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3,9

sur 2121 notes
Je l'emmènerais sans doute sur une île déserte, ce livre. Il m'aiderait à refaire le monde en sauce liberté, à rêver plus coloré, plus ouvert, à avoir envie de partage...
En plus il est rédigé dans un style si surprenant, qu'à le relire 10 fois je découvrirais encore des choses, des jeux de mots qui m'auraient échappé, des images que je n'aurais pas eu le temps de conscientiser, faute de patience, c'est mon défaut de lectrice, ça, quand c'est trop bien, je ne savoure pas toujours, trop pressée de connaitre la suite, quand c'est rasoir, ben c'est pas mieux, je saute des lignes! Plus qu'un style, j'ai même envie de parler d'une expérience de lecture. le plus frappant aura été cette langue "incandescente" comme c'est écrit au dos du livre, car les mots semblent créer un mouvement, parfois, et de plus en plus au fur et à mesure du livre; Les mots se distordent, changent, évoquent une sensation, créent une musique. C'est un livre qui demande de l'implication! 

C'est un livre esthétique! A cette langue viennent se mêler des signes, une calligraphie originale, différente pour chaque personnage. Je n'avais pas compris, au départ, je chassais points, parenthèses et apostrophes d'un revers de mains, ou tout du moins ça m'en donnait l'envie, le temps de m'installer pour de bon dans cette manière peu commune d'écrire. Ainsi on peut être aussi bien dans "la tête" d'un personnage que dans celle d'un autre, et aussi avoir différentes facettes d'un même moment, c'est très confortable pour le lecteur et il se sent "tout-puissant" (lol).

 Il m'aura fallu un peu de temps pour tout à vrai dire...En examinant le livre avant de me lancer, j'avais des aprioris, la dédicace au départ par exemple, m'avait semblée un brin maniérée, un poil surjouée alors que j'en ressens une fois le livre lu toute l'immense tendresse. Un CD accompagne ce livre , où l'on découvre la voix de l'auteur qui reprend des passages du livre, accompagné d'une voix féminine et d'un guitariste, c'est un cd qui je pense a plus d'impact une fois le livre lu, tel un "flash back" sonore du monde silencieux et pourtant si dense que l'on vient de quitter. C'est en tout cas comme cela que je l'ai appréhendé, et il m'a beaucoup émue. Un beau cadeau de l'auteur de pouvoir découvrir sa voix, sa propre émotion, et de revivre avec une facette encore différente certains moments d'échange entre Sahar et Lorca ou ce moment où leur fille Tishka reprend forme humaine dans une simulation virtuelle. 
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C'est un livre résolument politique. Il évoque une société de masse bien triste, en proie à une recherche exacerbée de confort matériel, où l'intimité est mise à nu au profit de la satisfaction rapide et sans effort. Où la prévention, la sécurité sont de véritables valeurs d'État. La masse manque d'âme, de bruit, de mouvement. Heureusement nous découvrons aussi tout un monde militant, une infinité de groupuscules; et ce chapitre où certains "volent" au-dessus de l'asphalte( chapitre 9 ), par des centaines de câbles au-dessus des toits m'a donné une grande bouffée d'oxygène. 
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Un livre riche et dense qui assure non seulement une dimension stylistique et esthétique, un message politique très fort, et qui enfin ou en plus m'a fait vibrer plus d'une fois la corde émotionnelle. Il évoque avec beaucoup de force ce que peut être la disparition d'un enfant, Alain Damasio. Tout ce que ça peut susciter d'espoir chez Lorca, dont les retrouvailles sont désormais l'unique moteur de vie; alors qu'au contraire pour sa femme Sahar il s'agit de faire un deuil, de respecter une mémoire. Ces personnages sont forts chacun à leur manière et leur histoire est très belle... 
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Tant d'ingrédients que demander de plus à un roman? Peut-être qu'on en saura un peu plus encore sur ces furtifs lors d'un prochain tome, car ils restent malgré tout bien mystérieux,ainsi que leur capacité d'hybridation avec les (le) vivant (s).  
Peut-être aussi qu'après un début qui monte en puissance jusqu'au chapitre 12, j'ai un peu pâti de quelques longueurs, en même temps que Lorca et Sahar qui cherchaient désespérément et en tout sens comment retrouver leur fille. 
N'en demeure rien de moins qu'un livre dont la tendresse m'a transpercée, qui transpire d'humanité, qui transpore de vie.
Et dire qu'il existe une petite merveille d'après vous qui s'appelle "la horde..." , j'en salive déjà. Merci aux babeliotes qui m'ont rendue curieuse de lire du Damasio.
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Quelle déception que ces Furtifs !!! Mais du genre, la bonne grosse grosse déception !!

Alors, pour commencer par le positif, je ne peux pas nier que Damasio est un vrai Dada de la langue. Créatif, sensible au son des mots, virtuose du sens...Un poète, en somme. Même si parfois, il se regarde un peu écrire.

Je ne peux pas non plus nier qu'il soit bon théoricien : il sait se documenter, s'approprier les concepts et les transmettre. Même si parfois, il se regarde un peu penser.

Je savais déjà, également, qu'il était très bon nouvelliste. Aucun souvenir assez solide en témoigne.

Pour le côté métaphorique, le "si-on-s'ouvre-au-vivant-on-pourra-reconquérir-nos-vies-et-la-planète", l'idéaliste en moi te dit oui, Dada, j'ai envie d'y croire, cui-cui les p'tits oiseaux aboule le mojito fiesta jusqu'à plus soif.

