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Florica Ciodaru-Courriol (Traducteur)
EAN : 9782493823052
250 pages
Tropismes (03/03/2023)
2.71/5   7 notes
Résumé :
26 juin 2020. M. Turturica, professeur de latin, fuit Chișinău après l'invasion de la Moldavie par l'armée russe. Mais il ne parvient pas à se réfugier en Roumanie car son passeport est périmé… De retour à la capitale, il trouve l'aéroport assiégé et, sous ses yeux, un MiG abat un avion rempli d'hommes politiques moldaves qui tentaient de s'échapper. Par une suite de circonstances absurdes, il se retrouve en prison...
Une fable grotesque et terrifia... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique

Un roman dystopique prémonitoire, sorti en 2015, 7 ans avant ce qui s'est effectivement passé chez le voisin de la Moldavie : l'arrivée des Russes en Ukraine le 24 février 2022 !

Pour bien situer le roman de Iulian Ciocan, d'abord quelques repères géopolitiques de base.

Coincé entre la Roumanie et l'Ukraine, la République moldave, de la taille de la Belgique à quelque 3000 kilomètres carrés près, compte un peu plus de 2 millions et demi d'habitants, a comme capitale Chişinău ou Chisinau (avant Kichinev en Russe) et comme président Maia Sandu, née en 1972. Ce pays, pris à l'Empire ottoman en 1812 et incorporé sous le nom de Bessarabie à l'Empire russe, est devenu indépendant le 27 août 1991.

La Moldavie est flanquée à sa frontière de l'est par une anomalie, appelée Transnistrie (au-delà du fleuve Dniestr), une république autoproclamée après la dislocation de l'URSS d'à peine 4000 kilomètres carrés avec un demi-million d'habitants et comme capitale Tiraspol. Pays reconnu par aucun État membre de l'ONU.

L'auteur, Iulian Ciocan, né le 6 avril 1968 à Chisinau a, après des études littéraires, mené une vie de journaliste et écrit des essais et 5 romans, dont 2 ont été traduits en Français, "L'empire de Nistor Polobok" et "Le royaume de Sasha Kozak".

Dans le roman sous rubrique, le 24 juin 2020, les troupes et tanks transnistriens, assistés par des unités militaires russes, envahissent la paisible et pauvre Moldavie. Les Moldaves qui peuvent essayent de fuir en Roumanie, douaniers moldaves y compris, jusqu'à l'arrivée des renforts du FSB, successeur du KGB russe.

Dans son roman, Ciocan ne nous livre pas des comptes-rendus de batailles héroïques, mais nous présente, au contraire, les effets d'une telle entreprise sur le sort de quelques protagonistes représentatifs.

Parmi lesquels, le jeune diplômé en langue et lettres roumaines, Marcel Pulbere (poudre en Français), fils unique de l'alcoolique Boris au chômage et de la simple mais courageuse Olga Léonovna, qui cherche désespérément à trouver un job digne de ses qualifications dans cette Moldavie essentiellement agricole. Où, comme l'explique son pote Blina à la page 75, "la littérature est le chemin de nulle part".
Un objectif presque aussi difficile donc que de gagner le coeur (et le corps) de la séduisante lycéenne, Lénutsa Timofté.

Puis, il y a le prof de latin, Nicanor Pigeonneau, un veuf d'une soixantaine d'années, qui a une liaison secrète avec Raia, la responsable du buffet de la fac, et qui passe le plus clair de son temps à jouer aux échecs en ligne.
L'homme se retrouve en taule, après que le FSB l'a arrêté à la frontière moldo-roumaine, muni d'un passeport roumain périmé.

Depuis sa prime jeunesse, Marcel Poudre est un admirateur fanatique de science-fiction, qui a lu et relu "Fahrenheit 451" de Ray Bradbury, "1984" d'Orwell, ainsi que les oeuvres de ses compatriotes les frères Arcadi et Boris Strougatski (auteurs d'entre autres "Il est difficile d'être un dieu" de 1964) et c'est en leur honneur qu'il a écrit son propre roman d'anticipation.

