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EAN : 9782246171027
126 pages
Grasset (31/05/2002)
3.73/5   15 notes
Résumé :
Julien s'embarque comme stewart sur un paquebot. Jeté à l'eau, il échoue à la nage sur une île survolée par des oiseaux au plumage de fer, au bec couleur d'argent, aux yeux de verre. Dans cette île, tout est trop net. Les voitures se conduisent toutes seules. Des robots servent des habitants sans âge et sans amour. Seule la jeune psychologue Irène est sensible au charme de Julien. Comment parviendra-t-il à fuir avec elle ? Une parabole sur l'automatisation et le pro... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
L'HORREUR VENUE DES AILES.

Une très large moitié du XXème siècle aura été l'époque privilégiée des grandes fictions futuristes, des contre-utopies et autres dystopies, héritières des romans de Jules Verne pour la forme (Jules Verne expose, quant à lui, une vision globalement positive de ces bouleversements technologiques) et mères de ce genre littéraire fâcheusement un trop enfermé dans cette sphère plus généraliste qu'est la science-fiction. Les livres de H-G Wells, de Zamiatine, d'Aldous Huxley, de George Orwell, de même que le trop oublié, passionnant et bizarre Kallocaïne de la suédoise Karin Boye, font écho aux impressionnantes - mais souvent perçues comme trop rapides - évolutions du monde moderne : scientisme et positivisme triomphant, progrès incessants et d'évidence incontrôlable de la technique et de sa fille Technologie, industrialisation démesurée, internationalisation puis mondialisation des échanges et des intérêts financiers, urbanisation démultipliée tout autant que bien souvent désordonnée, consommation de masse, montée des totalitarismes rouges ou bruns : autant de phénomènes conjuguant tous les ingrédients pour voir l'émergence de nouvelles réflexions éthiques, philosophiques et politiques, souvent porteuses d'inquiétude et même d'angoisse.

Plus surprenante, en revanche, cette incursion de l'auteur du Pays où l'on arrive jamais, le romancier, conteur et poète André Dhôtel, à l'oeuvre très souvent empreinte de merveilleux, de magie simple, proche de la nature, au sein de cette confrérie des augures de temps futurs généralement sombres. C'est pourtant bel et bien le cas avec cette aventure fantasmagorique vécue par le jeune Julien Grainebis, aventurier un peu malgré lui, publié en 1956 et qui s'apparente sans conteste à ce genre littéraire. (A noter que l'on retrouvera ce personnage, une année plus tard, dans le recueil intitulé Les Voyages fantastiques de Julien Grainebis).

Ainsi, sur l'île aux oiseaux de fer, perdue dans les immensités vides de l'Océan Pacifique, vit une étrange communauté entièrement soumise à la domination des machines. Elle pourvoit à leur maintenance, reçoit d'elles sa subsistance, les règles de son existence, obéissant à la moindre de leurs injonctions. C'est ce que notre Julien découvrira assez rapidement, après qu'il eût été poussé à l'eau, par dessus le bastingage du paquebot parti pour un tour du monde et sur lequel il s'était retrouvé steward de fortune, sur les insistance d'un ami de passage, un étrange personnage vaguement anarchiste prénommé Daniel ; lequel est d'ailleurs le responsable de la chute fatale.