Mais bon sang, en tant que romancier, là ça coince. Alors bien sûr, personne ne force Damasio à être réaliste, même s'il écrit de la SF. le concept de l'existence des Furtifs donne le ton : on nage dans un mélange d'anticipation et de fantastique, pourquoi pas. Mais il semble oublier deux trois petites choses. LA COHERENCE, par exemple. La cohérence, et LA NUANCE.

Dans Les Furtifs, il y a les gentils et les méchants. Les méchants, c'est l'Etat et les grandes entreprises. Etat qui semble n'exister que pour faire des lois, qui d'ailleurs vont et viennent au gré du récit comme si l'Etat était complètement indépendant desdites entreprises : tantôt il les soutient, tantôt il soutient le peuple, on ne sait pas trop. Les entreprises, c'est ceux qui rachètent les villes avec l'idée de confort comme slogan marketing. Les méchants, c'est ceux qui ne tuent pas juste pour leur idéal, c'est aussi ceux qui menacent de viol, font des photos crades avec des cadavres...
Les gentils, eux, c'est ceux qui ont tout compris, c'est ceux qui peuvent tuer sans ce que ce soit mal (parce qu'ils le font pour leur opinion, et leur opinion c'est le "bien", n'est-ce pas), c'est ceux qui se réjouissent des fake news et des complots tant qu'ils vont dans leur sens, c'est ceux qui te font une tonne de blablas antispécistes sur le vivant tout en faisant griller des truites et en rêvant d'une bonne tête de veau tranquillou, c'est ceux qui te disent que l'éducation c'est primordial, qu'il faut récupérer son sens critique, mais qui bourrent la tête de leurs élèves de leur opinion à eux, parce que leur opinion, bah c'est la vérité. Les gentils, c'est aussi ceux qui bâtissent des villes en une nuit tout en buvant comme des trous à la première occasion, en s'envoyant en l'air en oubliant que c'est la guerre, et en dormant jusqu'à midi. Je n'exagère même pas. Ils n'ont pas besoin d'organisation les gentils, ils font ça à l'instinct et tout fonctionne. Ils pensent même à apporter de la bière (artisanale !) dans la bataille.

Côté cohérence, on n'est pas en reste. Les rebelles peuvent repousser des armées entières avec des matériaux de récup (bah oui, pratique quand lesdites armées n'ont "pas le droit de tuer parce qu'elles se soucient trop de l'opinion publique" (depuis quand ??)), et ils peuvent même venir à bout de tanks avec...un orchestre ! (pratique quand lesdits tanks ne tirent toujours pas alors que les rebelles font littéralement s'écrouler des immeubles...) Les rebelles, ils sont assez balèzes pour faire basculer l'opinion publique de tout un pays ou presque avec une seule vidéo, pour fonder un Parti qui récolte 28% des voix après deux semaines d'existence, mais pas assez pour comprendre que non, envoyer un philosophe abscons pour porter leur parole n'est pas le meilleur moyen d'être compris du peuple.

Et dans tout ça, tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, les gars veulent convaincre tout le monde de fusionner avec d'étranges créatures biiiiien avant de se dire "tiens, mais sont-elles violentes, en fait ? On ne s'est jamais posé la question...Oh, c'est pas grave, elles ne sont pas violentes contre nous de toute façon, parce que nous bah on a raison". TOUS les élèves d'une prof se rendent compte de ce qu'elle leur a apporté et viennent à son secours. Tout le monde semble disposé à accepter de fusionner avec son grille-pain, tant que ça permet de ne pas faire partie des méchants. Et enfin, des gens pas sportifs du tout peuvent aussi faire du parkour comme des loufdingues ou encore traverser un bras de mer à la nage... Les gens pauvres soutiennent les rebelles, bien qu'il n'aient ni éducation, ni accès à de véritables informations, ni moyens de se rebeller... Mais c'est magique la vérité, ça vous soude les gens mieux que de la superglue.

Page après page, je n'étais que plus énervée. L'idéalisme oui, mais la crédulité crasse, non. Il y a tellement d'éléments qui ne tiennent pas la route dans ce bouquin que je ne peux pas tous les citer. Même si on considère que le but de l'auteur est allégorique, qu'il a envie de montrer qu'il suffirait qu'on soit tous ensemble pour abattre le capitalisme, le tout manque cruellement de discernement et même le tableau des "rebelles" les dessert.

Excellent théoricien, poète et nouvelliste, Dada, je ne te trouve pas bon romancier. Malgré toutes tes recherches et ton amour de la langue, tu peines à construire un univers cohérent, avec des personnages crédibles et nuancés (et je n'aborde même pas le sujet des femmes qui ne s'accomplissent que dans l'amour et la maternité ou presque...)

Et je l'attendais pourtant avec impatience, ce livre. Autant dire que je tombe de haut.
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Voilà 15 ans que nous attendions un nouveau roman de l'écrivain Alain Damasio.
Avec cette écriture de haut vol que l'on lui connaît, l'auteur nous offre le loisir de rêver tout en réfléchissant à notre société. Une dystopie d'un futur proche, qui se permet déjà de faire Écho à notre quotidien, tout en gardant cette poésie du mouvement. A travers les furtifs, et comme dans la horde, on nous apprend que l'essence de la vie n'est autre que la vitesse, le rythme, le son. Une essence qui encore une fois se sent et se ressent dans un style d'écriture hors du commun.

