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EAN : 9791032922941
608 pages
L'Observatoire (17/11/2021)
4.5/5   2 notes
Résumé :
« Je ne pardonnerai jamais à ma famille, la gauche, d’avoir abandonné la nation aux nationalistes, l’intégration aux xénophobes et la laïcité aux communautaristes. » Déplorant qu’un débat mal mené sur l’identité nationale ne cesse de déchirer la France, Jean Daniel partage dans ce livre posthume sa conviction que la nation française ne survivra qu’en retrouvant le sens de son histoire : la démocratie s’enracine dans un territoire, la France fabrique des Français ave... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Vient de paraître en ce début d'année 2022 un livre que Jean Daniel n'a pas pu terminer et qui a été mis en forme par un de ses collaborateurs et dont le titre dit assez bien le projet : « Réconcilier la France. Une histoire vécue de la nation. »

Cet ouvrage volumineux (plus de 500 pages) est une synthèse captivante des idées politiques , des conflits et des drames qui ont jalonné le siècle et sur lesquels Jean Daniel , mort a cent ans, nous éclaire lui qui a connu toutes les grandes personnalités de ce temps : intellectuels, politiques et chefs d'Etat et qui a été mêlé de très près à nombre d'évènements importants.

Avant d'évoquer, ici, brièvement toutes ces grandes questions je dirai que Jean Daniel est à la fois complet et dans la nuance, qu'il sait reconnaître les erreurs et les dérives du temps et c'est ce regard intelligent et nuancé qui fait toute la force de ce livre que tous ceux qui veulent un peu mieux comprendre notre monde devrait lire.

Jean Daniel commence par étudier la notion de nation et il évoque toutes les définitions qui en ont été donné, toutes les évolutions que la notion a connu et sa proximité avec le nationalisme dont il montre le danger, le nationalisme conduisant assez souvent à la guerre. Il développe aussi le fait que la laïcité est une des bases essentielles de la nation française et que toutes les tentatives pour limiter cette laïcité sont contraire aux intérêts de la France.

Puis il aborde de manière très détaillée la question du colonialisme et tous les mouvements de décolonisation dont il a été très proche.

Sur cette question il est à la fois nuancé et, par moment, très clair et très éloigné des idéologies et il évoque des faits importants.

Très intéressant est d'abord son analyse du colonialisme qui ne plaira pas à tous. C'est ainsi, par exemple, que rapportant une idée d'un historien il pense que le colonialisme peut avoir du bon et que la France ne serait pas ce qu'elle est si elle n'avait pas été colonisée par les romains. ( p. 172)

Et il poursuit ce point de vue en évoquant une déclaration de Bourguiba auquel il rend un magnifique hommage dans plusieurs pages de ce livre et qui avait exprimé l'idée de « bienfaits secondaires du traumatisme colonial » (p.154) « C'est vrai ,disait Bourguiba, que les civilisations s'effondrent et que pour renaître elles ont besoin d'un choc. Je n'ai aucune gêne à reconnaître qu'avant la France la Tunisie était une sorte d'espace vide, sans réalité et sans âme. Quand il y aune place vide, l'histoire est là pour nous dire que la puissance supérieure et voisine s'empresse de l'occuper. Disons que ce travail historique a incombé à La France. Les Français nous ont fait renaître contre eux, par opposition, par réaction. Nous avons pris d'eux le meilleur pour lutter contre la France. Maintenant le travail est fait, il faut que vous partiez. Je le dis sans haine, malgré les traitements que j'ai subi en prison. Après tout, s'il fallait un choc pour nous faire revivre, autant que le choc soit venu de la France. de ses militaires mais aussi de ses instituteurs. » ( p.154) »

Puis en montrant comment et avec quelle force il a soutenu l'indépendance de l'Algérie se fâchant avec une partie de sa famille et avec Camus, il est obligé de reconnaitre, certes avec nuance, qu'il s'est trompé.

Il écrit d'abord cette phrase qui est un constat amer : « Et voilà la conclusion que j'ai été obligé de tirer de la décolonisation. Elle a été un échec désastreux. Elle m'a fait vivre d'abord dans l'exaltation de d'épouser l'Histoire, puis dans l'effondrement de regarder cette histoire se décomposer. L'évolution en ce domaine m'oblige à m'interroger sur l'utilité de notre rôle. »(p.211)

Et il y a cette phrase de regret et qui semble si je n'en fais pas une interprétation abusive donner enfin raison à Albert Camus.

