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EAN : 9782715224742
576 pages
Le Mercure de France (22/03/2007)
4.05/5   11 notes
Résumé :

Les Mémoires laissés par les marins de Louis XIV sont rares et d'un style assez technique. Ceux du comte de Forbin, trop longtemps occultés, se révèlent exceptionnels tant par l'étendue et la variété des aventures militaires qu'ils couvrent que par la plaisante vivacité de leur écriture. Nul n'a parcouru tant de mers, du Siam à la mer Blanche, nul n'a pu faire valoir, en tant d'opérations risqu&#... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Quelle vie singulière que celle de ce corsaire du Roi Soleil! Permettez que je vous la raconte un peu.

Entré tôt dans la marine et ayant déjà, très jeune, pris part à de nombreuses campagnes, Claude Forbin a du tempérament. Courageux et hardi face à l'ennemi, il peut également se montrer fier et querelleur hors du champs de bataille, reprenant à son compte, dirait-on, la règle de vie de Cyrano: « Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers ! » (Acte II, Scène VIII). Quoique, de vers, l'ami Forbin n'en écrira sans doute pas un seul, mais bon…

Toujours est-il qu'en 1677, pour une peccadille, le voilà qui croise le fer avec un chevalier aussi étourdi que lui. L'altercation tourne au tragique lorsque, après quelques passes d'armes, l'épée de Forbin reste coincée dans la gorge de l'insolent. La blessure ne pardonnera pas. Décidément, on meurt beaucoup au royaume des mousquetaires. Dans son ouvrage Croiser le fer¹, Pascal Brioist évalue à un sur sept le nombre de duels à cette époque où l'un des protagonistes trouve la mort. Les survirants ne sont pas pour autant tirés d'affaire car les combats sont interdits et punissables de mort par décapitation. Charmant.

Voilà donc notre ami dans de beaux draps qui obtient pourtant sa grâce, se rend à Brest et s'enrôle à nouveau dans la marine en usant d'un subterfuge par lequel il prend littéralement la place de l'un de ses frères malade.

Nous étions tous les deux du même âge et de la même taille; on ne prit pas garde au troc, et je fus reçu à sa place sans difficulté (p.46)

Suivront d'autres campagnes aux îles d'Amérique, sur les côtes de Colombie et du Venezuela puis retour en Méditerranée en 1682 pour participer au bombardement d'Alger d'où il rapporte le témoignage de boucheries sans nom.

Les nouvelles bombes qu'on jetait incessamment irritèrent tellement ces barbares que, pour se venger, il se saisirent du consul français, le mirent dans un de leurs mortiers et le tirèrent au lieu de boulet. Leur cruauté n'en demeura pas là: ils traitèrent de même plusieurs esclaves français qu'ils attachaient à la bouche de leurs canons, en sorte que les membres de ces pauvres chrétiens étaient portés tous les jours jusque sur nos bords, présentant ainsi un spectacle d'inhumanité… (p. 52)

Preuve, s'il en fallait, que notre siècle n'a pas le monopole de l'horreur…

Les missions guerrières se seraient sans doute succédé ainsi pour Forbin, avec peut-être même une certaine monotonie dans l'atrocité si, en 1684, n'était arrivée à la cour de Louis XIV une ambassade envoyée par Sa Majesté le Roi de Siam (oui, à l'époque, on dit « de » et non « du » Siam). L'affaire est loin d'être banale car, disons-le toute suite, au XVIIe siècle, le pays qui compose l'actuelle Thaïlande est aussi éloigné de la France que la Lune l'est de nous aujourd'hui. le voyage est faisable, certes, mais risqué. Bref, ce n'est pas tout à fait la porte d'à côté.

La délégation, composée principalement de deux mandarins siamois, est accompagnée par un jésuite des missions orientales qui fera office d'interprète. Que veulent ces gens?