J'ai découvert dans ce roman une histoire touchante qui nous parle aussi bien de famille et d'amour, que de politique et d'engagement. Une histoire de vitesse et de mouvement bouleversante. Un roman qui prend aux tripes et nous rappelle que « le mot ville prend deux ailes »

Je recommande d'urgence
Sortie le 18 avril 2019
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Les Furtifs tombent à pic, il donne un aperçu du monde superconnecté, des hommes robotisés et des villes aseptisées.
Ce livre une une pure sensation des images suscitées par les mots, des couleurs explosant dans l'esprit du lecteur et des sons qui en font un spectacle livresque. J'ai apprécié les moment de "chasse" plein de tention, de stress mais aussi d'une douceur palpable et fugace.
Impressionnant, le pouvoir de l'auteur qui nous transporte dans un monde futuriste où les codes de vie reposent sur la déshumanisation et la technologie qui prend le dessus comme pour les chemises bioreactives que je vous laisse découvrir.
C'est aussi, un livre émotion qui m'a fait vivre des moments douloureux au souvenir de la perte de mon mari survenu subitement qui ressemble à la disparition de Tishka où le vide emplie le tout et que rien n'a d'importance. J'ai été émue de cet espoir qui fait vivre.
Les "trois hypothèses " m'ont laissée perplexe et m'ont fait réfléchir. Une histoire surprenante et on se laisse prendre au jeu des indices.
Un livre qui fait marcher les méninges, le lecteur est partie prenante et partage les recherches des personnages plus insolites les uns que les autres.
Un livre empathie où les mots deviennent des cris d'amour comme à la page 473. le cri d'une mère en détresse, un coeur qui souffre. Un amour qui devient le fil conducteur de cette lecture et l'espoir intarissable. Clin d'oeil à Hakima l'algérienne qui me rassure sur ce futur où on existe toujours.
Les Furtifs de Damassio vous fera passer un moment d'évasion. Ce roman qui fait vivre des doutes et fait retrouver des certitudes.
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Autant la horde du contrevent m'avait séduit, pour son écriture chorale (avec quelques réticences sur la pagination et les signes kabbalistiques des personnages), autant Les furtifs m'ont profondément ennuyé, par les procédés multiples ne portant aucun sens profond, par son intrigue ou sa chronique, qui n'avance pas réellement. Une oeuvre chorale comme une écriture multi-personnages ou multi-intrigue ou de chronique et une écriture qui nécessite de maitriser à la perfection, l'art du jongleur ou de la jongleuse. Tolstoï dans Guerre et Paix, Herbert dans Dune ou Anne Vassivière dans Parties Communes, sont toutes les trois de brillantes jongleuses. Damasio est alors tout juste un apprenti qui tente les trois balles et qui se perd en maladresses diverses.

Je n'aurais aucune citation à vous offrir, à vous donner où à partager. La lecture a été pour le moins étrange. Dès la 10ème page, je commençais à lire une phrase sur deux, puis un paragraphe sur deux et puis j'arrive à un chapitre sur deux, et pour sauter finalement un ensemble de chapitre sauf le survol de quelques phrases qui me montraient que l'histoire n'avançait pas vraiment. Quand on lit du Giono, du Colette, du Duras ou du Mauriac, on se retrouve accroché par le style et on en savoure chaque phrase. Ici, rien ! Pauvreté de la phrase, pauvreté d'un propos devenu maintenant presque trop lieu commun. Toutefois j'ai lu les cinq derniers chapitres comme un effort à faire, comme si j'allais avoir enfin une révélation !

Déception !

J'appelle ce roman Déception. Trop bavard pour être.
Lien : https://tsuvadra.blog/2021/1..
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Dans un futur proche, en France comme dans d'autres pays, la vie est à la fois semblable et bien différente de celle que nous connaissons actuellement. La grande majorité des personnes porte une bague qui à la fois surveille et donne accès à la « réul », la réalité ultime. L'IA est partout et se plie en quatre pour fournir à tout un chacun une expérience optimale suivant ses envies, ses goûts ou ses données biométriques. de la publicité ciblée, à la consommation d'un café ou encore le type de conversation que vous pouvez avoir avec l'intelligence qui conduit le taxi.

Alors oui, selon que vous soyez pauvres ou riches, cette expérience sera sensiblement différente. Aux riches les avenues réservées sans embouteillages, aux pauvres les jardins publics grands comme des timbres-poste et surpeuplés…

Dans la ville d'Orange, qui a été rachetée par la société de téléphonie du même nom, nous faisons connaissance avec Lorca qui achève sa formation militaire de traqueur de Furtifs.

Qu'est-ce qu'un furtif ? Une entité clandestine, dotée de capacités hors-norme : vitesse de déplacement, discrétion, métamorphose, et qui intéresse grandement l'armée. Lorca, ancien sociologue pour communes auto-gérées, a l'intime conviction qu'ils sont la clé qui lui permettra de retrouver Tishka, sa fille de quatre ans qui s'est volatilisée il y a deux ans.

La lecture des Furtifs a été pour moi une expérience en soi, bien loin de ce à quoi je suis habituée. C'est un livre touffu, multiple et foisonnant qui aborde une grande quantité de thèmes et de sujets : la philosophie, les sciences, l'art, la musique, la sociologie. C'est un livre politique car il questionne sur la répartition des richesses, sur nos modèles de société et l'utilisation qui est faite de nos données que nous semons déjà un peu partout.

