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EAN : 9782916136882
96 pages
Les éditions du Sonneur (24/09/2015)
4.05/5   28 notes
Résumé :
« Mettez-moi à la poubelle ! Je vous dis de me mettre à la poubelle ! Comme ça, vous serez débarrassés ! À la poubelle ! Quand ça ne va plus, c’est direct à la poubelle ! Perdez pas votre temps ! » C’est long de mourir. C’est long de voir mourir. Surtout celle qui vous a donné le jour et l’amour du livre, des histoires qui racontent la vie. À 92 ans, le temps a perdu le Nord. La boussole est déréglée, on dit que c’est le grand âge, celui où l’on se souvient de chose... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Je m'étais imaginé parce qu'il s'agissait de Franz Bartelt, que ce livre témoignage "Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux" où il nous parle de sa mère vieillissante, ressemblerait dans le ton et le traitement à "Où on va, papa ?" de JL.Fournier... Erreur.
Dans ce court récit (40 pages en numérique), le regard de l'auteur est grave et lucide et si à aucun moment le nom de la maladie n'est évoquée, on devine sans peine de quelle pathologie il s'agit.
Franz Bartelt nous fait entrer dans l'intimité de ses rapports avec sa mère qui "perd la tête", il évoque nombre de dialogues et situations avec le recul nécessaire pour nous aspirer dans une fiction qui n'en est pas une, sans pathos, sans exagération, il s'agit d'un témoignage livré par un témoin oculaire doté d'un talent d'écrivain, c'est une lecture parfois hypnotique.
Je pense que ce petit livre parlerait à toutes et à tous que l'on soit concerné ou non par ce qui est aujourd'hui un phénomène de société, la fin de vie des personnes âgées dépendantes.
Il s'agit pratiquement d'un documentaire, le récit s'étend sur une dizaine d'années, d'abord chez la mère de l'auteur qu'il visite quotidiennement, puis à la "maison de retraite", un regard objectif et souvent désabusé.
C'est une lecture qui m'a instruit, une lecture utile, de celles qui permettent de se préparer émotionnellement à rencontrer un jour une problématique qui peut tous nous concerner.
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Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux est un court récit ( une centaine de pages ) autobiographique dans lequel Franz Bartelt partage ses réflexions sur le temps qui passe inexorablement.
Hier nous étions de jeunes adolescents, aujoud'hui nous sommes si âgés que le dernier chapitre est presque achevé.
Le temps d'un battement de cils.
Pour évoquer les symptômes de ce temps passé en un éclair, l'auteur ardennais évoque la vieillesse de sa mère, ses dernières années, son déclin progressif.
Insistant sur la relation ambiguë qu'il entretient avec elle, qui n'est plus de l'amour mais davantage un devoir filial empreint d'affection.
"Quand je la regarde, je me sens envahi par la pitié, mais désormais les sentiments à son égard me font défaut."
"Un fils doit aimer sa mère ou faire si bien semblant que personne, y compris l'intéréressée, ne peut deviner que ce n'est et ne sera jamais tout à fait le cas."
Il arrive simplement un moment où c'est à notre tour de prendre soin des parents qui nous ont choyés, élevés, protégés.
Mais ce juste retour des choses est difficile quand il consiste à prendre soin d'une personne qui n'est plus que l'ombre d'elle-même, doucement gagnée par la folie.
Quand les rôles sont inversés et que c'est aux adultes, à la famille, de composer avec un aîné retombé en enfance.
Un môme qu'il faut aider, raisonner, convaincre. Et qui continue à régresser vers le stade foetal au fur et à mesure que les rides l'envahissent.
Alors, privé de toute indépendance, il faut aussi le laver, l'habiller, le torcher.
"Elle paraît inoffensive, mais cette mine de rien cache un redoutable entêtement et une cervelle qui ne fonctionne que par lubies, comme chez certains enfants."

