de la bonne SF, pas trop hard technologique mais plutôt une réflexion profonde sociologique sur l'identité des individus. Un livre assez ardu car c'est une SF peu évidente à comprendre et donc la compréhension est amené par des états d'âme du héros qui par ses discussions, ses actes explique le monde d'où il vient, où il vit avec qui il fraye et surtout ce qu'il ressent. Il est assez énigmatique. La prose est bavarde et assez intellectuelle mais aussi technique, de sociologie et de politique ce qui peut rebuter le lecteur. Il y a donc un effort permanent à avoir pendant la lecture et même avec cela ce n'est pas évident.
Pour le décor on est dans la cité de Téthys sur
Triton, la lune de Neptune, et dans l'espace il y une guerre entre la Terre et les lunes dont on commence à sentir les effets.
Un lieu assez indéfinissable particulièrement entre les secteurs de la ville, entre le décor naturel et les aménagements techniques qui façonnent cette ville synthétique. En outre l'espace les intérieurs sont aussi des extérieurs: difficile à visualiser, on ne garanti rien pour l'explication, mais l'exotisme spatial n'est pas l'objet du livre et puis on imagine ce qu'on veut.
La société de
Delany est fondamentale dans cette narration. Il parle d'hétérotopie, un monde fait de secteurs autonomes en discontinuité avec le reste.
Utopie très genrée au sens où le sexe détermine l'appartenance des individus à des communes ou familles qui coexistent avec des coopératives homo ou hétérosexuelles ou mixtes. Une apologie surtout du transgenrisme.
Utopie libertaire car il semble que les individus n'ont de contraintes qu'eux même, ce qui pour le personnage Bron Helstrom narcissique invétéré et perturbé pose problèmes car ceux-ci lui semblent venir des autres. Cette vision est qualifiée en générale de libertaire par les critiques mais on y voit surtout de l'individualisme forcené puisque tout tourne autour des individus sans qu'il y ait de valeurs communautaires fiables sauf pour les biens matériels et ce n'est pas l'ajout des artistes de rues, micro théâtre, plus fraternels et humanistes qui vont y changer quoique se soit.
Un univers ordonné qui propose un crédit de base à chaque individu, une sorte de RMI avec accès en nature aux conditions de vie essentielles ou tout est fourni. Il existe toutefois des zones sans lois où chacun fait ce qu'il veut et ce qu'il peut.
Des castes religieuses qui ne sont pas sans évoquer celles pauvres de l'Inde ou bien on peut les voir comme une cour des miracles, des êtres un peu décérébrés en voie de régression humaine.
Une société qui propose en outre à ses membres des transformations personnelles physiques et psychologiques en fonction des besoins et desiderata de chacun. La couleur de peau, l'aspect physique et psychologique en général n'est pas figé. Ainsi pour les aptitudes et attitudes genrées: rien n' est irréversible, ce qui fait un monde d'individus aléatoires et métamorphes.
On peut rappeler que R.
Delany est un écrivain noir américain gay et le personnage Bron Helstrom est un homme blanc hétérosexuel souffrant d' insatisfaction chronique, irrésolu en perpétuelle introspection pour ses problèmes insolubles. Un
Delany, ancien hippie gay qui cumule les déficiences dans une Amérique sectaire où il n'est pas bon de parler de sujets qui fâchent et qui profite de la SF pour présenter ici ce qu'il considère être le statut idéal de l'être humain: des êtres métamorphes, noirs ou blancs, à genre variable et
libres de surcroît ce qui n'est pas rien mais de préférence utopique. On peut regretter que cela soit présenté sans affects avec une certaine froideur et une distanciation qui va à l'encontre de ce que
Delany veut démontrer dans son livre.
Il y a, en outre, une critique de l'homme blanc hétéro mâle dominant depuis des siècles et une défense de la femme et ce dans le discours d'un personnage transgenre gay blanc devenu gay noir, critique courte mais très condensée et explicite.
Un héro insatisfait, assez antipathique, pervers, narcissique et mythomane qui se cherche sans se trouver et qui croit, à tort, qu'une transformation physique change l'individu et le réconcilie avec lui-même.
Malheureusement on ne «devient pas femme» mais on l'est – ADNéthiquement - si tout est bien séquencé et
vice versa semble dire
Delany: un problème ardu pour le genre.
Comme le dit Pangloss ce monde est “le meilleur des mondes possibles” mais et sans vraiment à avoir supporter des misères sauf celles qu'il.Elle.Iel(?) s'inflige, Bron Helstrom se comporte comme un Candide.
le problème de ce livre, car il y en a un, vient du fait que tout est subordonné au sexe et à la relation entre deux individus vu sous le signe dominant/dominé. Mais dans une société où il (le sexe) est aléatoire puisqu'on peut en changer et donc n'a plus d'utilité de reproduction, comment peut-il être aussi important? En outre celui-ci n'est vu que comme un «passe-temps» de plaisir ou quelque chose comme ça et il donc difficile de comprendre la vision plus large des liens familiaux, des fratries assez peu abordée puisque les enfants semblent être très tôt livrés à eux même pour le pire.
Une société difficile à appréhender due à une vision individualiste et névrotique de
Delany. de plus les personnages n'évoluent qu'entre eux, dans un petit cercle fermé, presque d'initiés, il n'y a pas d'ouverture pouvant généraliser la théorie avancée.
Il y a un petit goût de bizarre, de malsain dans la narration avec ce personnage très négatif arc-bouté dans ses certitudes, quelque chose de faux dans la démonstration de
Delany et ce même avec des arguments génétiques scientifiques à l'appui.
Intéressant mais perturbant et difficile d'accès!