Dans les différentes conférences qu'ils eurent avec les ministres, ils firent entendre, conformément à leurs instructions que le roi leur maître protégeait depuis longtemps les chrétiens; qu'il entendait parler volontiers de leur religion; qu'il n'était pas éloigné lui-même de l'embrasser; qu'il lavait donné ordre à ses ambassadeurs d'en parler avec Sa Majesté: et ils ajoutèrent enfin que leur maître, dans les dispositions où il était, se ferait infailliblement chrétien, si le roi le lui proposait par une ambassade. (p.77)

C'est un peu louche, non? Évidemment, le très pieux Louis tombera dans le panneau et s'empressera de composer sa propre ambassade commandée par le chevalier de Chaumont à laquelle se joindront Forbin ainsi que six pères jésuites et une suite nombreuse de jeunes gentilshommes. L'expédition comptera également dans ses rangs l'abbé de Choisy, celui-là même qui passa plus de la moitié de sa vie habillé en femme et nous laissa de nombreux ouvrages dont un journal de son voyage au Siam. Quelle équipée mes amis.

(lire la suite...)
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Forbin n'est pas le plus connu des corsaires de Louis XIV : Duguay-Trouin, son rival, et Jean Bart, son acolyte, ont connu une meilleure fortune. Mais quelle vie que la sienne ! Ses navires ont sillonné toutes les mers, capturé et brûlé moult vaisseaux de ligne. On le retrouve jusqu'en mer Blanche pour perturber le commerce des Hollandais. L'homme est hardi et querelleur, et sa plume est efficace ! le récit est enlevé, les coups de main nombreux. Après quelques cinglantes défaites face aux Anglais et aux Hollandais (Barfleur, La Hougue), la Royale ne peut rivaliser avec la Navy et la guerre de course est un bon expédient pour nuire aux flottes ennemies. C'est ce que Forbin s'ingéniera à faire durant toute sa carrière, sans jamais obtenir les honneurs qu'il espérait. Seul passage beaucoup trop long et ennuyeux, l'épisode de l'ambassade de Siam où Forbin doit affronter les intrigues de ses compatriotes, jaloux de ses succès.
Ces mémoires sont un formidable témoignage sur la marine française de l'époque de Louis XIV.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ce fut pendant ce trajet qu'un jour, comme j'allais partir de Livoume pour repasser en France, je vis venir à bord un moine qui portait une boucle d'oreille à laquelle pendait une grosse perle. A peine eut-il mis le pied dans le vaisseau, que s'adressant à ceux des matelots qu'il rencontra les premiers, il leur demanda, avec des airs arrogants et pleins de hauteur, où était le capitaine. Je n'étais qu'à deux pas : je m'approchai, et m'étant présenté à lui : « Est-ce vous, me dit-il, qui êtes le capitaine ? — Oui, lui répondis-je, c'est moi-même. — Comment vous appelez-vous ? me répliqua-t-il. — Que vous importe ? lui repartis-je ; mon nom ne fait rien à l'affaire : de quoi s'agit-il ? — C'est, continua le moine, que j'ai à vous présenter un passeport du cardinal de Janson, afin que vous me receviez dans votre bord. » A ce mot, je pris le passeport ; et l'ayant lu : « Voilà qui est fort bon, poursuivis-je ; je n'y trouve qu'un défaut, c'est qu'il n'est pas dit que le religieux qui doit me le présenter aura une perle à l'oreille, et qu'il se donnera des airs de petit maître. Ainsi décampez au plus vite, sans quoi je vais vous faire jeter dans la mer. » Je dis ces dernières paroles d'un ton si déterminé que le moine, appréhendant que des menaces je ne passasse aux effets, se retira sans mot dire, fort honteux du compliment.

Quoique ce trait paraisse peu important, j'ai été bien aisé de le rapporter, quand ce ne serait que pour faire voir à ceux que la Providence a destinés à édifier les autres qu'ils ne sauraient s'écarter de la modestie de leur état sans se rendre méprisables et ridicules auprès des personnes de bon sens.
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