Réussira-t-il à faire publier son manuscrit par Anatol Vulpescou (= renard) de la maison d'édition Lettres Latines, grâce au critique littéraire Andreï Dard ?

J'ai lu avec plaisir le livre de Iulian Ciocan, qui est original, écrit avec soin, plus que plausible et qui se lit facilement. Il compte 211 pages et 29 chapitres, plus une préface fort instructive du professeur Jean-Louis Courriol, une autorité en littérature roumaine, et a bénéficié d'une traduction agréable par Florica Courriol.

Pour mes ami-e-s Babelionautes qui auraient encore des doutes, je me permets de conseiller la lecture de l'excellent entretien de l'auteur avec Florence Noiville dans le Monde du 10 mars 2022 "Iulian Ciocan : « Je constate avec effroi que mon roman dystopique pourrait devenir réalité".
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📚Chronique📚

« Elle venait de comprendre en une fraction de seconde que les choses étaient terriblement tristes… »

Est-ce qu'une seule seconde suffit pour comprendre le désarroi? Est-ce qu'une fois, qu'il est là, dans le politique et le social, dans le présent et l'avenir, est-ce qu'on comprend ce qu'est la peine irrépressible? La fraction de seconde de cette compréhension est effrayante, mais je l'ai comprise, au sein de ces pages…Il faudra faire avec, certes, mais l'auteur Iulian Ciocan, veut explorer le sentiment de peur qui gagne peu à peu, une nation au travers de leurs quotidiens…Il laisse infuser la peur, il la laisse grandir, prendre la place, prendre le dessus, prendre les valeurs, prendre les identités, prendre les joies, prendre la jeunesse, prendre le talent, prendre les années, pour ne rien laisser que le trouble moral profond et insondable…
Et demain, les russes seront là…
Dans toutes les strates de la société, la peur s'immisce, les comportements changent imperceptiblement, puis, du tout au tout…La frontière entre le bien et le mal devient moins nette, sous la menace de cette probable arrivée…Mais, est-ce une réalité ou une fiction? Quelle est la part de doute qui pourrait enrayer la marche des envahisseurs? Dans cette dystopie, tout paraît lointain et en même temps, imminent…L'amour se retrouve mis à mal, quand la politique s'en mêle, l'entraide n'est plus de bon ton, la littérature n'est plus évasion mais synonyme de prison…Que faut-il donc craindre à ce point, pour que les destins explosent ainsi, en une fraction de seconde? La peur ne change pas le danger, mais pourquoi change-t-elle, les gens, au point de leur faire perdre leurs alignements?
Et demain, les russes seront là…
Avec ce roman, on plonge dans une histoire à deux temporalités, pour mieux saisir la souffrance humaine…Toute l'obscurité de l'humanité ressort, comme sur un buvard…Les hommes sont pris dans une spirale infernale qui les éloigne de la lumière, et même si quelques uns résistent à laisser le mal gagner la bataille, on sent bien que la peur est la plus forte…C'est justement la tristesse qui nous saisit, au fil de cette lecture, de constater que même la littérature ne sauvera pas ces personnages, puisque au coeur de l'édition, la corruption, la résignation et la cupidité prend le pas, sur les espoirs de liberté…Et demain, la dictature sera sans doute, à leurs portes…
J'ai trouvé cette lecture très intéressante, avec cette projection presque prémonitoire de l'envahissement russe et les clins d'oeil subtils aux plus grands classiques de SF, et je le recommande aux lecteur.ices friand.e.s d'anticipations et autres ambiances futuristes sombres…
Lien : https://fairystelphique.word..
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Que sait-on de la Moldavie ? Je vais être honnête en disant qu'avant ce livre je n'aurais pas pu en dire grand chose. Pourtant sa situation est pour le moins complexe. À majorité roumanophone, ce pays abrite pourtant une région séparatiste russophone : la Transnistrie. Cela ne vous rappelle rien ?

Dès la préface, on ne peut que faire le rapprochement avec l'Ukraine et se sentir parcouru d'un frisson : ce titre, écrit en 2015.
Si je m'attendais à une dystopie très élaborée dans sa forme, fortement marquée par une empreinte historique et géopolitique, je me suis pourtant fourvoyée.

