AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jean-Luc Defromont (Traducteur)
EAN : 9782864324782
152 pages
Verdier (31/08/2006)
4/5   5 notes
Résumé :
Compter, rendre des comptes, rendre compte - le compte rendu n'est pas le bon. Dans une ville du nord de l'Italie, un narrateur essaie, sans l'aide de l'instrument précieux que serait un compte-pas, de s'orienter dans la pensée, dans la vie, dans sa tête. C'est sa condition pour ne pas mourir. Que sont ses parents devenus? Et sa sœur, disparue d'abord, déclarée officiellement morte ensuite? Et son frère dont il classe les livres et les dossiers épars? Et comment fai... >Voir plus
Que lire après Les quinze mille pas : Un compte renduVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
D'une densité rare, ce texte emporte la lectrice et le lecteur, dans l'histoire de deux frères et de leur soeur et d'un lieu.

L'auteur, l'un des frères, compte, compte ses pas « Rien à par le nombre de pas », obsession contre la mort, contre « une obligation à laquelle vous ne pouvez vous soustraire ». Disparition, suicide, mort.

Construit comme une recherche : une introduction « Durant toutes ces années, au cours de tous les déplacements que j'ai effectués, de la maison au tabac (791 p), de la maison à la mairie (930 p), de la maison au magasin d'alimentation (1851 p) et cetera, le calcul du nombre de pas, toujours scrupuleusement comptés et par la suite notés dans un carnet à cet effet que j'ai toujours sur moi, pendant le voyage aller puis pendant le voyage de retour, n'a jamais concordé », un récit, un épilogue et une bibliographie qui se clôt par une phrase de Franz Kafka « Comme les hommes d'un seul tenant font défaut, les actions littéraires d'un seul tenant nous échappent », cette fiction nous interpelle, tant par le sujet que par son traitement. Des phrases souvent oppressantes. Un récit en construction, le surgissement des souvenirs, l'impossible clarification de la pensée, de la/sa vie.

Comment être lucide et s'orienter dans le dédale des faits, des inventions, des souffrances ?

Une invitation à emprunter le chemin vers « la maison de la route de la Commenda ».

