Ce petit livre nous éclaire sur tout ce qui précède, entoure et suit la bataille
D Azincourt, livrée le 25 octobre 1415, après le franchissement de la Somme par les troupes de Henry V de Lancastre, venues en France pour profiter des divisions entre Armagnacs et Bourguignons et tirer leur épingle du jeu de tous ces démêlés. le siège et la prise d'Harfleur, en Normandie, avaient pris à Henry plus de temps que prévu après son débarquement au Chef de Caux.
Les troupes françaises suivaient à distance l'armée anglaise, et celle-ci passa la Somme non au gué de la Blanchetaque, comme elle l'espérait, et comme l'avait fait Édouard III en 1346 avant Crécy, mais à Béthancourt et à Voyennes, le 20 octobre, cinq jours avant
Azincourt. C'est la course de vitesse : les Anglais veulent gagner Calais pour embarquer et faire voile vers l'Angleterre, les Français les poursuivent pour leur couper la route ; c'est ce qui arrive le 24 octobre, quand l'armée française se positionne entre Tramecourt et
Azincourt ; les Anglais ne vont pas avoir d'autre solution que de livrer bataille, le lendemain, mais en infériorité numérique. Et pourtant, cette bataille, ils vont la gagner, le jour de la Saint-Crépin, le 25 octobre. Victoire que la présomption de nos chevaliers, leur manque de discipline et d'action concertée, l'intelligence des Anglais qui plantèrent des pieux à la pointe acérée comme moyen de protection devant leurs archers très actifs face aux attaquants, l'étroitesse de l'espace disponible pour se battre rendirent inévitable. Au centre, les hommes d'armes français de la première ligne ont laissé leurs chevaux, et il n'y a de cavaliers qu'aux ailes, mais la pluie de flèches qui tombe sur leurs rangs jette parmi eux l'effroi, le désordre et la mort. La suite de la bataille continuera d'être meurtrière pour les Français et elle s'aggravera de l'ordre donné par Henry V de ne faire que rarement quartier aux prisonniers, sauf à certains de ceux qui pouvaient offrir une grosse rançon, un ordre qui vint d'une méprise : son campement avait été attaqué vers l'arrière par quelques têtes brûlées françaises, et le roi avait craint d'avoir été contourné par un groupe important, d'où cette volonté de se montrer impitoyable.
L'événement est l'occasion pour Philippe Contamine de s'attarder sur le contexte politique, économique et social, de considérer les moyens dont chacun disposait - effectifs, armement, équipement, état psychologique et moral des troupes, habitudes et tactiques de combat, etc. - et ce que chacun en fit.
Ce ne sont donc pas que les faits eux-mêmes qui sont analysés dans cette synthèse, mais aussi les maigres conséquences immédiates de ce beau succès militaire anglais, et l'obligation pour Henry V de revenir pour conquérir la Normandie, avant de s'entendre avec le duc de Bourgogne et d'imposer en 1420 le traité de Troyes au roi Charles VI, qui, par moments, n'avait plus toute sa raison, qui lui avait donné en mariage sa fille Catherine, et qui s'engagea à lui laisser la couronne de France après sa mort. L'imprévisible se produisit : Henry V précéda Charles VI dans la tombe, et laissa la régence à son frère Bedford le temps qu'Henry VI atteignît sa majorité. Mais sur leur route se dresseront Jeanne la Pucelle, Charles VII - désireux de faire la paix avec le duc de Bourgogne Philippe le Bon-, Richemont et Dunois, et c'est la suite de l'histoire.
Philippe Contamine est un spécialiste de l'art de
la guerre au Moyen Âge - autant que le mot art puisse s'employer dans la chose militaire, et il le fait en connaisseur : tout est calculé, expliqué, on nous dit de combien d'hommes se compose ce que l'on nomme la "lance", ce qu'est la "bataille" (le corps de troupes groupé en vue de l'affrontement), quels sont les coûts des dépenses et des achats, les besoins alimentaires et l'organisation logistique, l'organisation de l'armée dans ses déplacements, dans ses campements et retranchements, dans son ordre de bataille, les phases du combat, le nombre de morts et de blessés comptabilisés après le combat, le déséquilibre des pertes situé proportionnellement à l'exact opposé des moyens humains engagés dans chaque camp. Derrière la sécheresse des chiffres, il y a tout ce que l'on peut imaginer.
Et tout cela en un nombre limité de pages. Un exploit. Un livre enrichissant par la qualité des informations livrées.
Philippe Contamine ne manqua pas de participer à l'émission de télévision consacrée à
Azincourt et réalisée par
Henri de Turenne dans le cadre de sa série des : Grandes Batailles du passé (pour un très beau résultat).
On lira avec intérêt, pour compléter tout cela, la relation précise et détaillée des événements donnée dans son propre livre, sur le même sujet, par
Dominique Paladilhe.
François Sarindar, auteur de :
Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)