Alphonse Daudet est un écrivain pour le moins méconnu. Ses écrits "provençaux" (Les
Lettres de mon moulin,
le Petit Chose,
Tartarin de Tarascon et ses suites) ont occulté une oeuvre multiforme (romans, contes et nouvelles, pièces de théâtre, souvenirs…) où le souci de présenter la réalité de façon réaliste et même naturaliste (n'oublions pas qu'il était proche de
Zola) s'accompagne presque toujours d'un regard compatissant sur ses personnages, et particulièrement les lus malheureux, les moins chanceux. En cela on peut le rapprocher d'autres grands auteurs comme Dickens ou
Dostoïevski.
Les
Lettres de mon moulin, oeuvre-phare de l'écrivain, est un recueil de textes divers dont la majeure partie provient du folklore provençal, les autres venant de Corse, d'Algérie, ou encore se situant en dehors de toute origine géographique. Les premières nouvelles - les provençales, donc - sont de loin les plus populaires, et ont contribué (comme plus tard les oeuvres de
Pagnol) à créer un imaginaire provençal, truculent et sensible à la fois, peut-être réducteur quant à l'image réelle des habitants, mais bon vivant, joyeux et pour tout dire "ensoleillé".
Giono tentera une autre approche, beaucoup plus réaliste, avec ses portraits plus âpres, moins expansifs, des paysans de ce qu'on appelait alors les Basses-Alpes.
S'il a conçu une bonne partie des textes, Daudet a pu recevoir l'aide rédactionnelle de sa femme Julia, de son ami
Paul Arène, bon connaisseur du folklore provençal, ainsi que des conseils éclairés ses amis du Félibrige,
Frédéric Mistral et
Joseph Roumanille.
Restent ces chefs-d'oeuvre intemporels que sont le Secret de Maître Cornille,
La Chèvre de Monsieur Seguin,
L'Arlésienne, La Mule du Pape, le Curé de Cucugnan, Les Vieux,
le Sous-préfet aux champs, Les Trois messes basses, ou encore L'Elixir du révérend père Gaucher.
Ces textes font partie de notre patrimoine littéraire, mais aussi du patrimoine de l'enfance. Qui de nous n'a pas eu un jour
la Chèvre de Monsieur Seguin en récitation ou en dictée?
Amplement diffusés par le livre, le film ou le disque, Les
Lettres de mon moulin, sont bel et bien devenues monument national. de la
Provence, d'abord. Et de la France entière, ensuite.