Le nom "Alzheimer" n'est jamais mentionné. Mais c'est bien ce dont il est question ici.
"Elle sombre doucement dans une folie de fin de vie, façon de se distraire sans doute de la mort qui vient."
La mère de Bartelt a quatre-vingt quatre printemps lorsque commencent les premiers symptômes décrits dans ces pages de souvenirs.
Des souvenirs qui pour elle commencent justement à se mélanger.
Quand elle raconte à son fils ce qu'elle a fait de ses journées, les endroits où elle s'est rendue, elle prétend avoir été travailler à la charcuterie ou avoir déjeuné avec sa propre mère ( qui aurait donc cent vingt ans si elle n'était pas décédée quarante ans plus tôt ).
Et quand son fils essaie de lui faire entendre raison, de lui expliquer avec énormément de patience et de gentillesse que ça n'est pas possible, elle s'emporte toujours de la même façon, comme prise dans le filet de ses contradictions, et s'exclame :
"- Si je suis folle, vous n'avez qu'à me mettre à l'hôpital psychiatrique."
Ce qui serait amusant si ça n'était pas aussi tragique, c'est qu'en parallèle elle se souvient de l'enterrement de sa mère et pourtant, ces deux informations contradictoires arrivent à coexister.
"Elle s'éloigne seulement de sa tête."

Quelques années plus tard, Franz Bartelt n'a plus le choix.
"Tu vois que tu ne peux plus rester toute seule. Il faut quelqu'un pour te surveiller. A mon avis tu serais plus tranquille dans une maison de retraite."
Et sans jamais juger du personnel soignant qui fait de son mieux avec les moyens qui leur sont attribués, Bartelt ne peut que constater que cet hospice est rempli de fous qui attendent au terme de journées aussi monotones qu'ennuyeuses que la mort vienne les chercher.
"Ils ne font rien, n'espèrent rien, n'attendent plus personne, n'escomptent plus le moindre plaisir."
Je ne suis jamais retourné dans ces établissements depuis mes huit ans, âge auquel j'ai vu mon premier cadavre. Une de mes arrières-grands-mères morte à quatre-vingt-quinze ans.
Les maisons de retraite sont des mouroirs dont on ne ressort que les deux pieds devant.
"On n'ose pas dire que c'est pire que le cimetière, mais parfois l'idée affleure à la surface de la pensée."
"Elle sait qu'elle est là pour attendre la mort. Ce n'est pas un problème ni une problématique, tout juste une réalité malaisée."
Franz Bartelt continuera à rendre des visites presque quotidienne à celle qui lui donna le jour et qui perdra peu à peu tout sens du temps ou de l'espace.
Qui mélangera ses connaissances vivantes ou défuntes jusqu'à ne plus reconnaître son fils.
Tous ses repères sont balayés, toutes les notions de réalité lui sont étrangères. Elle survit dans un monde qui lui est propre, fait de fantasmagories.
Jusqu'au jour où la mère et le fils seront libérés et qu'elle passera enfin de l'autre côté.

Cela dit on ne sombre jamais dans le pathos.
Certes, on découvre la plume d'un Bartelt plus sensible qu'à son habitude, directement concerné par cette relation complexe avec une mère entamant une lente déchéance, par sa peur de vieillir à son tour. Et pourtant, en dépit de son implication personnelle et de ces moments de doutes et de souffrances, il parvient toujours à nous arracher un sourire avec son goût pour l'humour noir et l'ironie mordante. Il manie l'autodérision avec perfection, de sa plume reconnaissable en quelques phrases à peine.
Mais cette fois on ressent quand même au-delà de l'autodérision un aspect désabusé, une souffrance derrière la patience à toute épreuve dont l'écrivain fait preuve avec sa vieille mère.
De même que celle-ci semble ressentir une immense tristesse lors de ses quelques instants de lucidité, consciente de son propre déclin.
"Comment déterminer la limite au-delà de laquelle ce qu'on vit ne vaut pas de souffrir plus longtemps ?"
Cette question renvoie au sujet tabou qu'est l'euthanasie.
La vie humaine est sacrée, mais quand les soins deviennent un acharnement qui fait mal aux proches, quand le patient ne sait plus où il est, à quelle époque, et n'a aucune idée de qui sont tous ces gens qui l'entourent ; quand le mot indépendance a perdu toute siginification, alors pourquoi retarder l'inévitable ?
"C'est l'impasse de l'attente, quand on n'attend plus que la mort."
Récemment j'ai présenté mes condoléances à une collègue qui avait perdu sa grand-mère. Mais si le décès d'un proche bouleverse toujours, l'émotion qui primait avant tout était le soulagement. Après dix années d'un Alzheimer de plus en plus redoutable qui la rendait presque méchante à force de ne plus se rappeler de rien et de ne plus reconnaître personne, la mort était un soulagement, une libération pour tous.