A l'aide d'une langue très riche, dans son utilisation et sa typographie, peut être parfois trop (?), on est également dans la poésie avec une ode à la vie et à la nature, par opposition au contrôle et aux datas. Si ce roman en a perdu certains ou qu'ils sont restés sur le bord de la route, je peux le comprendre aussi, car ça peut paraître expérimental par certains aspects.

C'est la première fois que je lis du Damasio, il me semble être un auteur qui a une idée, pensée, association d'idée à la seconde et qui les note toutes et arrive ainsi à livrer un ouvrage qui regroupe, fusionne, digère la vie bouillonnante de son esprit.
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Le manège s'arrête. La musique entêtante aussi. Dans l'air, l'odeur de barbe à papa de fin de soirée - celle qui a trop cristallisé sur les bords de la cuve - flotte à la dérive, mêlée à la sueur et au tabac froid.

Le propriétaire psalmodie à son micro avec cette tonalité qui n'appartient qu'aux forains. Entre le disc-jockey et l'animateur commercial : "Pour les courageuuuux, c'est reparti pour un touuuuur dans quelques minutaaaaah". Les barres de sécurité se relèvent instantanément dans un bruit matélique. Je me lève et mes jambes flageolent.

Je ne peux pas dire avec netteté si j'ai totalement aimé ou si j'ai un peu délesté par moments. La légère nausée qui borde mes lièvres ne peut pas tout en dire. J'ai ressenti de belles émotions, des accélérations, de fortes poussées, puis mon intérêt à quelquefois stagné dans de grandes lacunes infestées.

Une profusion des sens m'interdit, un contenu trop riche m'a donné le tournis tant je ne savais plus où tonner de la dette. Damasio a voulu m'ensevelire. J'en ai l'impression.

Peut-être que ce roman était trop petit (688 plages tout de même dans mon édition). Pas assez ample pour y mettre tout cela ? Roman, essai, manifeste, exercice littéraire. Trop de thèmes ? Aliénation technologique, capitalisme 6.0, deuil, langue, puissance de l'audio, militantisme alternatif, cohabitation avec le vivant. Aurait-il fallu le fasciculer en deux ou trois ouvrages ?

J'y ai orpaillé des réflexions très intéressantes sur l'environnement numérique qui nous cannibalise. Ce filtre du réel qui tend à conquérir notre dernier territoire vierge.

Les potards légèrement plus poussés, (Damasio parle de "présent hypertrophié") quelques pas en avant de ce que nous vivons de nos jours ; on se dit que c'est un des sentiers plausibles.

Mal heureux semant.

France 2040.

Des prothèses, bagues, lunettes augmentées deviennent le seul pont de singe qui nous relie aux autres et au monde palpable. En RéUL. Réalité Ultime.

Ultime atome de familles nucléaires pulvérisées par l'explosif du progrès paramétré. Ultimatum avant l'ignition.

L'être humain et sa propension aveugle à se livrer pieds et poings liés, confiant ses datas confites en échange d'un cocon fort, "self-serf vice".

Dissolution de l'individu dans les données. "Le moa". (my own assistant)

Une mercatique de tous les instants, assaillante, intrusive. Qui vous alpague dans les rues, vous c(r)ible. "Ubicité" des villes qui savent où et suivent vos pas. Des bots et "intechtes" colexiquent les conversations, dégageant des mots-clés, des tendances, des profils de consommateurs.

Une publicité personnalisée qui vous susurre à l'oreillette, via un mobilier urbain bavard.

Imaginez.

Assis sur un banc, jambon-beurre, regard noyé. Et la voix qui sort du siège :

"Les gens bons mangent du Herta. Herta, le jambon des gens bien. Ne passez pas à côté des choses. Simple !".

Oui oui. La voix vient bien de sous votre cul.

Puis la déliquescence de l'Etat qui dans ce roman - lugubre futur pioche - abandonne et vend les villes à des groupes privés qui les rebaptisent (rebranding), comme Nestlyon par exemple.

La ville d'Orange, sans avoir à changer de nom elle, devient ainsi le siège de feu France Telecom et son fief banalisé. Propriété à faire fructifier et habitants à traire.

Ces villes rachetées sont alors dites "libérées". Au sens libéral du terme.

La fiscalité se voit remplacée par des forfaits : Standard, Premium, Privilège, dans cet ordre croissant, donnant accès à une expérience de la cité et du quotidien différenciée. Se balader sans limite pour les privilégiés. Rester cantonnés dans des rues borgnes, privés d'avenues et de boulevards pour les standards. Au milieu, une vie "moyenne", équalisée dans un bouillon tiédasse pour les premiums.

Les non bagués, volontaires ou non, sont quant à eux relégués dans la marge.

La technologie, à bas bruit, contrôle de plus en plus finement les hommes, tout en disparaissant dans le même mouvement. Laissant une illusion de liberté factice et de convivialité des outils qui cachent à peine l'intrusion morbide et la fin définitive de l'intime et du vivre ensemble. "Misanthropie molle".

L'éducation privatisée elle aussi, est soumise aux intérêts économiques. Des "proferrants", à l'image des maîtres du moyen âge, braconnent l'enseignement en le dispensant à la volière, sur les places, dans les quartiers délaissés. Pour s'affranchir du récit privatisé du monde. Pour redire le réel.

