Un monceau de conneries étayées par un tissus de mensonges tenus par des incompétents n'ayant visiblement jamais lu les bouquins qu'ils citent pour avancer un projet délirant rappelant les pires heures de la Révolution Russe et s'inscrivant dans un monde fantasmagorique et irréel où l'on parle sans fléchir de Pachamama/Terre-Mère issue des vapeurs psychédéliques des néo-shamans d'Amérique du Sud comme solution universelle aux problèmes modernes.
J'avais déjà pris en flagrant délit de désinformation le mouvement Utopia sur sa page Facebook à propos de l'industrie nucléaire, où la seule source disait exactement l'inverse de ce qu'ils prétendaient. Ici, même gloubi-boulga incohérent où l'on mêle
Pierre-Joseph Proudhon et
Elinor Ostrom au milieu d'une pure diarrhée littéraire. Je ne sais même pas par où commencer tant chaque page est imprégnée de désinformation et de pur mensonge.
Commençons par parler des "communs" avancés dans cette propagande de pacotille. Tirés de l'oeuvre d'
Elinor Ostrom, les "communs" sont un espace de propriété privée gérée par négociation et mise au service d'une communauté sans le contrôle étatique. Ces communs sont nés de la Conquête de l'Ouest Américain, où colons, prospecteurs et éleveurs devaient s'organiser et trouver des terrains d'entente en l'absence de toute présence étatique, dans le plus pur esprit de la tradition constitutionnelle américaine.
Elinor Ostrom n'est pas la seule à s'être intéressée aux communs, et son travail s'inscrit dans la suite de celui de Garrett Hardin et s'est rédigé en parallèle de celui de Robert Ellickson, pour ne citer qu'eux.
Ostrom décrit dans son travail un groupe d'individus, disposant pleinement, et légalement de leur propriété privée, décidant volontairement de se regrouper au sein d'une communauté pour gérer collectivement l'ensemble des propriétés privées mises en commun. Dans le travail d'Ostrom, il n'est jamais question de spoliation de propriété, et chaque propriétaire peut à tout moment décider de se retirer et jouir individuellement de son bien.
Pour le mouvement Utopia, les communs sont un ensemble de biens gérées par un groupe d'individus mais dont la propriété leur a été enlevée. Cette vision spoliatrice, c'est ni plus ni moins celle des Kholkozes et des Kibboutz, c'est à dire une vision collectiviste, communiste pure et dure et donc totalitaire, où l'individu disparaît au profit d'une communauté ("l'internationale", "la révolution", "le parti", "la nation"...).
En outre, le travail d'Ostrom portait avant tout sur la mise en commun des connaissances, et s'est révélé parfaitement adapté à la "révolution numérique" avec les licences Creative Commons, logiciels libres, et autres copyleft, mais elle ne s'est pas réellement attaquée à la question de la propriété matérielle. Ce sont d'autres économistes commentant son travail qui, en mettant en avant certains principes, ont entrepris de démontrer les possibilités et surtout les limites de ce genre d'application à la gestion de ressources naturelles (en particulier en prenant pour exemple les pêcheries de l'Union Européenne). A aucun moment, ni dans le travail d'Ostrom ni dans celui de ses collègues il n'était question un seul instant de spolier la propriété de quiconque. Chez Utopia, les communs ne peuvent exister sans cette atteinte à l'un des Droits les plus fondamentaux de notre civilisation.