Mais notre héros malgré lui est du genre calme et placide. N'était son attirance immédiate pour la jeune et charmante Irène, la psychologue qui le reçoit en entretien dans les premiers temps de son arrivée, il semble d'abord se trouver relativement à son aise sur cette île si particulière où règne un calme certain, où le regard - passablement vide - des habitants semblent révéler un tranquille mais un bonheur simple, acceptable. Bien entendu, il est un peu dérouté par cette manière si calée, cloisonnée, prévue et prévisible de vivre mais au cours des premières semaines sur place, il semble se satisfaire convenablement de cette situation.
Peu à peu cependant, Julien Grainbis va comprendre à quel point les machines maîtrisent tout, empêchent toute manifestation de plaisir vrai, de passion, de joie extérieure, de désir. Qu'elles ont fini par supprimer toute liberté véritable, toute envie, tout moyen ou motif de s'échapper, de s'ex-île-r, tout appel à quelque transcendance que ce soit - "Dieu" est un mot qui fait frémir immédiatement qui l'entend dans la bouche de Julien, serait-ce le mot utilisé comme vulgaire interjection -, jusqu'à la simple envie de se promener sur un chemin, mais interdit, à l'écart des routes bornées, de lancer un caillou dans la mer, même lorsque l'on n'a que douze ans... Les machines ayant par ailleurs prévu leur moyen de répression - le plus généralement fatal - par l'office de ces oiseaux de métal qui planent comme une perpétuelle menace, une épée de Damoclès technologique, au-dessus des habitants, les contraignant encore un peu plus à une obéissance et à un contrôle sur eux-même absolument permanent. Jusqu'à leur ôter, finalement, toute (en)vie véritable, quoi qu'ils s'en défendent, lorsque Julien les pousse dans leurs retranchements par ses questions dignes d'un Candide moderne.

Mais la seule logique qui règne sur l'île est ainsi celle des machines, étrangère à la logique de l'âme et du cœur humain, de même que le temps des machines est étranger à la temporalité humaine. Cependant, il y a la belle Irène, que des hasards très heureux mettront à plusieurs reprises sur la route de notre infortuné rescapé - le sauvant en outre d'une mort certaine - et dont il semble évident que l'attirance amoureuse de deux jeunes gens finira par poser autant de problème à ce système infernal qu'il finira par mettre en échec toute cette machinerie devenue démente, avec, en point d'orgue, une sorte de mise en abîme très séduisante, voulue par André Dhôtel, où un début de conte à dormir debout, dont Julien a momentanément oublié la fin, provoque le dérèglement interne de ces mécaniques inhumaines mais qui cherche, par absolu, un sens et une logique à tout !

La réussite de ce court récit d'André Dhôtel tient à la simplicité poétique de sa mise en oeuvre, à la légèreté limpide de son écriture. Nulle emphase, nulle longueur superflue dans ce petit livre plein de charme, qui propose une sagesse avec un tact, une discrétion et une délicatesse rares. Mais qui préfigure, ou du moins s'inquiète, d'un monde dans lequel les machines auraient pris le pas sur nos décisions, sur nos vies - dans ce qu'elles ont de plus consubstantiel au vivant, fut-ce avec ces innombrables défauts et ses irrémédiables excès.