Car face à ce pouvoir diaphane mais brutal, la résistance s'organise. Des ZAD (Zones A Défendre) ZAG, (Zones Auto Gouvernées) ZOUAVE (Zones Où Apprendre A Vivre Ensemble), des mouvements autonomes, pullulent et se créent en antagonisme pour libérer l'espace, le corps, l'habitat.

Ceci pour le contexte socio-économique de ce monde dans lequel s'inscrit le récit.

Dans cette première grande sphère, voici venir nos Pernods sages. Lorca Varese en particule liée, professeur de sociologie expert en mouvements alternatifs. Sa vie de famille a explosé quelques années auparavant lorsque sa fille,Tishka, a disparu brutalement. Au beau milieu de l'appartement familial. Sans effraction.

Le pater ne se résigne pas. Debout parmi les ruines, il n'accepte pas la perte. Il s'engage dans un service occulte du Ministère de la Défense : le Récif. (Recherche, Etudes, Chasse et Investigations Furtives.)

C'est là, je pense qu'on atteint la vraie belle idée de Damasio. Ce Protée que nous découvrons dès les premières pages : le furtif.

Dans ce monde saturé des traces que nous laissons partout, ces abattures numériques qui délimitent nos sentiers, exposent nos routines et nos passions, il existe des animaux hybrides et extraordinaires qui se lovent, hors cadres, dans les rares endroits où notre regard ne va pas.

Un coin, un plafond, un angle, une bâtisse abandonnée, un abri.

Ils se mettent hors de vue, loin de ce sens hypertrophié, boursouflé d'importance par nos technologies, qui nous fait confondre touvoir et pouvoir.

Pourtant ils vivent bien à notre contact car ils ont un besoin vital de notre bruit, de nos mots, de nos affects. Ils s'en nourissent, en vivent. S'en délectent.

Les furtifs ne peuvent rester dans un schéma corporel défini, ils ont besoin d'assimiler leur environnement constamment. Souvent brutalement. Arrachant un bout d'aile à un pigeon par ci, la carapace en kevlar d'un flic par là. Ils métabolisent sans cesse et muent pour rester vivants.

Ne pensez donc pas pouvoir les exposer dans un zoo, les cartographier dans une nomenclature binomiale ou je ne sais quel taxon.

Autre particularité fondamentale :

Ils son.

Le sonore est la sève qui les irrigue. Ils y réagissent follement. Capables de reproduire n'importe lequel d'entre eux : bruits d'animaux, de moteurs, de klaxons, paroles, musique. Tout fait aliment pour eux. Toute manifestation acoustique les traverse et les fait vibrer pour les garder mobiles et changeants. Jusqu'à la cassure, car chaque furtif possède un ADN sonore - le frisson - qui si il est reproduit peut les mener à la mort.

Ils sont d'une matière instable et labile qui épouse le vivant, avant de bondir, neufs et autres dans le divers. Intensément.

Furtifs par essences. Soit, rapides et dérobés. Voleurs sans butin si ce n'est l'instant tanné. Prompts à se cacher.

Lorca se révèle, à la surprise des militaires goguenards, être un chasseur de furtifs inné bien que peu conventionnel.

Il évolue au sein de sa meute et du Récif dont la raison de vivre et de les capturer et de les étudier. (Meute - Horde, Lorca - Larco Scarsa le Braconnier, ça vous rappelle quelque chose, vous l'avez ?)

Il est convaincu que l'évaporation de Tishka est liée à cette espèce ancienne que les humains ne découvrent qu'à peine, trop occupés à regarder partout sans ne rien "clairvoir". Sur la piste, on le suit avec les membres de son équipe : Nèr l'oeil technologique, Traqueur optique, dresseur de "mécanidés" , Saskia la Traqueuse sonore à l'oreille absolue et Agüero "Che" l'Ouvreur.

Au dessus, aux manettes, Arshavin leur supérieur omniscient.

"Et je coupe le son" comme dirait Philippe Katerine. Je m'arrête ici car il y a trop à dire sur l'histoire en elle même et que je traîne déjà trop en langueur.

Je ne suis pas assez consommateur de science-fiction pour pouvoir bien en juger mais il me semble que la peinture de la dérive technoïde, bien qu'elle m'ait beaucoup intéressé, ne soit pas des plus novatrices. Une série comme "Black Mirror" sur le versant audiovisuel a déjà abordé quelques uns de ces sujets.

Autre mais. Quelquefois la Damasquinure va trop loin pour moi. Je comprends qu'il ait été important de travailler sur la langue pour en faire la lave en fusion qui coule et exprime l'instabilité furtive. Toutefois, à plusieurs reprises la lecture des dialogues de certains personnages comme le sabir franco-espagnol de Che Agüero ou la macédoine indigeste de Tony-tout-fou m'a singulièrement barbé, option crème de rasage palmolive, baume nourissant et serviette chaude. Bien rasé.

Ces anglicismes, ces tournures espagnoles, manouches, l'argot contemporain, persillés dans les interventions de certains interlocuteurs m'ont trop souvent tiré de ma lecture. Et par les pieds. Mon crâne cognant sur chaque marche de l'escalier vertigineux de mon déplaisir. Parce que cela tombe complètement à côté. Cela sonne faux et cela nuit invraisemblablement à la lecture. On obtient un manque de vérité et d'authenticité qui frôle le ridicule. J'en ai presque ri parfois, tellement ça n'allait pas.

