La capitale de la Castille était un centre de rencontres des érudits des trois religions monothéistes. Depuis la Reconquista, la tolérance religieuse connaît des hauts et des bas selon les règnes successifs, les Juifs et les Maures constituent des minorités religieuses et doivent vivre dans des quartiers séparés des Chrétiens.
Tolède 1369 - La Première Guerre civile de Castille se termine par la victoire d'Henri de Trastamare (Henri II) sur son frère Pierre Ier. Les vainqueurs de cette guerre fratricide dévastent tout sur leur passage et le Barrio de Tolède est mis à sac. Avram Espinosa Halévi est le fruit d'un viol. Sept ans passent, nouveau siège, Avram et sa mère sont contraints, sous la menace de l'épée, de reconnaître le dieu des chrétiens. Devenu médecin après des études à Montpellier, il revient chez lui pour soigner tout un chacun et est confronté aux frères Velasquez. L'un, Juan, riche marchand et débiteur d'Avram pour la naissance de son fils dans des conditions désespérées, l'autre, Rodrigo, cardinal de l'Inquisition, prêt à exterminer n'importe qui en échange du trône pontifical.
La haine des Juifs, qu'il partage avec le sinistre archidiacre Ferran Martinez, n'exclut ni les Halévi ni leurs amis. En 1391, la juderia de Séville est ravagée par des émeutes. Les villes de Castille et d'
Aragon puis celles du nord connaissent le même sort. Les synagogues sont dévastées ou transformées en églises, comme la synagogue Samuel Halévi de Tolède.
L'emprisonnement, la torture, les menaces déguisées ou non, les impôts exorbitants, le port de la rouelle (ancêtre de l'Etoile de David) sont autant de moyens de vider les juiveries d'Espagne et de favoriser la diaspora, notamment vers l'Afrique du Nord.
Avram, marrane par obligation, n'a pourtant comme seule religion que la science. Tout au long de sa vie, il se posera les questions liées à chacune des religions et trouvera finalement un réconfort dans le judaïsme.
Avram Halévi quitte définitivement Tolède pour Montpellier où il devient doyen de la faculté de médecine, enseigne et met au point une cartographie des corps humains, résultat de ses multiples expériences de dissection et d'étude des corps. le fanatisme de Rodrigo Velasquez ne s'arrête pas à la frontière espagnole. Après la mort de sa femme et de sa fille, Avram se réfugie à Bologne où il assiste à l'émergence artistique d'une ville florissante et tolérante envers les Juifs fuyant l'Inquisition de toutes parts. Cette fois, il est retrouvé et jeté dans les geôles de Rogrigo Velasquez. Délivré, il doit s'exiler plus loin encore et il choisit Kiev où il pratiquera le commerce de l'argent jusqu'à sa mort.
La vie mouvementée d'Avram Halévi est aussi un prétexte pour retracer l'histoire tumultueuse de cette fin du XIVe s. et de la première moitié du XVe s. En Espagne, plus qu'ailleurs, le fanatisme religieux part à la dérive. En France et en Italie, la bataille des papes conduit au schisme de 1378. Avignon et Rome se terrorisent et s'excommunient à tour de bras et l'on cherche vainement où est passé l'enseignement du Christ.
Cette grande fresque médiévale balaie les moeurs des différentes communautés et notamment les raisons qui rendent épisodiquement les Juifs responsables de tous les maux. En fait, seule la religion juive permet le commerce de l'argent. C'est ainsi que, très souvent, le roi ou le prince utilise les services de Juifs instruits pour collecter les impôts, emprunter de l'argent, faire du commerce avec l'étranger, changer des devises. Certains occupent même de brillantes positions sociales décriées par les nobles et le clergé qui voient leur pouvoir affaibli.
Les pratiques de l'Eglise catholique divisée font également l'objet de pages instructives quant aux interdictions faites aux chrétiens envers les Juifs. Les guerres sans fin vident les caisses des états et les besoins sont considérables. La tolérance toute relative qui est accordée aux Juifs est donc liée à l'acceptation d'assurer ce service de prêt. Et encore, elle n'est limitée qu'à un très petit nombre.
Je remercie vivement Pecosa dont la liste « Romans historiques. A travers l'Espagne, du Moyen Age au XVIIe siècle » est à l'origine de cette lecture ébouriffante.