Trop oubliés, la plume et les livres d'André Dhôtel ont encore un charme fou - le charme subtil de ces livres délicieusement intemporels - et mériteraient indubitablement de ressortir de l'oubli poli dans lequel il est reclus depuis quelques décennies.
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Le très brillant article (exhaustif et louangeur) de notre ami Erik35 a dit l'essentiel sur ce somptueux petit roman "fantastique" de 1956, bouclant la courte mais passionnante saga de son jeune héros déroutant (toujours à mi-chemin entre réel ennuyeux et imaginaire dangereux), Julien Grainebis "de Bermont" comme seul titre de noblesse [ Cf. "Les voyages fantastiques de Julien Grainebis" de 1957 - 4 aventures intérieures (dont "Comment on traverse un arbre" '1954) et "Le village invisible" (1956) valent largement ceux les exploits involontaires de Sindbad...]. Tout y chante clair. La psychologue Irène nous plaît. Julien "le naufragé" a son innocence subversive (évidemment sans le savoir), et ce foutu monde semi-robotique trop bien réglé se dérègle... Tout est poétique et étrange : on le sait au moins depuis "Le Pays où l'on n'arrive jamais" de 1955 - mais tant d'autres romans dont nous persistons à ignorer l'existence EXISTENT (Seulement, les troupeaux de moutons que nous sommes devenus ne se rendent plus depuis longtemps en ces pâtures-là... préférant brouter avidement - en masses rassurantes -une herbe prédigérée de hypermarchés, évidemment allergisante à certains... ) : l'aisance de Dhôtel avec "Le Merveilleux" parfois franchement inquiétant du quotidien champenois ou ardennais, est réelle... Jusqu'au détail de l'acte gratuit de "l'ami de rencontre" Daniel qui nous ramène dans le merveilleux monde inquiétant de Franz Kafka (celui de "Amerika/Der Verschollene"...). On aime vraiment cette histoire, sa simplicité, sa poésie de l'inattendu, ces oiseaux de fer aux becs tranchants apparaissant et disparaissant en nuées et se réfugiant derrière les nuages, absurdes gardiens d'un "faux-paradis" : tout notre triste monde réel en sursis, mais qui se "pense éternel" bref... "Escape from the Hell " (pour paraphraser le célèbre "Escape from New York" du vétéran du ciné fantastique John Carpenter...). Et "l'histoire" de 126 pages (dans la magnifiscence de la police de caractères des "Cahiers Rouges" de Grasset...) "finit bien" - c'est-à dire "tranquille", à Bermont avec fiançailles et tartes aux cerises... En conclusion ? (RE-)DECOUVRONS ensemble, peu à peu, ce monde fabuleux des 49 "romans et récits" du petit Père Dhôtel (1900-1991), la plupart redevenant dispos en collections de poche... Vous en aurez pour des années de bonheur (ou je vous rembourserai personnellement de tous vos frais, garanti aux amateurs/amatrices de solide & humble vraie Poétique !)...
Lien : http://www.latribudhotel.can..
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Lecture assez déconcertante. C'est une contre utopie. Dans le style, la trame, ce livre de science-fiction s'apparenterait aux Voyage de Gulliver. Julien Grainebis débarque sur une île gouvernée par les machines, les oiseaux de fer sont des sortes de gardiens. Ce monde si paisible en apparence est en réalité une prison dorée, les liberté sont très limitées. Pour ceux qui se souviennent de la série "Le Prisonnier" avec Patrick McGoohan, on y retrouve l'ambiance où tout est paisible si on ne sort pas des limites autorisées, avec des personnages peu communicatifs au bonheur forcé. Mais le roman est assez court et l'intrigue fait quelques bonds un peu rapides. C'est une lecture pleine d'idées, mais qui se contente d'un conte léger qui donne une impression d'ébauche et qui m'a laissé sur ma faim.
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J'étais loin d'imaginer que cet auteur ait écrit ce genre de livre. Ce petit récit aux airs futuristes pourrait sembler superficiel, désuet à notre époque, et pourtant derrière ce cache toute une philosophie qui faut peut être déceler ou apercevoir. il ne faut pas oublier que l'auteur a commencé par des études de philosophie et ça se ressent pleinement dans cette histoire.
D'ailleurs pour le peu que j'ai pu lire dans ce genre de littérature, il y a toujours cette part de réflexions qu'on ne peut soustraire, et ce que j'aime justement. Une histoire simple mais qui nous éclaire et nous amène à prendre conscience de notre société actuelle et ce qu'elle pourrait être. Savourer la chance ou pas de vivre sur cette planète telle qu'elle est ou pas, selon selon selon car il faut dire que plus ça va, plus notre chère petite bleue commence à sombrer et prendre une tangente qui n'est pas de bon augure.
