L’horizon n’est pas un grain de poussière du monde – ciel interrompu, falaise, mur des villas, tout va pour l’ébouler encore, à quoi s’ajoutent de larges pans de vide ; quand il reste un peu de place, sur la digue on se croise avec son intérieur au-dedans.
AUTOUR FIGÉ, AMORTI, SANS ATTENTE…
Extrait 3
L’imprécision du vide au-dedans emporte tout, pas grand-chose
qui ne nous y ramène, la digue, on la recommence — pas plus en
dehors d’elle-même ne tiennent les choses qu’elles ne tiennent
à l’intérieur de nous.
Coincé au milieu du flot portant devant, on se retourne sur des
images qui reviennent sur les mots qu’elles cachent quand on
veut les balayer, les images, elles font comme si elles calmaient
les choses, et nous dans le même temps.
Les mots qui se tiennent au-dehors sont écrits du bout du corps,
ils ont quitté l’histoire qui les a menés à cette solitude, pas de
paix davantage, ça ne ralentit rien, au bout les cadavres s’empi-
lent, par falaises, comme une épaisse image couleur millefeuille
foncé.
AUTOUR FIGÉ, AMORTI, SANS ATTENTE…
Extrait 1
Autour figé, amorti, sans attente, comme si on y était nous aussi défait
de tout mouvement, porté là ailleurs, avec seul dans la gorge qui grom-
melle le nœud qui grossit ; on regarde, le temps de s’arrêter ça ne veut
rien dire, on s’imagine tout reconnaître, on ne voit rien.
Ni vraiment dehors ni dedans totalement, on s’échappe de tout
sans sortir de rien, on marche, on continue, ciel bleu, ciel gris,
mer bleue, mer grise.
Ça vient de si loin, une simple résonance qui atteint, et secoue ;
sur la digue, dans le vent, c’est bon. Même sans vent, et même
sans digue. Brut c’est meilleur.
Une petite musique dans la tête, elles nous accompagne tout le temps, dans le silence. On entend de soi ce qui traîne dehors, on n’est pas seul dans le monde.
C’est parce qu’on la connaît par cœur qu’on ne sait jamais où on va quand on est sur la digue, on s’efforce de continuer, par pans, par bouts, parfois par blocs, ça s’éboule, ce qui semble certain c’est que de l’intérieur la résistance devient plus forte, celle-là même qui fait tenir – falaise d’éboulis.
Vidéo de Ludovic Degroote