Ce genre de manipulation/mensonge constitue le fil de ce bouquin, où il n'est jamais question d'Economie, ni de Droit. A la place, il n'y a que des réflexions de comptoir sur des mesures intellectuellement proches du zéro. Sur tout le pan de l'agriculture, on perçoit clairement que les auteurs n'ont jamais mis les mains dans la Terre et ne savent absolument pas comment est élevée la viande ni comment poussent les légumes qu'ils consomment. Ils ne font que fantasmer une agriculture bio de proximité, un retour à la terre (mère, évidemment) digne des plus grands délires hippies et, il faut le rappeler, des plus grands délires d'
Heinrich Himmler, qui au-delà de son antisémitisme, était un fervent défenseur du retour à la terre (le soldat SS étant conçu dans son esprit malade comme un paysan-soldat). C'est exactement le même délire que l'on retrouve ici, et si j'ai atteint le point Godwin, ce n'est pas sans arrière-pensée: nulle part dans ce bouquin il n'est question de l'individu en tant que représentant unique de l'espèce humaine, singularisé par son expérience, son vécu et sa pensée. Non, il n'y a ici que le commun, envisagé avec la même approche socialiste totalitaire que celle des régimes nazis, soviétiques et fascistes, où l'individu n'est rien et le groupe est tout, sauf qu'on recouvre le tout d'un vernis pseudo-environnementaliste s'apparentant surtout à un néo-luddisme acharné qui aurait trop lu
Michel Onfray.
Seul auteur mentionné en dehors d'Ostrom, Proudhon est abordé par les auteurs qui osent affirmer que personne (à part eux, évidemment) n'a compris ce que le célèbre anarchiste voulait dire. L'affirmation, tout comme le ton, est péremptoire et de fait, le raisonnement est non seulement fallacieux mais en plus totalement contradictoire. Proudhon expliquait que la "propriété, c'est le vol", parce que l'acquisition d'un bien exclut de fait tous les autres. Ce n'est rien de plus qu'une punch-line littéraire qui sera contrebalancée, comme les auteurs du mouvement Utopia le disent eux-mêmes (en essayant platement d'éviter leur propre contradiction), par l'affirmation "La propriété, c'est la sécurité et la liberté" (parce qu'elle permet l'indépendance et l'autarcie, chères aux vrais anarchistes).
Mais surtout, comment peut-on invoquer Proudhon sur des questions juridiques alors qu'il n'était pas juriste, et complètement oublier
Charles Comte et
Frédéric Bastiat? Probablement parce que d'une part, s'ils les avaient lus, ils n'auraient pas rédigé un pamphlet aussi stupide, et d'autre part parce que s'ils les avaient mentionnés, leurs belles explications seraient totalement tombées à l'eau.
Rédiger une critique point par point de cet ouvrage de 100 pages nécessiterait la rédaction d'un bouquin de 200 pages au moins, aussi je m'en tiendrais là pour cette critique Babelio. Néanmoins, je tiens à revenir sur un dernier point, en guise de conclusion.
Les auteurs semblent vouloir surfer sur la vague de critiques adressées au "néolibéralisme" et au "capitalisme" par de multiples critiques à l'égard de ces notions. Mais en réalité, ils prennent bien le soin de ne jamais les définir, comme tous ces auteurs malhonnêtes qui critiquent des mécanismes qu'ils n'ont visiblement jamais étudiés et encore moins compris, comme
Thomas Piketty et consorts. S'ils avaient pris la peine d'étudier des auteurs comme
Adam Smith,
Carl Menger,
Ludwig von Mises ou
Friedrich Hayek, ils se seraient rendu compte que tous ces auteurs majeurs du Libéralisme ont inscrit la théorie économique dans un cadre social où l'économie n'est pas au service de l'enrichissement aveugle, mais au service du progrès de toute l'Humanité.
Le
Mouvement Utopia et tous ces pseudo alter-mondialistes confondent sciemment économie de marché et accaparement criminel: le problème n'est pas qu'il y ait des riches, mais qu'il y ait des pauvres et des miséreux. Or, partout où il y a la véritable misère, celle où l'on crève de faim et de maladies bénignes, on se rend compte que ce n'est pas un problème lié à l'économie de marché, mais dû à l'accaparement des richesses par certains individus qui prétendent agir au nom de la communauté et disposent en son nom d'un pouvoir de coercition ou tout au moins d'une impunité.
Cette constatation devrait être un avertissement contre ces pseudo-mouvements humanistes qui pullulent aujourd'hui et s'en prennent indistinctement aux riches et à la finance comme on s'en prenait autrefois aux juifs. Notre monde est certainement perfectible, mais ce n'est pas avec des idéologies totalitaires de ce genre que l'Humanité s'en sortira.