J'ai bien aimé ce récit et je crois que je vais poursuivre la lecture de cet auteur que j'ai négligé alors qu'il est de mon pays.
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Cette nouvelle met en avant un jeune homme, Julien Grainebis, qui se retrouve sur une île où règne un système autoritaire : des oiseaux automates opprimant les habitants. Il parvient à s'échapper avec une jeune fille. Julien est assez semblable aux héros d'André Dhôtel : rêveur et contemplateur de la nature. Ici, il est étonnant de trouver l'auteur dans un registre assez moderne celui d'un monde dystopique où des robots géants gèrent tout, ayant fait disparaître du coeur des hommes tout sentiment et où la technique règne en maître. Je n'ai pas trop aimé, préférant la veine poétique de cet auteur.
La seconde nouvelle, Des Trottoirs et des Fleurs, met en scène un pur rêveur, Léopold, qui dessine à la craie sur les trottoirs, en plein dans l'éphémère, et qui séduit une jeune fille, Pulchérie (!!). Avec un autre couple, ces jeunes gens saisissent l'instant, admirent la nature, observent le jeu du soleil dans les branches. C'est poétique mais un peu lassant, on a envie par moments de les voir réagir et revenir au monde.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Jamais il n'avait imaginé qu'un jour viendrai où il cesserait de voir sa sœur chaque matin et chaque soir et de mener avec elle ces paisibles entretiens et ces querelles qui semblaient la bénédiction de toute une vie.
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- Non, nous n'avons pas le temps, s'écria le gouverneur. Un instant peut nous perdre. Je m'excuse. Il s'excuse. Nous nous excusons.
Les sonneries s'apaisèrent d'un coup. L'homme épongea la sueur qui ruisselait sur son front.
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- Mais le questionnaire auquel j'ai été soumis était absolument hasardeux, observa Julien.
- Absolument hasardeux. Nous reconnaissons la réalité du hasard et nous lui accordons beaucoup, mais les machines sont capables de trier les réponses et de décider si elles sont valables.
- Vous n'avez jamais eu l'idée de discuter leurs décisions ? demanda Julien.
- Nous sommes sûrs qu'elles sont parfaites.
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-- Alors vous exécutez tous les ordres que vous recevez, sans réfléchir le moins du monde ?
-- C'est logique, répondit l'un.
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Car la technique ne sait répondre aux énigmes du destin, de la beauté.
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Videos de André Dhôtel (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de André Dhôtel
« […] J'ai reçu de François Dhôtel (1900-1991), sous la forme d'un « tapuscrit » photocopié […], la merveilleuse suite de poèmes que voici. Je me suis dit qu'André Dhôtel, à la mort de qui je n'ai jamais cru, se dévoilait soudain plus vivant que jamais, avec la lumière pailletée de son regard et son sourire en coin. […] Maintenant ces poèmes sont là, qui n'ont rien de testamentaire, même si l'on devine que leur auteur peu à peu s'absente - mais c'est pour mieux affirmer une présence imprescriptible. Voici ces poèmes, dans l'ordre où je les ai reçus. […] Les poèmes naissent de la couleur du ciel, du temps qu'il faut, d'un écho des jours ordinaires et miraculeux, comme les impromptus qu'aimait tant Dhôtel, ou les petites pièces de Satie. […] Au rythme séculaire des premières lectures éblouies,
« Voici donc le chant de la jeunesse oubliée et des souvenirs perdus » […] » (Jean-Claude Pirotte)
«  […] Des paroles dans le vent en espérant que le vent est poète à ses heures et nous prêtant sa voix harmonise nos artifices.
Nos strophes seraient bien des branches avec mille feuilles que l'air du large fera parler peut-être un jour où personne n'écoutera.
Car l'essentiel serait qu'on n'écoute jamais et qu'on ne sache pas qui parle et qui se tait. […] » (Espoir, André Dhôtel)
0:00 - Abandon 2:00 - Attente 3:30 - En passant (II) 4:50 - La preuve 5:30 - L'inconnu 6:15 - Splendeur (II) 6:46 - Générique
Référence bibliographique : André Dhôtel, Poèmes comme ça, éditions le temps qu'il fait, 2000.
Image d'illustration : https://clesbibliofeel.blog/2020/04/08/andre-dhotel-idylles/
Bande sonore originale : Scott Buckley - Adrift Among Infinite Stars Adrift Among Infinite Stars by Scott Buckley is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.
Site : https://www.scottbuckley.com.au/library/adrift-among-infinite-stars/
#AndréDHôtel #PoèmesCommeÇa #PoésieFrançaise
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