Un projet original et enthousiasmant, comme les canadiens savent si bien le créer: réunir en binôme vingt-deux voix féminines de la poésie actuelle de leur pays.
" C'est comme chanter ensemble. Il s'agit de ne pas perdre sa voix, pour éviter de tomber dans le mimétisme, et pourtant il faut se laisser traverser par la voix de l'autre.", écrit Louise Dupré.
Cela donne un recueil très riche, où à chaque chapitre, les poèmes de l'une et l'autre s'interpellent , se répondent, s'entrecroisent. Ces femmes poètes, de générations et d'inspiration différentes ,se sont rencontrées, sur écran, dans des cafés, chez elles, et ont transcrit par l'écriture leurs ressentis.
Lieux et émotions, enfance retrouvée , impressions diffuses et surtout ouverture à l'autre, échange, générosité :
" J'ai appris le nom d'une constellation, posé ma langue sur le treillis de la lumière " , écrit France Cayouette. Ce à quoi Sarah Dignard ( créatrice de ce projet) lui répond:
" Je trouve à peine l'accotement entre le bleu et le tremblement
tu sais le chemin lavé des tempêtes
la chaleur des promesses tenues"
Un très beau recueil délicat, déployant harmonieusement les sensibilités de chacune. Et quoi de plus émouvant et chaleureux qu'une poésie qui se partage, qui se donne?
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La lune soulève chaque nuit la paume de mes mains
J'implore le silence pour entendre les étoiles
J'avance à petits pas dans la pénombre de tes rêves
je n'ai pas peur désormais
je pleure parce que les larmes sont des rivières d'histoires rouges
le bleu de mes songes vient de la mer
Rita Mestokosho
Chavirer les eaux
Écrire une voix venue d'ailleurs
des origines au temps présent
Prend feu une douleur dans le vent jetée
me colorent les cendres
d'une tristesse qui soulage
les restes se cristallisent
p.14
Geneviève Gosselin-G. et Diane Régimbald
Chaque fois que le geste d'écrire grave
un mot un silence un labyrinthe de plus
ma main se pose
sur la tienne entend ce qui nous lie
enlace le souffle à l'air
la frontière de nos mains au poème
nos yeux dans le noir ouverts
Diane Régimbald et Geneviève Gosselin-G.
Chavirer les eaux
Je me sépare du monde pour retrouver les mots
j'entre dans ce qui rejoint
Le lit défait un drap jeté sur la table
je m'enfouis et pénètre la mesure aveugle
à même la fibre des nerfs
habite corps et voix muscles et voix cœur et voix
Chambre fenêtre fureur
rien de plié ‒ les ailes
d'un ange frôlent nos vœux
sous la peau tremble une lumière
p.19
Geneviève Gosselin-G. et Diane Régimbald
A nos pieds pousse une fleur
dont nous ne savons pas le nom
une fleur mauve refermée
sur nos aveux
je porte ton parfum comme un talisman
Geneviève Boudreau