Quatre-vingt-quinze : La Terreur en procès

Entre le noir romantisme de la Terreur et de Robespierre, et l'épopée de Bonaparte, les périodes de Thermidor (et aussi du Directoire) semblent faire pâle figure. Loris Chavanette répare cette impression avec ce magnifique livre d'histoire qu'il consacre à la dernière année de la Convention, de la chute de Robespierre au début du Directoire. Il analyse magistralement le travail juridique abattu par ces hommes qui liquidèrent la Terreur, prirent quelque peu leurs distances avec son esprit et ses méthodes, et tentèrent de refonder et de relancer un processus démocratique que les Jacobins avaient interrompu dès 1792 en se servant des insurrections populaires comme bras armé. Mais l'ouvrage n'est pas qu'un livre de droit : c'est aussi un livre de politique, qui montre cette Assemblée prise entre un parti jacobin fidèle à ses méthodes insurrectionnelles, et un parti conservateur qui y recourt aussi de son côté. Comment rester démocrate sans paraître faible ? Comment défendre sa vie en usant modérément de la violence, dans une société révolutionnaire violente ? Tels sont les problèmes que rencontrèrent ces Conventionnels, que l'auteur fait revivre avec maestria. Il nous fait comprendre l'influence croissante de l'armée comme alternative à l'émeute perpétuelle, et l'échec final de cette révolution du droit. Voilà donc un excellent livre, dont la lecture s'impose aujourd'hui plus que jamais.

Voilà un ouvrage qui nous offre un éclairage total sur la fin juridique de la Terreur. Avec une précision et un talent dignes d'éloges, Loris Chavanette nous explique tout le cheminement aboutissant à une justice qui deviendra, après moult améliorations, celle des pays démocratiques.
Par contre la misère du peuple qui s'aggrave après Thermidor n'est évoquée qu'accessoirement et ce pour expliquer les émeutes de Germinal et Prairial an III.
Impossible de na pas mentionner le malaise lié à la personnalité de certains Thermidoriens, je pense à Tallien, Barrère, Fouché et Collot d'Herbois.
Quelle différence entre la violence exercée à Bordeaux par Tallien, les exécutions en masse à Lyon décidées par Collot d'Herbois et Fouché et les noyades de Carrier à Nantes ?
Tallien, virulent défenseur des massacres de Septembre, envoyé de la Convention à Bordeaux s'est comporté comme un proconsul...
comment ne pas être écoeuré de la voir prendre la tête de la jeunesse dorée après la chute de Robespierre ?
Quant à la responsabilité de Robespierre dans la Terreur, il faut se rappeler que toutes les décisions étaient collégiales puisque adoptées par les membres du Comité de Salut Public.
Le Comité de Sûreté générale n'a pas manqué lui aussi de mettre "la main à la pâte" de la Terreur.
Il n'est pas insensé de penser, qu'après Thermidor, charger Robespierre, Saint-Just et Couthon de tous les maux a permis de faire oublier le passé de plusieurs artisans de Thermidor...
Billaud-Varenne, lui aussi terroriste ayant participé à la chute de Robespierre, reconnut plusieurs années après Thermidor que ce fut une erreur de l'abattre....
Ces remarques, toutes personnelles, ne vont pas à l'encontre de ce livre qui est majeur pour la connaissance de la Convention Thermidorienne.