Je pense que c'est un récit qui va résonner d'une façon ou d'une autre en chacun de nous.
Que ce soit parce que nous vivons une situation similairement triste avec un de nos aînés, ou parce que nous redoutons la vieillesse bien plus que la mort si elle n'est faite que de douleurs physiques et de mémoire défaillante. Nous ne souhaitons vivre jusqu'à cent ans qu'à la condition de rester en forme.
"Il est vrai que la vieillesse tend de plus en plus à faire mentir le proverbe "tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir"."
J'ai la chance d'avoir encore une grand-mère en vie. Elle aura quatre-vingt-douze ans dans quelques jours. Elle a encore quasiment toute sa tête et sait très bien se faire comprendre notamment quand ses enfants évoquent un placement en Ehpad. Il n'en n'est pas question, elle veut mourir "à s'maison".
Elle s'embrouille un peu parfois dans ses mots, se mélange dans les prénoms. Je ne la reprend plus désormais.
"Elle ne me reconnaissait qu'à grand peine, m'attribuant le prénom de mes frères dont elle se souvient plus clairement que du mien."
Les résultats sont d'ailleurs parfois folkloriques quand elle nous raconte les dernières nouvelles, mais derrière ces confusions de langage il y a aussi deux accidents vasculaires cérébraux, heureusement sans grave conséquence.
La perte d'autonomie progressive de ma mamie est davantage d'ordre physique, comme en attestent ses nombreuses chutes. Elle tombe violemment sans même savoir pourquoi et ses os sont devenus tellement friables qu'elle multiplie les fractures et les hospitalisations depuis deux ans.
Désormais elle bouge le moins possible. le confinement, ça fait bien longtemps qu'elle maîtrise.
Privée des activités qu'elle aimait faire, ses journées se suivent et se ressemblent dans l'ennui.
Je pense que vivre ne lui procure que de rares plaisirs et que quelle que soit son heure, ça lui est désormais bien égal.
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Un titre pirouette, jusque dans le graphisme. Franz BARTELT, cet écrivain français des Ardennes du nord envoie un uppercut à la vie et surtout à une certaine forme de fin de vie.
Lui, il tente de rester droit, de tenir le quotidien en main, d'assurer la réalité en acceptant l'absurdité de la perte de sens progressive du réel chez sa maman. Ce livre est poignant. le récit passe, repasse la vie de sa mère, quadragénaire avancée, qui plus elle vieillit, plus elle se souvient et vit en lien fusionnel avec sa propre mère qui aurait aujourd'hui quelques 120 ans alors qu'elle ne sait plus nommer son fils. Et pourtant, il est bon ce fils qui vient lui tous les jours lui rendre visite, parler un peu, surtout écouter, mettre sur la table ce qu'il faut manger, s'occuper de la vaisselle et s'assurer que la gazinière soit bien fermée avant de partir. Tous les jours, il est là, elle, de moins en moins, elle s'éloigne de plus en plus. Elle fugue même souvent. Pour aller faire le ménage à la boucherie, faire des courses, se promener au square et parler avec… elle ne sait plus, mais ça n'a pas d'importance, elle n'est pas folle, tout de même ! Un récit de vie au jour, le jour avec sa lente descente en absurdie.
De la maison qu'on ne veut quitter à celle qui se dit de repos pour personnes âgées, il n'y a qu'un pas, c'est celui de la mort en sursis à celui de la vie déjà définitivement perdue. Dans un hospice, on ne vit plus, on ne survit même pas, on attend. On attend tout et surtout la mort… sans aucun pouvoir sur la gestion du temps !
Ce texte, empli de pudeur, est habité de cette distance ‘protectionnelle' indispensable à tout qui accompagne le vent de l'oubli qui chante dans les esprits de ceux qu'on aime. Mais il sonne tellement vrai !
Le texte, comme le temps, se répète, fait du sur place et souligne combien, ni le fils, ni la mère, ne trouvent leurs places dans une fin de vie qui se drape de bonnes intentions ou croyances pour camoufler la déchéance humaine et l'absurdité de ce temps qui n'appartient à personne.
On ne sort pas de ce texte indemne. On ne peut que revisiter ses propres expériences d'accompagnement d'êtres aimés et se questionner sur l'attitude à prendre, l'aptitude à développer, le changement d'altitude dans nos choix de vie qu'il serait bon - ou non – d'anticiper.
On comprend aisément que ce livre trouve une juste place dans la collection ‘Ce que la vie signifie pour moi' des éditions du Sonneur.
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Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux
Franz Bartelt Les éditions du sonneur (1)
Collection ce que la vie signifie pour moi ( 72 pages - 12€)