L'effort sur la langue est exigeant et culotté mais la forme vient trop souvent parasiter le fond. L'intrusion, que dis-je, l'effraction, le braquage de ces mots discordants, rompt un charme que Damasio maîtrise pourtant parfaitement. Comment n'a-t-il pas entendu ces couacs ? Ces canards assourdissants ? On a tiré sur l'orchestre pourtant !

De même les jeux de mots - dont je suis friand au demeurant - dégénèrent trop souvent et tombent à l'eau dans des "Ploufs" consternants. Et puis le dosage. Des dizaines d'affilée. Un sur vingt qui fait mouche. On dirait une épreuve du combiné nordique avec 2 grammes dans le sang.

"1/g" par exemple. Qui m'a atterré, voire atterri. Je crois même avoir dit à haute voix : "Oh noooon. Il n'a pas osé ? Si ?"

Certains néologismes frisent eux aussi la correctionnelle et des mots-valises se font la malle court-circuitant la narration. Comme une apnée du sommeil nous sort de nos rêves, les fautes de goût nous font faire de douloureuses embardées hors récit.

Le style "flou à lier" dérape donc parfois dans le "flou à lire".

Sur le versant politique, quelques irritations également. J'apprécie peu l'angélisme, quel qu'il soit. Les ailes dans le dos et le froufrou de l'air dans les plumes se conjugue mal à la complexité de ce domaine. La vision romantique et univoque d'un mouvement du côté de la vie, du jeu, de la passion, créatif et jeune ; nef de toutes les libertés face à un pouvoir politique monobloc n'étant que control - alt - sup aura également fini par me brouter un brin l'herbe à choix. Trop binaire.

La grande proximité temporelle de l'histoire avec notre présent et nos enjeux rend tout cela explicitement idéologique. Ma DésilU cynique m'empêche d'acquiescer à tout sans sourciller. Les positions me semblent donc en effet, extrêmement gauches. Un peu maladroites. Et la fin s'épuise en bons sentiments dans une résolution incohérente et bâclée à mon sens.

J'ai été surpris de noter également que plus l'action se rapprochait de moi géographiquement, plus je m'en désintéressais et décrochais dans l'inverse proportion. Porquerolles, Moustiers, La Sainte-Beaume. Puis le final marseillais fade et inintéressant. Ah la cagade !!! Les Furtifs en bas de chez moi té !!

La réalisation de ce roman s'est étalée sur plus de dix ans avec des longues pauses, des stases et des reprises. le début date de 2004 donc proche de "La Horde". 3 ans d'écriture pleine selon l'auteur. Si l'écriture de Damasio a été linéaire, est-ce que cela peut expliquer cette brutale décélaration vers la fin ? Trop éloignée du magma incandescent du "Contrevent" ? Comme une planète trop distante de son orbite et qui se mettrait à dériver. Encombrée de 200 pages ?

Le passage à Porquerolles façon "Waterworld" m'a aussi beaucoup fait souffrir. Les jets-skis étant à la beauferie ce que le sweat sur les épaules noué sur la poitrine est à la tête à cul : un emblème.

Pas vraiment compris non plus ce tropisme balinais. Un peu tombé là comme une mouche dans un gamelan.

Dommage aussi de n'avoir trouvé que "fif" comme diminutif des furtifs. En anglais c'est le terme très élégant dont on insulte les homosexuels.

Voilà pour les points noirs et la peau grasse.

Ça me fait enrager car il y a tellement de bonnes choses par ailleurs. L'idée si futaie qui fait que la typographie, la typoésie, gonfle, enfle au fur et à mesure du récit et dit à quel point la métamorphose (Damasio parle d'"invocation") de certains personnages vers le "furtif" progresse, broussaille et germe.
Cette prolifération - et notamment des diacritiques - épouse également les passages de fuite, de traque comme pour souligner les modifications qui s'accélèrent dans les corps et s'accentuent.

Le texte tente donc lui aussi de passer en "mode furtif". Il se camoufle et se dissimule sous cette langue vivante.

Casse-gueule pour le confort de lecture. Mais idée géniale selon moi. Oulipienne. le sujet venant hybrider la forme.

Gros travail sur ce point entre Damasio et Esther Szac, graphiste et typographe, et l'usage extensif de la police Garamond. de manière savoureuse, ce font datant du 16ème siècle, est économe en encre et se veut comme très fluide. Sobre, souple et renaissant. Pas mal pour dézinguer le monde d'apprêt. Et toujours cette exigence dans le choix des signes qui ébauchent des traits saillants de ces personnages.


On peut détecter certaines réflexions autour du "Vif" abordé dans "La Horde" par un Caracole poussées et approfondies ici autour de la notion de "sangue". Pulsation sonore du dit, qui explose en chuintantes, sibilantes, occlusives et donc peut-être aussi en "furtives". Articulation de l'air et de la voix qui naît dans la langue, qui parcourt notre monde comme un jus et le change à l'infini à raison de 24 lettres par seconde. Parole. Entité mutante, elle aussi.

Pour les lecteurs de "La Horde", nous nous retrouvons donc sur un terrain déjà un peu connu. Certains s'en désoleront. D'autres s'en réjouiront.

La narration de groupe et la polyphrénie (la multiplication des voix portée par une seule) réapparaissent. La peau lisse des caractères et le style viennent identifier les différents personnages.

A nouveau aussi l'importance des éléments (air, eau, terre) qui sont des rappels au monde élémentaire du "Contrevent".