Le roman alterne entre deux temporalités. En 1995 : Marcel Poudre rejoint sa Moldavie natale après ses études de lettres en Roumanie. Plein d'ambition et un manuscrit sous le bras, il se heurte à la réalité d'un pays en crise, où règnent en maîtres piston et débrouille.

En 2020 : Nicolas Pigeonneau, sorte d'alter-ego littéraire de Marcel Proudre, est le héros dystopique du roman de ce dernier. Ce professeur de latin assiste impuissant à l'invasion (appelée "libération") de la capitale Moldave par les forces armées transnistriennes et russes.

Si l'épouvantail Russe est agité à grand renfort de grosses bottes et de rire carnassier, on ne peut pas dire que l'auteur se soit embarrassé de nous offrir un contexte digne de ce nom.

En mettant en parallèle une réalité à dominante roumanophone et une invasion autoritaire d'une population qui la hait, Iulian Ciocan nous montre surtout des hommes gouvernés par la bêtise et l'égoïsme, incapables de faire des pas les uns vers les autres s'ils n'y trouvent pas un intérêt personnel. S'ils ne sont pas capables de dialoguer avec leurs voisins, de considérer les sentiments d'une compagne, comment espérer construire une nation unie ? L'auteur démontre aussi comment la langue et la littérature peuvent tour à tour être perçues comme inutiles ou menaçantes selon le contexte.

Les personnages sont tous très caricaturaux et si l'on peut comprendre que certains traits aident à dénoncer des comportements inacceptables, j'ai quand même été très irritée par le traitement des femmes dans le roman. Sans vouloir m'étendre sur le sujet, le regard masculin porté sur elles y est tout simplement insupportable et extrêmement redondant. En terme de contenu j'ai l'impression que le physique des femmes y est plus commenté que la politique. C'est fort dommage et je ne m'attendais pas à ça. J'imagine que si l'on aime l'humour grivois il y a matière, mais je n'étais tout simplement pas la bonne cible.


Ce que j'ai appris de la Moldavie me donne cependant l'envie d'en apprendre davantage, mais peut-être sous une autre forme.

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L'auteur moldave Iulian Ciocan a publié Et demain les Russes seront là ... en 2015. Un roman dystopique dont l'une des deux intrigues évoque, comme son titre l'indique, un envahissement du pays, en 2020, par les forces de la région séparatiste de Transnistrie, appuyées par les Russes. L'autre récit du livre se déroule lui en 1995 avec pour héros un Moldave de retour d'une université roumaine et qui va publier un livre de fiction décrivant l'invasion mentionnée plus haut. Non seulement l'auteur anticipe en quelque sorte la guerre en Ukraine mais il s'offre en plus une belle mise en abyme. Pour ceux qui ont eu l'opportunité de voyager en Moldavie, comme votre serviteur, il y a de cela une quinzaine d'années, la photographie du pays coïncide très bien avec l'impression de schizophrénie ressentie sur place : d'une part, l'héritage de l'URSS et, d'autre part, la proximité de la Roumanie avec laquelle la Moldavie partage la langue et une grande partie d'histoire commune. le style de Ciocan rappelle parfois celui de certains romans d'Andreï Kourkov, avec un humour cinglant et une ironie très mordante. La verdeur du langage employé est constante, en ne ménageant guère des personnages soit corrompus, soit lâches, sans parler de ceux, nombreux, qui s'adonnent à la boisson ou à l'adultère. Si l'auteur épingle en particulier ceux qui détiennent le pouvoir, c'est sa description très vache du microcosme de la littérature moldave qui vaut vraiment le détour. Au-delà de la jubilation à croquer un pays dysfonctionnel perce évidemment l'inquiétude de n'être qu'un nain face à la volonté d'hégémonie de l'ogre russe, ce terrifiant voisin. Ce qui était vrai en 2015 l'est encore bien davantage en 2023, évidemment.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Grâce aux éditions Tropismes, j'ai lu ce que je pense être mon premier roman moldave. de ce pays je connaissais peu de choses et surtout peu sur son contexte politique très compliqué (qui est expliqué dans la préface). le pays a une forte culture roumaine. mais détient une région séparatiste pro-russe la Transnistrie.