L'auteur nous plonge d'emblée au coeur de la pestilence, de la souffrance et de la mort, par son regard lucide et tendre qui embrasse tous ces êtres qui peuplent les départements de gériatrie, tributaires de « l'administration suprême ». Il dépeint « l'horreur banale de l'existence », la dégradation physique, la souffrance psychique, les maladies diverses, folie, Alzheimer. Un calvaire pour les proches. Impuissant, on est confronté chaque jour à des situations invraisemblables, à leurs divagations, leurs délires, leurs méprises, lubies ( envie de champagne). Sans compter les fugues, le chantage au suicide, les chutes.
Ce déclin , le narrateur l'observe chez sa propre mère :« Elle s'éloigne de sa tête ». Elle vit immergée dans ses souvenirs et convoque souvent sa propre mère, qui «  depuis qu'elle est morte va beaucoup mieux ». Et pourtant, elle l'attend.
Les confusions dans les repères temporels se multiplient. Les journées défilent monotones, l'ennui s'installe même si des animations ponctuent la semaine ou des visites. Ne fête-t-on pas les anniversaires, les centenaires, Noël ?

Franz Bartelt a le don à la fois de nous tirer une larme et de nous faire rire. ( scènes des friandises Chamallow, de la « tête de nègre », de l'essayage du cadeau)

Advient le moment où le résident n'est plus qu'une épave grabataire condamnée à son lit. Franz Bartelt aborde ce difficile dilemme de prendre la décision de placer un proche en maison de retraite quand il perd son autonomie, avec ce sentiment de culpabilité. L'auteur souligne le dévouement , l'abnégation et le mérite du personnel soignant confronté quotidiennement à la déliquescence des corps mais qui essaye d'être positif, bienveillant, aimant, souriant.

Quant aux accompagnants, l'écrivain ne cache pas qu'il faut être blindé pour ne pas déprimer. Comment accepter de voir la déchéance inéluctable d' un parent ?

La fin est brutale, la camarde a sonné le clap létal. Pour Woody Allen : «  le côté positif de la mort, c'est que l'on peut l'être en restant couché » .
Commence, pour ceux qui restent, la période de résilience et de mémoire «  Pour eux ( les disparus), nous ne sommes plus rien. Pour nous, ils sont encore beaucoup ».

Franz Bartelt offre un touchant et vibrant tombeau de papier à cette mère qui lui apprit à lire. En abordant ce sujet tabou de la finitude, douloureusement universel, l'auteur souligne les carences de la législation française sur la fin de vie, l'euthanasie, contrairement à La Suisse. Il explore avec réalisme les multiples facettes de la décrépitude humaine . Il pose un regard implacable sur les institutions gériatriques et brocarde les failles des ces hospices où la nourriture laisse parfois à désirer.

Être drôle et vif en parlant de vieillesse, «  rien de moins qu'une prison » , c'est le pari euclidien de Franz Bartelt. L'humour et la démesure restent une manière élégante pour exorciser par le haut la tristesse du réel que suscite l'absurdité de la condition humaine. Un récit témoignage grave, profond, frappé sous le sceau de la délicatesse, qui ne peut laisser indifférent, car il fait aimer la vie doublement.
On retrouve avec plaisir le poète qui décline la liste de ses désirs : « Désirer le bleuité des matins dans le jardin, quand la rumeur des fleurs épouse la clameur des oiseaux » et le styliste, usant d'oxymores : « J'en arrive à me dire que les malheurs que nous subissons contiennent encore tout ce qui fait le bonheur ».

Pourquoi pas suivre le viatique dont l'auteur se dit adepte ?
A savoir : «  le vin, le tabac, les promenades dans les bois, la lecture, l'écriture, la musique à fond les biscottes... ». Abusons donc de sa gouaille, de ses livres.
Il ne reste plus qu'à attendre de Franz Bartelt «  cette littérature du contournement, de la périphrase, du décalage » dont il se dit partisan.

