Biomiméthique de
Emmanuel Delannoy
Répondre à la crise du vivant par le biomimétisme
« Il n'y a pas de crise du vivant. Il n'y a qu'une crise de notre relation au vivant. »
Je remercie les Editions Rue de l'échiquier pour l'envoi de ce livre reçu dans le cadre d'une opération Masse critique non-fiction.
D'abord la forme : tout est beau dans cet objet-livre. Sa taille, la texture de la couverture, le grain du papier, son coloris, le choix des différentes typographies, l'aération des chapitres, la transition poétique entre chaque, chaque détail a été soigneusement pensé et il s'en dégage une bienveillante douceur. Rien d'étonnant alors à découvrir en quatrième de couverture un logo avec la mention : « imprimé en France avec amour et passion ».
Le fond à présent. J'ai choisi ce livre parmi d'autres dans la liste proposée en n'ayant que peu de connaissances sur le sujet : le biomimétisme est une démarche qui s'inspire du vivant, tel que le Velcro, par exemple, invention issue de l'observation de la graine de bardane.
Selon l'auteur, sa définition du biomimétisme serait l'ensemble des approches visant à faire rentrer l'économie dans le vivant, contrairement à ce qui se fait actuellement où, par tous les moyens, même scandaleux, on tente de faire plier le vivant à l'économie.
L'essai se compose de deux parties : d'abord un sombre constat de l'état des lieux dont la crise sanitaire actuelle n'est que l'un des révélateurs. Ensuite, un panel de solutions, qui pourrait éviter l'apocalypse annoncée, à condition qu'on le veuille bien. Responsabilisation de l'ensemble des partenaires, prise en compte des limites de la biosphère, courage politique … C'est pas gagné.
Il n'est plus temps de moins polluer, de moins faire mal ; le zéro impact, zéro carbone, zéro déchet, n'est plus suffisant : pour espérer continuer à exister sur cette planète en tant qu'espèce humaine, il faut inverser les flux.
Un des paragraphes particulièrement éclairants est celui sur l'entropie générée par le transfert de l'énergie : le problème n'est pas l'augmentation de la population mais bien l'augmentation de sa consommation énergétique. Pour se représenter notre dépendance (addiction) à l'énergie, a été inventé le concept d' « esclave énergétique ». Il indique que chaque occidental dispose d'environ 500 « équivalents esclaves » pour lui fournir l'énergie qu'il consomme.
Effondrement de la biodiversité, phénomènes d'emballement des événements climatiques, surexploitation des ressources, la fin est proche à tel point que pour certains milliardaires américains, la seule issue possible serait dans la conquête de nouvelles planètes.
« Heureusement, la technologie va nous sauver ! » Plus d'insectes ? Qu'à cela ne tienne ! Vive les drones pollinisateurs ! Apporter une solution technique à un problème qui est d'ordre culturel ou comportemental, engendre automatiquement une cascade de nouveaux problèmes qu'on tentera à nouveau de résoudre par la technologie. Pour citer l'auteur, « ceci démontre sans doute que le mouvement perpétuel existe … ».
Le dernier chapitre de cette première partie présente les aveuglements de l'économie, face aux externalités positives de l'activité humaine non mesurables monétairement. Inversement, elle a depuis toujours négligé les conséquences négatives de ses actions, qui indépendamment sont peut-être négligeables, mais prises dans leur ensemble deviennent catastrophiques.
Alors, que faire ? La seconde partie développe les potentialités globales du biomimétisme. Elle met d'abord en garde contre une dérive éventuelle qui utiliserait la méthode pour améliorer les capacités destructrices actuelles du vivant : ce serait un comble. Elle propose ensuite un ensemble de pistes pour transiter d'une économie prédatrice vers une économie régénératrice. Un autre modèle de développement basé sur le respect du vivant, plus que le respect, la gratitude envers ce qui est.
Comme l'a écrit
Hubert Reeves (cité par l'auteur) : « Nous menons une guerre à la nature. Cette guerre, si nous la gagnons, nous sommes perdus. » Tout est dit.