Dans ce livre à double temporalité, Marcel Poudre, jeune diplômé sans le sou, tente de publier son livre en 1995. L'autre temporalité se déroule en 2020, et est celle de son livre, où les Russes ont envahi la Moldavie et où on suit Nicolas Pigeonneau vieux professeur d'université qui va tenter de quitter le pays où il est désormais en danger.

Le coup d'éclat du livre est évidemment celui de l'auteur d'avoir imaginé cette situation en 2015, une situation très proche de ce qu'il se passe actuellement. Dans cette dystopie qui n'en est pas tout à fait une, Iulian Ciocan nous montre la difficulté des pays où plusieurs courants cohabitent sans vouloir se comprendre, la peur, le rejet de l'autre. Il montre aussi des personnages qui tentent par tous les moyens de joindre les deux bouts. J'ai aussi aimé cet univers très littéraire, où les livres et les mots ont beaucoup d'importance, et où le monde de l'édition est montré corrompu par les pouvoirs en place.

Ce qui a quelque peu gâché ma lecture ce sont les relations hommes-femmes. Les femmes sont quasiment toujours décrites pour leurs gros seins, il y a des propos grossophobes, si elles sont laides elles couchent facilement, et elles sont quasiment toutes battues et trompées. Mais il n'y a pas vraiment de critiques des hommes, jusqu'au personnage principal qui est absolument toxique dans ses deux relations amoureuses : ment, stalke, se dit qu'on lui doit du sexe, et ce, jusqu'à l'agression sexuelle. Mais encore une fois, il est victime de ces filles vierges et pas une personne horrible...

Je suis malgré tout contente d'avoir découvert ce livre et cette littérature.

ninaalu.wordpress.com/2023/04/15/et-demain-les-russes-seront-la/
Lien : HTTPS://ninaalu.wordpress.co..
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critiques presse (1)
Actualitte
17 avril 2023
La dystopie littéraire, quand elle touche aux abus politiques et à la violence meurtrière d’un régime, dénonce, déstabilise et fait peur. C’est la littérature en soi, langage de toutes les libertés, qui fait peur aux oppresseurs.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Un collègue vint annoncer au père Pétéa que les Russes arrivaient enfifin. Ses yeux étaient humides d’émotion. Le père Pétéa ne s’est pas empressé de sauter de joie. Il l’aurait peut-être fait jadis. Pas cette fois. Qu’avait-il à gagner, au fond ? Pufifin lui donnerait-il une retraite plus forte ? Possible. Mais le père Pétéa avait appris à vivre du peu d’argent dont il disposait. De sorte qu’il conseilla à son ami d’aller “se faire voir” chez Pufifin et d’apporter plutôt une bouteille de vodka.
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Les évènements prenaient une tournure dangereuse et Marcel se rappela les propos prophétiques de Blina : « La littérature est le chemin de nulle part. »
Il fallait faire la part de l'exagération de son ami, mais il était clair que survivre par la littérature ou les lettres ne pouvait être qu'une entreprise ardue dans la jungle de la transition postsoviétique.
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On ne sait pas si Marcel Poudre aurait lu avec la même passion durant son enfance et son adolescence s'il avait eu un petit frère ou une sœur. Il est plus plausible qu'il n'aurait pas éprouvé l'ineffable magie que seul le contact avec la littérature est à même de produire. Car c'est justement parce qu'il restait si souvent seul à la maison qu'il devait tuer le temps, lutter avec les heures interminables qui se traînaient comme des escargots ébouillantés, qu'il s'était senti poussé vers l'univers fascinant de la lecture.
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Devenir riche grâce à un travail honnête ? Les chances étaient, au fond, tout à fait infimes, mais pour un professeur de langue et littérature roumaines des années 1990, cela relevait de la plus haute utopie.
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