« En Algérie, je suis ainsi, comme d'autres, tombé dans le travers d'un préjugé pro-islamique au moment où les progressistes français sacralisaient les insurgés algériens comme ils avaient sacralisé les prolétaires staliniens. Puis j'ai réalisé, et ce fut l'objet de ma polémique avec Sartre, que l' Islam dominait l'inspiration fondamentale de la guerre d'indépendance. Cela n'ôtait rien, selon moi, aux crimes de la colonisation ni aux vertus de la révolution, mais cela devait infléchir les dimensions d'une solidarité absolue. »

Infléchir les dimensions d'une solidarité absolue ! Euphémisme mais n'est-ce pas , en réalité, donner raison à Albert Camus avec lequel il s'était fâché qui lui avait clairement vu le danger de cette évolution islamiste ?

Et lorsqu'il écrit ,comme pour s'excuser que : « En fait, on ne devait prendre la mesure de l'islam qu'après l'indépendance…. » il n'est pas exact et d'ailleurs il eut cette révélation ,comme il le raconte ,très clairement dans les pages 230 à 232 et où il écrit : « Je veux revenir sur un épisode qui m'a, très tôt, ouvert les yeux sur l'islam…. En 1960 » (p.230) Alors qu'il fait un voyage en avion avec plusieurs hauts dirigeants de la guerre d'indépendance : « Ils m'ont alors expliqué que le pendule avait balancé si loin d'un seul côté pendant un siècle et demi de colonisation française, du côté chrétien, niant l'identité musulmane, l'arabisme, l'islam, que la revanche serait longue, violente et qu'elle excluait tout avenir pour les non-musulmans. Qu'ils n'empêcheraient pas cette révolution arabo-islamique de s'exprimer puisqu'ils la jugeaient juste et bienfaitrice. » On ne peut être plus clair.

Il y a , aussi, dans ce livre des portraits de Mitterrand, de Bourguiba et, enfin une réflexion sur ces notions venues de deux livres importants : le choc des civilisations et La fin de l'histoire.

Au total un livre essentiel pour comprendre notre temps et son histoire récente, le livre d'un intellectuel de gauche mais rien moins qu'idéologue et l'on se dit que si la gauche l'avait un peu mieux lu et écouté elle n'en serait pas au degré zéro où elle se trouve aujourd'hui.
Lien : http://jpryf-actualitsvoyage..
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Un essai passionnant, écrit par ce grand journaliste qui a cherché toute sa vie à réconcilier la gauche et l'idée de nation. Beaucoup d'émotion à lire Jean Daniel et se souvenir des années du Nouvel Observateur. Son côté pontifiant me herissait le poil à l'époque mais je viens de lire cet ouvrage avec délectation.
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critiques presse (1)
LeMonde
09 janvier 2022
Un montage subtil de textes du journaliste, mort en 2020, retrace une volonté : celle que « la France continue »
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Je ne pardonnerai jamais à ma famille, la gauche, d’avoir abandonné la nation aux nationalistes, l’intégration aux xénophobes et la laïcité aux communautaristes.
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Videos de Jean Daniel (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Daniel
L'écrivain et journaliste Jean Daniel est décédé ce mercredi à l'âge de 99 ans. Il avait fondé en 1964 avec Claude Perdriel « Le Nouvel Observateur », un journal qui demeura un espace de débats, notamment pour la gauche en France. Proche de Camus et fidèle partisan de la paix au Proche-Orient, il était resté directeur de la publication du « Nouvel Observateur » jusqu'en 2008. Retour sur une vie qui a marqué l'histoire du journalisme. Pour nous parler de celui qui a consacré toute sa vie au journalisme, nous accueillons deux anciens compagnons de route de Jean Daniel, Laurent Joffrin, directeur de la publication de « Libération » et Guy Sitbon, journaliste, écrivain, (il a participé à la fondation du « Nouvel Observateur » en 1964 auprès de Jean Daniel et Claude Perdriel).
L'Invité des Matins de Guillaume Erner - émission du 21 février 2020 À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/saison-26-08-2019-29-06-2020
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