Commenter  J’apprécie          60
Les quinze mille pas, ce sont des mots presque sans respiration (on ne peut pas le lire un paragraphe par-ci, un paragraphe par-là), les pensées d'un homme qui compte ses pas, un homme qui vit avec l'idée du suicide, un homme en révolte intérieure, un homme sur un fil de folie obsessionnelle.
L'homme doit aller chez son notaire. le temps du trajet dans une ville de province italienne qu'il déteste, il parle de lui, sa soeur et son frère : 3 orphelins trop tôt, repliés sur eux-même...
Les pensées vont et viennent, on a l'impression de quelque chose de décousu, et puis on s'aperçoit qu'on avance dans une histoire en filigrane.
Un livre étonnant, et fascinant si on se laisse happer par l'écriture (comme souvent les livres des éditions Verdier).
Commenter  J’apprécie          50
Dès qu'on ouvre ce livre, on entre dans les pensées obsessionnelles du narrateur. C'est un peu déstabilisant. Il faut se laisser entraîner dans son univers bizarre, curieux pour découvrir petit à petit les ombres dans la vie de Thomas , de son frère et de sa soeur. C'est un livre très original, à découvrir pour son étrangeté.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
L’architecte Lazzaron, qui pendant plusieurs années, avant de devenir architecte, avait été le géomètre Lazzaron, restait sans voix. Il ne pouvait faire autrement, je pense, que de considérer que les paroles de mon frère lui étaient destinées personnellement. Quant à moi, je me taisais. Je savais très bien que mon frère se comportait de cette manière désagréable non parce qu’il croyait vraiment tout ce qu’il disait, bien qu’à vrai dire il y crût dur comme fer, sauf qu’il ne l’aurait jamais dit comme ça en public, mais en raison de sa jalousie terrible et absolue par rapport à ma sœur. Depuis l’époque de la maternelle, continua-t-il en fixant toujours du regard l’architecte Lazzaron, tu savais déjà tout. Depuis l’époque de la maternelle tu as toujours agi avec préméditation et pendant toute ta vie tu n’as fait qu’agir selon un plan bien précis. Tu as grandi selon un plan préétabli par tes parents, dit mon frère, plan auquel tu t’es soumis entièrement et de bon gré. C’est pour rester fidèle à ce plan que tu t’es inscrit à l’école pour géomètres. Tu as ouvert un cabinet avec les idées bien claires, avec les yeux grands ouverts tu t’es inscrit au parti démocrate-chrétien, et sans jamais fermer les yeux ni te boucher le nez tu es entré au conseil pastoral. Entre-temps tu as étudié l’architecture à Venise et tu es devenu adjoint bien avant de devenir architecte. Du reste, dit encore mon frère, tu t’es toujours distingué par ta voracité. Gestion du territoire! s’exclama mon frère. Exploitation du territoire, abus du territoire, sodomisation du territoire! Du reste, dit encore mon frère, cette soi-disant collectivité, ce soi-disant pays italien qui est pourtant si différent du nord au sud, tout en restant en un certain sens pareil, du sud au nord, sans oublier les îles, mais qui est en fait un petit pays, le vrai trou de province du monde dont notre province tout entière n’est que le trou du trou – ou le trou dans le trou –, ce soi-disant peuple, disait-il, il l’a bien mérité. Il n’y a ni excuses ni justification qui tiennent : il l’a bel et bien mérité. Chacun, je dois l’admettre, était libre de choisir, et c’est vous et nul autre qu’il a choisi. Mais c’est justement cette soi-disant démocratie, dont découle la soi-disant liberté et donc, ajouta mon frère, la liberté de choix, toujours soi-disant, bien sûr, qui a été la ruine de notre pays. Tout ce qu’on peut dire et tout ce qu’on dit est la vérité. De même que n’importe quelle chose est la vérité, et en même temps n’est pas du tout la vérité, c’est ça la vérité. Il n’y a pas de quoi être rationnel, mon cher architecte, et d’ailleurs il n’y a pas grand-chose à penser. Peut-être, somme toute – c’est un doute qui m’accompagne depuis longtemps –, que c’est vous qui avez raison. Vous avez raison, il faut être pragmatique ; il faut éviter de trop penser et servir les intérêts de la collectivité. Si on pense trop à ce que peut bien être cette soi-disant collectivité, si on prend ce soi-disant peuple et qu’on le décompose, à partir du concept en tant que tel, en individus, et si on prend ces individus pour réfléchir sur ces individus, sur chaque individu un par un, alors vous avez tout à fait raison vous et votre rationalisme de province. Naturellement vous, toi mon cher architecte, vous ne pensez certainement pas en ces termes, peut-être ne pensez-vous pas du tout. C’est pour ça que vous avez tout compris. Il n’y a rien à comprendre, rien à penser : juste à construire. C’est