J'ai été touché par les dialogues autour de la parentalité et les développements autour de la perte de l'enfant, qui en creux, parlent donc du bonheur simple de côtoyer nos gosses. du présent que l'on doit déguster ou boire avec avidité.

Au détour des pages, de gros blocs d'intelligence et de joie fine. Dolmens fichés au beau milieu. Et c'est pour cela que mon exemplaire est souligné, annoté, glyphé dans tous les sens. Pour m'y retrouver et suivre à rebours mes traces, mes emmerveillements, mes enthousiasmes. Et il y en a. Vent Merci.

Ma récolte a été riche comme souvent avec Alain Damasio. Les mots, le vocabulaire, les créations, les lexiques comme ceux de la marine, de la vénerie dont les tonalités et la poésie me ravissent.

Et surtout, des réflexions qui pointent le bout de leurs mai. Comme ce que nous fait cette "pulsion scopique" du smartphone et de l'écran.
Syndrome de la Gorgone qui nous immobilise, nous fige. Orphée du quotidien qui ne résiste pas à aller voir, scruter, visionner. Ce visuel est décidément trop puissant. Il nous engloutit, nous paralyse et "préhante" nos imaginaires là où le son semble un vecteur plus souple qui permet de laisser respirer. Sous réserve qu'on ne soit pas en boîte ou sur un chantier BTP.


Les marques qui subsistent après nous. Uniquement les Datas que les porcs truffiers reniflent sous nos pseudos couvertures ou autre chose ? L'écrit ? le parlé ? le tagué ? le fait d'art ? le céliglyphe ? Toujours ce lien avec la trace que suit "La Horde", mais cette fois c'est l'aval qui compte. Ce qu'on laisse et non ce que l'on poursuit. Comme dans une deuxième partie de vie ?

Le prédateur devenant la proie qui vient habiter son chasseur dans lequel elle s'incarne, de la traque à la fuite. En pas chassé, latéral. Vice et versa. du "praeda" latin dont les deux découlent.

Ce fut une lecture féconde bien que non exempte d'imperfections. Moins époustouflante que "La Horde" mais peut-être aussi parce que la surprise est moindre après la découverte et le déniaisement.

Ceux et celles qui n'ont pas aimé sentir souffler "Le Contrevent" n'aimeront pas plus poursuivre les furtifs. J'en ai bien peur. Pour les autres, la pente reste raide et les éboulis nombreux. Mais le panorama vaut l'effort et le détour.

Le thème est en prise avec le présent. En effet, je viens de découvrir il y a peu ce qu'ètait le xénogenre. Là encore, furtivement, des échos.

Je vous invite ègalement à jeter un oeil aux fiches personnages de l'auteur (Fiches personnages des furtifs) pour prendre conscience de son travail littéraire, créatif et de son iceberg en grande partie immergé.


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Gros coup de coeur ! Cela vaut bien une introduction, déjà je le trouve plus accessible que 1984 de George Orwell sur le thème de la dystopie, je le trouve aussi plus accessible que La horde du Contrevent de Damasio. Pourtant c'est une lecture exigeante, non pas qu'il y a trop de néologisme (dont j'ai horreur) mais plutôt parce que l'auteur maîtrise la langue française à merveille, il réinvente les codes du genre, de quoi être un peu perdu au début mais je vous rassure tout de suite, la qualité est présente. J'ai tout de suite été pris par l'intrigue, on est directement dans la chasse aux furtifs mais j'y reviendrais. Malgré le pavé de plus de 900 pages, elles défilent à une vitesse, il y a toujours un moment d'action, de suspens ou bien un instant qui prête le lecteur à la réflexion. Alain Damasio est, selon moi, un incontournable et ce livre en particulier l'est de part l'écriture et les messages qu'il véhicule.

Les furtifs vivent dans nos points morts, la science ne sait pas grand-chose sur eux si ce n'est qu'il se fige en pierre dès qu'on les voit, et il faut les voir pas seulement les regarder. Grâce à la technologie, c'est plus simple de les repérer et les traquer, technologie poussée et omniprésente. le mélange des genres en font un OVNI littéraire unique, à la fois sur la politique autoritaire, philosophique, thriller mêlé à une quête d'un homme pour retrouver sa fille, critique sociétale et j'en passe. Je ne vais pas vous faire le résumé du livre, il est trop dense pour être dans une critique que j'aimerais concise.
Parlons plutôt des personnages, variés, loin de tout clichés et encore une fois loin aussi de tout ce que j'ai pu lire au paravent. le personnage principal est Lorca Varèse, un civil qui devient chasseur de furtifs et dont la quête pour retrouver sa fille va être le fil rouge du roman, mais chaque protagoniste, et j'insiste sur chaque, est crédible, vrai, profond, travaillé avec soin, ils sont tous identifiables, avec une personnalité propre. du début à la fin, on n'a pas besoin de savoir qui parle pour comprendre.
Les chapitres sont un peu longs à mon goût mais l'intrigue est tellement prenante que je n'ai pas vu les pages défilées. Une véritable prise de conscience se fait tout au long du roman. Je ne lui trouve aucune longueur, aucun passage à enlever, tout est à sa place, comme il faut et où il faut. L'auteur fait preuve de pédagogie et d'un sens critique indéniable sur la société dans laquelle on vit, même si c'est de l'anticipation, on part doucement mais sûrement vers ce modèle malheureusement.

Jamais je n'ai lu de récit aussi complet, original, sur notre société et ses dérives, jamais je n'ai lu un plaidoyer aussi fort contre les injustices, il vaut tous les essais du monde et c'est un roman qui demande qu'on s'implique un peu, adulte mais un bon lecteur adolescent pourra le lire. Un coup de coeur je vous dit, mieux, une révolution littéraire.
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Laborieusement arrivé à un peu plus de la moitié de ce livre tant attendu, je cale. J'ai vaguement parcouru les quelques centaines de pages supplémentaires par acquis de conscience mais sans aucun plaisir. le nouveau roman d'Alain Damasio commence pourtant sur les chapeaux de roue. Dès les premières pages, il plonge le lecteur dans une scène d'examen final captivante et particulièrement prometteuse. Lorca Varèse achève sa formation alors qu'il ambitionne de devenir chasseur de furtifs, des créatures pour le moins intrigantes, invisibles pour le commun des mortels et dont on sait alors assez peu de choses. Les éléments seront lâchés avec parcimonie. Peut-être même un peu trop de parcimonie. Là où j'arrête, quatre cents pages plus loin, on n'en sait pas beaucoup plus, même si on se doute que les furtifs dissimulent une allégorie et qu'on peut y voir la frange de la population non connectée, qui vit sans smartphone, ne fréquente pas les réseaux sociaux et n'a en tout et pour tout qu'une vie IRL.

L'action se déroule dans un futur proche. Les citoyens sont hyper-connectés, il ne vient à l'idée de personne de sortir sans son IA personnelle, la publicité, qui est omniprésente, pousse à une consommation excessive et les villes sont les propriétés de grands groupes (LVMH, Orange...). Cette société, qui est une vision peu originale et à peine extrapolée de ce vers quoi nous nous dirigeons, dénonce clairement les dérives du libéralisme, de la dépendance générale à internet et aux nouvelles technologies. le discours politique, qui est évident, surtout venant d'un auteur très engagé et se revendiquant lui-même comme déconnecté, prend le pas sur une intrigue qui manque de tonus et qui m'a perdu à plusieurs reprises.

Au fil des pages, on en apprend un peu plus sur Lorca Varèse, un personnage qui se révèle plutôt intéressant et qui est, à mon sens, la vraie réussite du livre. Père endeuillé depuis la disparition de sa fille unique et convaincu qu'elle a été enlevée par les furtifs, il intègre l'équipe des chasseurs dans le but de la retrouver. On lui doit quelques passages, beaux et sobres, sur le rapport filial, le manque et l'espoir. Il pose des mots justes sur ces sentiments. En revanche, quand ce n'est pas lui qui s'exprime, on ne peut plus vraiment parler de sobriété. Les furtifs est un livre polyphonique dans lequel l'auteur de la horde du contrevent recycle un procédé narratif qui avait certes fait ses preuves dans son précédent roman mais qui ne fonctionne plus aussi bien. Les différents personnages utilisent un langage parsemé d'une ponctuation propre à chacun, bariolé, bourré de barbarismes et de langues mixées. D'abord exigeante, la lecture devient à la longue vraiment difficile. Sur sept cents pages c'est même indigeste.

Bref, j'ai abandonné.

Le problème vient-il de l'auteur, de l'éditeur ou du lecteur ? Ou des trois ? Ou de tout à fait autre chose ? À mon humble avis, il aurait fallu sérieusement défricher tout ça. En couper un bon tiers. On y aurait vu plus clair. Et j'aurais peut-être terminé le livre.
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D'abord une certaine adaptation est requise dès les premières pages : un langage truffé de néologismes technos, mâtiné d'argot français et de verlan, de brusques changements de narrateur dont l'identification repose de prime abord sur des signes typologiques et un début plutôt déroutant. Ensuite, la force de ce roman d'anticipation repose sur sa grande originalité et l'inventivité de son auteur, Alain Damasio.
L'intrigue paraît simple : un père, Lorca Varèse, recherche sa fillette de quatre ans, Tishka, disparue sans laisser de traces il y a deux ans. Séparé de la mère Sahar, il traîne son obsession de retrouvailles, persuadé qu'elle se cache parmi les êtres furtifs qui peuplent le monde.
Mais derrière cette quête de parents éperdus, Alain Damasio nous dépeint avec génie un monde futur (2040) dans lequel les villes sont rachetées par des intérêts privés, hyperconnectées du trottoir au mobilier urbain, où les citoyens, bague au doigt, ne peuvent échapper à la « visibilité féroce de la ville », et dont les habitations dans de hautes tours sont régulées par la domotique. Cependant, une frange de la société tente de briser ce cercle insidieux de la connexion et souhaite « sortir des radars, devenir invisible ». D'où l'intérêt grandissant pour ces « furtifs », une espèce mi-animale, mi-végétale, que l'armée étudie en secret mais qu'un concours de circonstances dévoilera au monde entier.
Damasio joue brillamment avec les mots, les fait pirouetter et virevolter dans un récit où la musique et les sons sont omniprésents, en plus d'imposer une sérieuse réflexion sur la qualité des rapports humains dans nos sociétés de plus en plus branchées.
Le seul élément qui m'ait fait tiqué, c'est la tournure utopiste babacool hippie, à la limite naïve, prise par les opposants en réponse à l'hyperconnexion de leurs cités. Mais dans l'ensemble, ça demeure un énorme roman de science-fiction rédigé en français qu'il faut lire absolument!
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