualité précieuse, qui pourrait bien être une vertu, et qui est du moins bien certainement la source de nos plus pures jouissances."
extrait de :
Jean-Anthelme Brillat-Savarin, La Physiologie du Goût
Comment résorber cette division schizophrène, comment unifier cette hydre à deux têtes que nous sommes ? Par le jeu, répond Schiller.
Celui-ci est en effet le paradigme qui permet de penser une activité pleinement humaine, faite en même temps de contrainte et de liberté ;
on joue avec des règles du jeu sans connaître l'issue du jeu - tout peut advenir, mais pas n'importe comment.
D'autres contraires s'harmonisent à travers le jeu, ainsi la matière et la forme : quand nous jouons, nous investissons et trans-formons des matériaux et objets mis à notre disposition ou des conventions ludiques (un terrain de jeu), réconciliant en toute souplesse nos deux tendances sensible et raisonnable, installant entre elles un "jeu" au sens où l'on parle en mécanique du "jeu" entre deux pièces.
Derrière tout jeu, il y a donc un enjeu (c'est d'ailleurs pourquoi nous nous prenons généralement au jeu) : rien moins que l'unité de notre être.
L'antidote de la bêtise est l'humilité et peut-être la philosophie si l'on entend par ce terme non pas un galimatias abstrait, mais une force d'étonnement iconoclaste. Le "je sais que je ne sais rien" de Socrate, par exemple, ou le marteau avec lequel Nietzsche cogne sur les idoles en tous genres.
Présentation de Sophie Chassat sur "la profondeur du superficiel" lors de la 4e édition des (im)pertinents le 21 février 2013 à L'Express