(1) Voir l'article de Martine Laval sur Franz Bartelt :
Le tour de Franz en 70 livres – Télérama no 2915 – 23 novembre 2005
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Une histoire touchante, comme une longue mélodie qui n'en finit pas la mort s'invite à petit pas, commençant à grignoter la mémoire et tous les espoirs de rester lucide, humble, conscient. le corps fait défaut, certes, mais le cerveau encore pire.
L'auteur nous conte la descente douce vers une fin inévitable de sa mère. On ressent la douleur ne pouvoir rien faire, juste l'accompagner au seuil d'une autre rive.
Beaucoup de réflexions sur ce sujet, la vieillesse, la prolongation de l'espérance de vie, la souffrance, la solitude, la vie si on peut appeler vie les longues heures en maison de retraite.

Très intéressant comme livre, et surtout on se régale sous la plume de Bartelt, un vrai poète qui a le don de nous peindre le pire en pastel .

Je vous recommande ce petit livre, peut-être pour aborder ce sujet qui touche tout le monde un jour ou l'autre : l'accompagnement d'un parent, grand-parent dans un monde sans résonance, juste une attente d'un fin certaine.

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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Dans ce que nous sommes, il y a immanquablement tout ce que nous avons été. Cette constatation n'est pas une banalité. Il se peut que le caractère change, que l'énervé devienne flegmatique, que la beauté soit rongée de laideur, que le méchant se soit adouci, mais la personne est toujours là. Elle ne disparaît jamais. Elle est dépouillée de sa malice, de ses attraits, de ses colères. Mais elle est toujours là, comme le filigrane qui authentifie le billet de banque.
Nous ne sommes qu'une superposition de transparences dont les épaisseurs accumulées finissent par donner une impression d'obscurité. Mais la lumière brille toujours au coeur de cet enchevêtrement d'empreintes plus ou moins nettes, souvent entassées selon un ordre arbitraire ou difficilement appréciable.
Bien qu'elles ne soient plus que très peu de choses, toutes ces vies finissent par avoir été belles, parce qu'elles ont été vécues jusqu'au bout. Sans doute qu'à partir d'un certain âge, on meurt réconcilié avec l'univers entier. Et qu'on ne regrette pas plus qu'on ne sera regretté. On disparaît, on se fond avec le reste du monde, on devient l'intime de la planète, alors qu'on n'en était que le visiteur. p 86
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On a beau être sûr et certain du caractère inéluctable de la mort, cette perspective nous apparaît jusqu'à la dernière limite comme assez incertaine, peu souhaitable et, peut-être, contenant un nombre indéfini, infini, d'ajournements. C'est une faculté humaine que de penser qu'on peut toujours s'en remettre au lendemain. Et que tout finira par s'arranger un jour. L'homme a besoin de savoir qu'après le pas qu'il vient de faire il y en aura un autre, et puis un autre.
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A la vérité, je ne savais pas quoi dire. Ni quoi faire. Pourtant, pour une fois, j'éyais à peu près à ma place. La vie est déjà loin derrière nous. La sienne n'est qu'à trois souffles de son dernier souffle. [...] L'avenir tien dans l'heure, dans la minute, dans la seconde, dans le battement des paupières. Mais c'est un avenir précieux parce que, s'il ne contient presque plus de choses de la vie, il est encore chargé de toute la vie qui est un principe.
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De toute façon, ce matin rien n’est plus neuf que ce qui n’était déjà pas très neuf hier matin. On continue à n’être pas mort, ce qui, sans être une sinécure, n’apparaît pas comme une nouvelle désastreuse. En ce moment, je cours les hôpitaux, les hospices. J’entends crier les vieillards qui agonisent. Certains appellent la mort comme une délivrance. D’autres la supplient de les laisser durer encore un peu. Je vois des corps trop maigres, trop gras, trop anguleux, trop arrondis, qui pissent dans la ouate, chient de même, mouillent de bave leur vieux pyjama à rayures, font puer leurs pantoufles, se cassent contre le coin du lit, suspendus à des tuyaux, respirant mal, geignant, blafards, effrayés comme des condamnés, punis d’on ne sait quel égarement, l’horreur banale de l’existence, en fin de compte.
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comment déterminer la limite au-delà de laquelle ce qu'on vit ne vaut pas de souffrir plus longtemps ? En ce qui me concerne, sans doute que ce sera le jour où il ne me sera plus donné de désirer l'espace qui offre au corps sa place au milieu des forêts, au milieu des campagnes, sous le soleil, dans l'averse de la neige, à la croisée des vents qui tournent autour de nous, avec ce grondement près de nos oreilles et qui vibrent jusqu'à nos tempes où il y a des fièvres et des excitations.
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