en ça que consiste ta belle gestion du territoire : construire jusqu’à ce que le territoire finisse, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de place. Alors, quand le territoire est fini, on arrête aussi de faire de la politique, parce que de toute façon il n’y a plus de raison d’en faire étant donné qu’il n’y a plus rien à construire. S’il n’y avait plus rien à construire, il n’y aurait plus le moindre architecte dans aucune des administrations du pays. S’il n’y avait plus de territoire à diviser, il n’y aurait plus le moindre géomètre dans aucun conseil communal d’aucune commune, quelle qu’elle soit, sur toute l’étendue de l’Italie. Aucun expert en thermotechnique, aucun ingénieur en bâtiment ou autre dans le genre. Votre rationalisme n’est qu’un pseudo-rationalisme bâclé de province ; votre postmoderne un postmoderne empastellé de province, et en définitive l’architecture vicentine tout entière n’est autre qu’une consternante architecture de province qui a perdu en route toute dignité de façade. Nous sommes entourés de maisons couleur crème, d’immeubles couleur noisette, de résidences jaune pâle et marronnasses. Jamais du jaune, du jaune pâle. Jamais du vert, du vert pâle. Jamais du bleu, du bleu pâle. Jamais une maison, toujours et seulement des maisonnettes. Une touche de Le Corbusier par-ci, une pelletée de Scarpa par-là. Une truellée de Lloyd Wright à droite et une de Loos à gauche. Marcher dans n’importe quelle rue de ces quartiers résidentiels industriels ou artisanaux revient à se glisser dans une poubelle urbanistico-architecturale à l’échelle un sur un. Une hystérie urbanistico-architecturale, une cacophonie de ciment qui nous assourdit et nous déséquilibre dès que nous mettons le nez dehors.
Commenter  J’apprécie          10
Et puis le pire, pensai-je, ce serait de rencontrer quelqu'un qui a soi-disant été un ami à nous, ou pire encore un camarade de classe, avec son inévitable cortège de tapes sur les épaules et de tu t'es marié, comment ça marche le travail, et moi je fais ceci, tel autre fait cela et toi qu'est-ce que tu fais et cetera. Cette seule pensée me fait frissonner, pensai-je en frissonnant tandis que je marchais, la seule idée que dans ce chantier j'aurais vraiment pu rencontrer l'architecte Lazzaron, qui avait été non seulement notre ami, mais aussi notre camarade de classe, et comme si ça n'était pas suffisant, avait carrément fréquenté notre maison, à l'époque où ma maison ne s'était pas encore transformée en cette espèce de catacombe qu'elle est devenue aujourd'hui, la seule idée que j'aurais pu me retrouver face à face avec lui, pensai-je, me coupe presque le souffle.
Commenter  J’apprécie          20
Le vrai problème c'est que je suis sur la route, je suis sur cet asphalte et je suis obligé de marcher sur cet asphalte, alors qu'il faudrait seulement traverser l'asphalte. Mais je n'ai pas le choix: si je veux marcher je ne peux pas faire autrement que de marcher sur cet asphalte, je ne peux pas faire autrement que me cantonner à ce bas- côté rempli de saletés, pensais-je. Il n'y a guère que dix ou quinze ans, je pouvais au moins aller marcher dans les champs des Dorio, à la limite occidentale du bois de rouvres, et m'arrêter pour observer les oiseaux qui en certaines saisons de l'année, dans cette zone où se trouve également un étang, faisaient halte pour se reposer. Maintenant je ne peux plus y aller, pensais-je, ou plutôt je peux encore y aller, mais c'est pour me retrouver entouré de hangars artisanaux et industriels donnant sur la rue du travail, la rue du progrès, la rue de l'artisanat, la rue de l'industrie et ainsi de suite. Que penser de tout ceci?, que penser de tout ceci? Les oiseaux, je pense chaque fois que je passe par la zone artisanale, où iront les oiseaux?,ils ne s'arrêtent plus jamais ici, ça, c'est sûr. Plus jamais ici, dis-je à voix haute.
Commenter  J’apprécie          10
Durant toutes ces années, au cours de tous les déplacements que j'ai effectués, de la maison au tabac (791 p), de la maison à la mairie (930 p), de la maison au magasin d'alimentation (1851 p) et cetera, le calcul du nombre de pas, toujours scrupuleusement comptés et par la suite notés dans un carnet à cet effet que j' ai toujours sur moi, pendant le voyage aller puis pendant le voyage de retour, n'a jamais concordé.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : suicideVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (12) Voir plus



Quiz Voir plus

quizz one piece

A qui luffy demande de rejoindre son équipage mais qui refuse ?

arlong
jimbei
Shirahoshi
caribou

16 questions
185 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *}