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EAN : 9791092444957
128 pages
l'Atelier contemporain (21/08/2019)
3.5/5   4 notes
Résumé :
Écrit par Cédric Demangeot dans un sentiment de déroute successif à la composition de ses deux premiers recueils de poèmes, Désert natal (1998) et Figures du refus (1999), ce livre, ne serait-ce que par sa forme, occupe dans son œuvre une place à part, qui est toutefois moins celle d’un écart que d’une matrice. Un auteur encore jeune quoique déjà rompu, dans tous les sens du terme, au métier poétique, résout ici expressément de se distancier du poème pour repartir s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Découvrir un nouvel auteur en plongeant dans un univers inhabituel est doublement incommode et délicat.
J'ai l'impression d'avoir délaissé mon coucouche panier pour emprunter celui du chien. Loin d'être à mon aise, je résiste par orgueil. Je vois l'oeil malheureux du toutou braqué sur moi, bien en peine de se positionner dans ce couffin trop étroit.
En plus, j'ai oublié de prendre mon doudou sur lequel j'ai pour usage de patouiller en ronronnant. J'en ai le bout de la queue qui commence à s'agiter. Paf.
Quelle idée ai-je eu là ? Quand vais-je trouver mes marques ?
Le chien se demande où je me situe sur une échelle de 1 à 10. N'importe quel chat répondrait "parce qu'en plus il faut monter sur une échelle ?!"
Sortir de sa zone de confort revèle une marque de curiosité et de courage.
C'est l'heure de ma toilette mais je n'arrive pas à me libérer, trop tendue pour lever la patte. Fière, dans cette corbeille aux odeurs qui ne me satisfont pas, je joue le jeu jusqu'au bout et je finis par m'endormir en m'étalant de tout mon long. Ça tombe bien, j'aime avoir de la place, toute la place.

Une nuit plus tard... Je viens de passer une matinée épouvantable dans une réunion dont le sujet m'est aussi fascinant que de faire la vaisselle.
Je trouve un fauteuil douillet pour une pause bien méritée. J'ouvre mon livre. Alors que la veille les phrases me semblaient toutes trop courtes et sibyllines, je les découvre plus longues et savoureuses. Je reviens en arrière et je m'aperçois que l'écriture est diablement soignée depuis le début. C'est la révélaçione.
Je me sens bien dans mon nouveau panier et je m'étire de plaisir.
Me voilà absorbée par des mots imprégnés d'humour, de lumière et volupté.

"Se contentera d'être, s'il peut. Il me semble l'entendre râler que c'est déjà ça, et assez difficile comme ça. Il n'a pas tort."
"On dit qu'il dort sur un tabouret à un seul pied, mais ce n'est qu'accessoire rumeur. L'essentiel est qu'il respire."
"Ivre, il est une vitre éclatée. Ou plutôt l'éclatement d'une vitre sur le vide. Mitoyenne d'un vide intérieur et d'un vide extérieur."

Comblée, car ce superbe objet de l'Atelier Contemporain m'appartient. J'aime la rigidité et la froideur de sa couverture.
Le récit commence à la page 29.
Lui précèdent des dessins à l'encre noire d'une folie captivante. En pleine contemplation à chaque ouverture, je tente d'extirper la singularité de leur image en caressant les traits de mon index. La main pleine, je dissimule des parties, je les couvre et découvre. Ce livre est pure stimulation.
Les esquisses d'Éna Lindenbaur et l'écriture de Cédric Demangeot forment un ensemble hypnotique et magnétique.

...Une mouche au loin. Un cercle. À l'interieur, des pieds, un oeil, un corps sinueux et torturé.
Par le reflet du miroir, un lutin, un chat.
Un portrait. L'encre baveuse a séché, absorbée par le papier.
Des êtres nus et tordus qui se chevauchent. Des tâches.
Une table grise sur laquelle est posée une lampe. Son interrupteur.
Un chien qui lève la patte, urine et remue la queue...

J'ai gardé mon âme d'enfant, j'aime les contes et les histoires. Je les apprécie au sens large. Ici, n'espérez pas une aventure chronologique, fluide et structurée. le récit s'emmêle et se mêle. Souvent absurde, tout en étant lourd de sens, attendez-vous à être dispersé.e.s.

...Une danseuse énorme et mouchetée prise dans les pattes d'une araignée.
Une chaise entourée de pots de fleurs.
La table est renversée. La lampe s'est cassée...

Laissez-vous surprendre par la plume contemporaine, poétique et aimantée de Cédric Demangeot. Observez et contemplez les créations envoûtantes et délirantes d'Éna Lindenbaur.

"Ivre sur les remparts, elle se laisse déshabiller sans difficulté - la lune nous aide -, le monde gonfle sa poitrine comme pour prendre sa respiration, puis disparaît dans une soudaine secousse de silence et de joie qui nous laisse l'un et l'autre tremblants de froid sur la pierre."

...Un personnage non identifié en érection.


Lu et considéré en septembre 2019 dans le cadre d'une masse critique littératures : les bonnes feuilles se ramassent à la pelle.
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Pour personne
Cédric Demangeot
dessins d'Ena Lindenbaur
L'Atelier contemporain, 2019, 128p


Ce livre n'avait pas attiré le lecteur .
Le colis est venu chez moi, merci à Babelio et à Masse Critique.
A l'ouvrir, le livre est beau, avec une reliure solide. La typographie, la mise en page, sont élégantes. L'atelier contemporain fait du beau travail. Les dessins, presque informes, avec des taches et des traits, laissent malgré tout surgir une forme, et illustrent en harmonie le propos de l'auteur, un poète né en 74, en déroute d'écriture et d'être, et le texte, qu'on pourrait qualifier d'anti-récit.
Le texte, « de l'intérieur » de soi « vers l'extérieur » peut provoquer des malentendus -et je n'ai pas tout entendu- comme le précédent qu'a publié Demangeot, et peut- être tomber des mains de certains lecteurs.

L'auteur est résolument dans le discontinu, ou plus sûrement dans le refus de la continuité. Il a cessé d'apprécier les lectures linéaires. Il pourrait faire une belle fiction fantastique ou un conte philosophique subtil, mais il préfère voir où le mène une écriture qui vague ou une littérature de l'inquiétude. Il connaît son point d'arrivée, sait par où il ne veut pas aller, mais cherche jusqu'à épuisement et presque démission et dégoût temporaire des lectures fragmentaires et aléatoires, en plus il a mal aux dents, comment atteindre son but ambitieux.
Il faut « assoiffer l'habitude et le visible ». L'auteur veut inventer, il célèbre la toute puissance de l'imagination, qui est la partie vraiment vivante de la vie, qui est la vie. C'est ça, le but de Demangeot, rester et être vivant. La vie « vibre sans fin en son plus haut point ». Dans un musée, ce sont « les seules vagues du désir vivant dans l'air » vers lesquelles son personnage se porte. C'est pourquoi Demangeot loue la magie du hasard et du fragment, qui cède toute la place à l'imagination, il requiert un lecteur qui sache imaginer un personnage malgré le peu qu'on dit de lui, avec qui l'auteur cheminera un temps, et qu'il quittera, comme une route choisie.
Il refuse le parler des parleurs, des linguistes et des inconscients, qui font des mots des morts, tandis qu'il revendique une eau vitale.
Quand on donne à l'écriture un sujet, on risque des cadavres de prose. Alors Demangeot offre un ouroborécit, ouroboros étant le tourbillon inépuisable de la mortalité. Tout homme qui vit allant vers sa mort, doit être uniquement vivant pendant son temps mortel. Alors l'auteur « tente de maintenir un corps -jamais localisé mais corps- dans le mouvement perpétuellement décentré de [s]a pensée », bouge, explore son intérieur et son extérieur ; retourné comme un gant l'intérieur est vivant dehors- en laissant sa peur de côté, s'essaie à différents types d'écriture, le journal, la lettre, la digression, le fragment, le poème, mais un poème qui est « comme un sonnet », emmenant dans le sale et le sali, avec « Icare et les rats », dont les sonorités mordent déjà, ou un poème libre à vers très courts, les vers étant « des maladies », qui décrit la situation dans laquelle il se trouve, une saison sèche . C'est sans doute pourquoi Demangeot a souvent recours à l'humour quand il joue avec les mots
à l'intention des patients pour les faire patienter
et les fantaisies qu'ils permettent
presque rousse elle passe petite
les trompe-oreilles
L'été me tue, me tête et me tait
et les prosaïsmes
Tout est toujours très propre chez les dentistes comme dans les hôpitaux. C'est put-être pour pouvoir repérer plus facilement les sauts de puce du moindre microbe.
Il n'use pas de la double négation, comme pour rendre la langue roturière, voire vilaine, et interroger constamment l'écriture pour qu'elle ne soit pas emprisonnée dans des codes.

Cédric Demangeot veut « dire non à l'empire de l'histoire et du style, aux domesticités ». « Se méfier aussi du poème ». Il pourrait se donner au silence, en tout cas, « excès taira », etc, « Le silence/ est une densité/Est une faille/Est une perte/de qualité/Un mot/de trop ; mais « quand on a tout dit ou presque, il reste toujours le presque et c'est ça qu »'il « veu »t « dire ». Il lui reste donc encore à inventer, « après quoi il pourra dormir l'oeuvre ».

C'est un livre en deux parties, la première présentant l'écrivain écrivant, et réfléchissant sur ce qu'il veut faire et s'interrogeant sur sa conception de l'écriture ; le lecteur a droit à une série de métamorphoses, le changement permanent rendant impossible une histoire suivie, sa logique et son déroulement : ainsi sort un chien, qui devient pantin à chapeau, qui pourrait être chapelier ou chamelier, ou … figuier, mais « je veille à ne pas faire trop longtemps le figuier. Sinon on n'avance pas. » L'auteur continue sa marche, et le lecteur voit sa route fermée. le pantin prend de la consistance, arrive à l'état d'homme inapte, et d'homme qui porte un nom ou une absence de nom, jean personne et sans majuscules. L'auteur renvoie à Baudelaire, à Musil, à von Hoffmannsthal et à Walser, alias Pierre Debout, un ami de jean personne, et choisit bien sa compagnie, les fondateurs de la modernité littéraire, excusez du peu. La seconde partie, écrite en italiques, est plus centrée sur l'auteur, en plein désarroi- ivre, il est une vitre éclatée. Ou plutôt l'éclatement d'une vitre sur le vide/mitoyenne d'un vide intérieur et d'un vide extérieur- qui n'arrive pas à grand-chose, et qui finit par trouver sa voie .
Mon image éclate, mais de l'éclatement se recompose... aujourd'hui la première fois que je vois mon image
L'auteur se fond dans le personnage de jean personne. La fin de cette partie rejoint pile poil le début de la première avec la réapparition du chien, et illustre ce mouvement de tourbillon qui fait que la vie ne cesse jamais.

C'est une écriture qui sait ce qu'elle veut. Elle revivifie des expressions toutes faites auxquelles on va faire rendre leur sève. Il n'est pas sûr que ce projet ambitieux, comme celui d'un Faust ou d'un Gray, retienne un grand nombre de lecteurs. La lecture d'Alexandre Battaglia, qui n'est pas loin de là inintéressante, rappelle ces longs textes qui tentent d'expliquer une oeuvre conceptuelle, qui n'émeut pas immédiatement. La plupart des lecteurs aime qu'on leur raconte des histoires, et qu'ils puissent s'identifier aux héros. Mais l'auteur, qui se crée sa passante à lui, le sait, d'où le clin d'oeil de son titre Pour personne. Mais personne, c'est presque quelqu'un, et un qui aime les périples et les obstacles.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Insomnie sur insomnie. Mes nuits sont encore plus diurnes pour me laisser dormir. Mais quel délice, que d'être le prisonnier de telles parenthèses ! Il me semble assister, chaque soir, aux frémissements de ma naissance au monde hors du monde.
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C'est seulement dans le regard que nous posons sur le monde qu'est la lumière. Ce n'est peut-être pas de là qu'elle procède physiquement, mais c'est bien là qu'elle tremble ou non. [...] Si le regard est vif, tout peut être lumière.
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Tant mieux si je suis perdu. Rien ne sert de s'y retrouver. Comme rien ne sert d'arriver. Ça dessert au contraire. Une fois arrivé on a l'air de quoi. [...]
Non, rien ne sert d'arriver. Ni même de partir à point. [...]
Non que l'inutile soit beau comme on l'a dit en d'esthètes époques. Mais il est lumineux - autant dire presque vrai. Alors inutilement, mais par l'exercice d'une volonté qui est elle-même le produit d'une joie de l'inutile, aller. Rien ne sert au récit, rien ne sert à la vie d'arriver.
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Mirellea est le genre de femme à finir par se jeter du pont où elle vous a rencontré. Elle s'encorde à vous pour plonger dans le vide. Il faut la suivre et s'effondrer de joie lorsqu'elle se scinde devant vous. Mais ce vertige ne peut durer. Peut-il seulement recommencer.
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Je suis bien dans cette chambre. Il me reste encore à inventer le locataire et les fantômes. À peupler de mes monstres ces espaces perdus. Après quoi je pourrai dormir mon œuvre. M'endormir dedans.
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