PREMIERE IMPRESSION.
Si on m'avait cache le nom de l'auteur j'aurais trouve ce court roman interessant, avec cette atmosphere fataliste et pessimiste particuliere des ecrivains de l'entre-deux-guerres en mitteleuropa. Mais son nom se carre, bien a l'aise, sur la couverture.
Bon. Je me dis que c'est surement un ecrit de jeunesse, comme un essai, une experimentation, de premiers pas. A la verification ce livre a ete publie (sans que je sache vraiment quand il a ete ecrit) apres
Hotel Savoy, apres
La rebellion, deux livres tres accomplis. Alors? Est-ce que je dois faire une division entre un Roth majeur et un Roth mineur? Et classer ce livre parmi les mineurs?
PROMENADE. EXERCICES RESPIRATOIRES. CAFÉ.
DEUXIEME IMPRESSION.
Je suis bete. Si ce livre rappelle Roth et est signe Roth c'est du Roth. Il a la demarche rapide, sautant d'une situation a l'autre, qu'on trouve dans d'autres oeuvres courtes, comme
La legende du saint buveur, et peut-etre ce livre aussi est une parabole. La parabole sur le destin triste qu'attend les gens simples, les pauvres gens, dans une societe entristee et crepusculaire. Il ne peut exister d'avenir particulier dans une societe sans avenir.
Et oui, il y a de belles pages. Quand l'heroine, Fini, reve. Quand elle se laisse entrainer, par peur et par espoir. Quand elle ne comprend pas les autres, ne se comprend pas. Quand elle a mal pour les autres, a mal aux autres. Quand elle s'eprend d'un revolutionnaire dont Roth excelle a camper la vie de traques et de fuites. Et des passages traduisant en peu de mots une situation humaine, une position humaine, pas une posture. Comme quand le pere revient de la guerre: “Il avait été enseveli lors d'un bombardement ; Dieu merci, maintenant il était là, peut-être pour toujours. Mais il était déconcerté au milieu de sa famille en pleine santé, étourdi par l'arrivée dans son propre foyer, un apatride au sein de sa patrie, un être inhabituel parmi tant d'habitudes, explorant tout d'un regard fuyant qui semblait toujours retourner dans des lointains perdus, des lointains dont vous pouviez à peine soupçonner les contours et dont la réalité vous échappait de toute façon”. Ou comme la transformation de l'amant: “Il n'allait pas chercher dans l'armoire les verres au tintement cristallin ni la bouteille de liqueur joliment élancée. Ils se couchaient avec une implacable régularité et leur réveil n'avait aucune saveur, comme la fin de toute joie qu'on a pris soin de savourer. le visage de Ludwig revêtait un tout autre aspect lorsqu'il était chez lui, décontracté, sans plus lutter pour sa conquête. Il errait en pantoufles et en bras de chemise. Il ne dégageait plus une odeur étrangère, animale, de racines amères. Ce n'était plus une bête cruelle. C'était un homme solitaire, vieillissant, myope, aux cheveux clairsemés ; un homme soumis et suppliant, mou et oublieux, accablé par des dettes dérisoires et des soucis mesquins. Sa voix perdait sa chaude sonorité de violoncelle. Il ne se mettait plus en scène et ressemblait à un volcan éteint”.
Et le roman se finit, a la Roth, par la mort, ou le suicide (va savoir…), de l'heroine, en des lignes parnassiennes: “Personne ne sut qu'elle avait voulu monter dans le ciel et qu'elle était tombée dans l'eau. Elle s'était fracassée sur les doux escaliers des nuages pourpres et dorés”.
En fin de compte un bon “petit roman", comme le designait son auteur. Pas parmi ses meilleurs, pour moi. Mais je suis surement trop influence par ses grandes oeuvres. Je lui octroie trois etoiles babeliotes. Sous la signature de quelqu'un d'autre, j'aurais peut-etre pousse jusqu'a quatre.
N. B. Je me permets d'attirer l'attention de mes amis sur mon essai (reussi) de prose versifiee: octroie trois etoi…