Le petit Coq
Le petit Coq
A décrété,
Crête au vent, bec acéré,
Planté sur ses arpions
Droit comme un piquet :
« La guerre est déclarée !
Picoti, picota,
Baisse la couette et rentre chez toi ! »
Puis l’ennemi vaporeux
Devenu imperceptible,
Le petit Coq s’est fait généreux
Et a jugé la liberté possible ;
« Si chacun chante sous son masque
Et se tient à un mètre de ses condisciples,
Sans faire de bruit, sans faire de frasques,
Il pourra poser son pied altier
En dehors du poulailler !
Picoti, picota,
Baisse la couette et marche droit ! »
C’était sans compter
Sur le retour fracassant
De l’ennemi fringant.
Sans se faire remarquer
Il s’immisçait à nouveau
Dans les poumons, dans les cerveaux,
Et ni une ni deux, peut s’en fallu,
La liberté mourut.
Le petit Coq énervé,
La crête prématurément grisonnante,
Décréta sans se priver
Une nouvelle période lente.
Les poulaillers rouverts,
Furent vertement refermés.
Toute la gent gallinacée
Se retrouva Gros Jean
Comme auparavant.
Picoti, picota,
Baisse la couette
Et ferme-la.
Tant alla le temps
De fermetures en ouvertures
Que les esprits furent pris
De terribles vergetures.
Le petit coq, tout beau qu’il était
Ne faisait plus l’unanimité
Si bien que les poules rassemblées
Ne songeaient plus qu’à le remplacer.
Mais en ces temps troublés,
Picoti, picota
Une martre fait-elle un bon choix ?
p.44-45
Cher ami
Bien au chaud en moi
De nekuias en catabases,
J’embrasse mes extases
Et ris de mes effrois.
Je me complais, heureux
De mes chutes sévères,
Dans ce profond enfer
Qui m’emplit les yeux.
Plus le noir s’éternise
Et plus la lumière m’effraie,
Plus le vieux monde se tait,
Et plus ma félicité s’attise.
Il semble bien, mortel ennui,
Que tu deviens jour après jour,
Alors que tout fane alentour,
Mon allié, mon plus cher ami.
p.36
Ici
Ici,
Les si s’alignent et s’agglutinent
En énigmes nuageuses,
Seringues espiègles
Administrant de pieuses
Devinettes.
Les oubliettes du passé
S’ouvrent sur le néant.
Plus rien ne transparaît
De ce terrible et béant
Avenir.
Que peut-il advenir encore
De ce monde rapiécé,
De ce mort étouffé
Au vent des villes mortes,
Affreuses.
Les affres de nos plaisirs morts
Deviennent l’avenir filandreux
De nos désirs chétifs,
Ici.
p.35
Plume pirate
Ma plume pirate le ciel pur
Et pactise avec le diable
D’un ciel de velours.
Comme plus rien ne reste
De nos anciens banquets
Il faut bien renouveler nos gestes !
Puisons là-haut
La force de nos vieux bras !
Que nos rêves riches et sots
Se fassent nouvel au-delà !
Et qu’enfin
Quoi qu’il en soit
Que l’on voie la fin
De cet effroi.
p.28
Au loin
Au loin,
Demi-teinte fondue,
Un lampadaire s’endort,
Tendrement soutenu
Par l’effort de sapins étroits.
La pluie se dilue en gouttes épaisses
Dans mes yeux droits.
Au sol,
Des feuilles sales
Meurent dans un râle odorant,
Effluves épais qui gangrènent
La musique du vent.
Tout s’uniformise
En une palette sombre.
C’est la nuit qui se couche sur nos tombes.
p.53