Bon, cette pièce a nettement plus parlé à mon intellect (c'est bien) qu'à mes passions (moins bien).
Elle raconte en détail une scène que l'on retrouve au début du film « Cléopâtre » de Mankiewicz :
Pompée, vaincu par César à la bataille de Pharsale, se réfugie en Égypte à la cour de Ptolémée (
Corneille écrit Ptolomée). Ce dernier trouve plus judicieux de le décapiter et d'offrir sa tête à son adversaire afin d'entrer dans ses bonnes grâces. Mauvais calcul car César pique une crise à l'idée qu'un grand Romain ait pu être traité de la sorte par des barbares. Pour échapper à la colère
De César, Ptolémée va alors tenter de l'éliminer. Encore une belle réussite pour lui ! Il faut dire qu'il est vachement bien conseillé par Photin, le chef du Conseil d' Égypte.
Donc, ça a parlé à mon intellect. C'est-à-dire que ces évènements, largement historiques, sont intéressants à connaître, et les raconter en alexandrins ne gâche rien.
C'est aussi tout le contexte historique à l'époque de la création de la pièce qui est enthousiasmant : Richelieu et Louis XIII sont morts il y a peu, Mazarin aurait le vent en poupe mais les aristos qui se nomment eux-mêmes les Importants complotent pour le désavouer ; pas question pour eux de voir à nouveau leurs privilèges malmenés par un premier ministre autoritaire.
Corneille suit un peu le sens du vent : certaines scènes de la pièce appuient les idées des Importants en critiquant le partage du pouvoir (Ptolémée et Cléopâtre pour Louis XIII et Richelieu). Pourtant il dédiera la pièce à Mazarin quand celui-ci aura mâté son petit monde.
Donc ça parle moins à mes passions. Eh oui, je n'ai pas été transporté comme par les déchirements de Rodrigue ou l'extrémisme patriotique d'
Horace. La faute en grande partie au fait que le tragique ne transparaît pas au moment des dures décisions. Les actions sont rapportées par des seconds couteaux possédant peu d'âme pour eux-mêmes. La faute aussi à une ambiance générale de générosité et de clémence qui ramollit tout. César voulait pardonner à
Pompée (véridique ?). Il pardonne à Ptolémée à la demande de Cléopâtre. Cornélie, épouse de
Pompée, vient même mettre en garde César du complot tramé contre lui par Ptolémée ; la raison ? elle ne peut pas encadrer César mais elle piffe encore moins le petit pharaon qui a fait assassiner son mari. Mais elle aura César un jour, elle l'aura ! C'est un peu fort de café, ou plutôt passionnellement fade.
Bref, historiquement intéressant mais théâtralement évitable.