dans le carré de la cellule
on ne fait plus la différence
entre la fenêtre et la télé. Le ciel
est plein de journalistes, la pluie
cogne contre l'écran. Pour tuer
le temps (pour l'achever), on
regarde le copain recommencer
sept cents fois le portrait amoureux
du tabouret. On s'invente
des tremblements, des crampes, des insomnies pour avoir droit, peut-être, à
un sourire de l'infirmière à 9 h 45.
À 19 h 18, on s'extirpe in extremis
un cancer critique
avec un cure-dent. Dehors,
on dirait que le monde s'affaire
en préparatifs. Peut-être
d'évasion. Cuites rituelles, avortements
de conscience, allergie nouvelle
au pain quotidien, - rafles, trafics,
soldes, croisades - tout cela
nous regarde par la fenêtre,
nous regarde
mourir dans la boîte
avec les oiseaux
"Et dire que tout cela se passe sans moi", comme a raison de dire Alejandra Pizarnik: c'est bizarre, comme certains êtres sont inextricablement au cœur de la vie ET en dehors.
Co je na tom divného? odpovídá tma.
(Qu'est-ce qu'il y a de si bizarre là-dedans? répond l'obscurité)
C'est la maladie de la langue, mon ami.
Mieux vaut mourir que d'en guérir.
parfois, le soir …
parfois, le soir
(mais seulement le matin)
à l'heure où la lumière est si belle
qu'on en devient crétin
je me prends pour un arbre
je me prends pour un arbre en guerre
je me prends pour un arbre en guerre contre la mort,
j'explique à mes enfants
qu'il faut fumer tant qu'on est jeune, fumer
autant qu'on peut pour expulser
le néant, je danse
en passant la serpillière dans la cuisine,
récite à ma chienne
des poèmes en tchèque, en polonais
cette bonne bête bien sûr
comprend tout c'est
dans ce regard que je
connais que je ne suis pas
un arbre — mais ce pantin foutu,
raclé, radieux, désartic
ulé de lu
mière & harcelé de
bruit de ce côté-ci du temps le
mauvais côté.
de toute manière…
de toute manière je ne me souviens de rien
stejnè si nemohu nic pamatovat
comme disait Ivan Blatný, poète
du troisième millénaire
mort à Londres en 1990
dans un hôpital psychiatrique
d'une angoisse incurable et dans un sourire
comme tous les incapables de son espèce
il est temps d'être nu…
il est temps d'être nu — c'est Leopoldo mort
qui me l'a dit — dans un hoquet
de terreur — à la lumière de Lulu
qu'on ligote au poteau — dans la langue étrange
du poète singeant personne : J'ai les mains
vides — aimez-moi comme, tas de brutes, vous avez
aimé Rilke ou Marilyn, sauvez-moi, n'oubliez pas
je suis nu comme un ver entre vos mains, je
ne suis qu'un enfant : le vôtre,