AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Gabrielle Danoux (Traducteur)
EAN : 9781548346010
128 pages
CreateSpace Independent Publishing Platform (25/06/2017)
4.3/5   5 notes
Résumé :
Nous présentant René Daumal1, Georges Perros livre un puissant credo : « Quelque chose en ce monde est perpétuellement menacé, toujours à sauver. Cette chose concerne l’homme, expressément. Que les rares privilégiés frappés, prévenus, mis en cause par cette idée, ce rien, que le mot : poésie, risque de définir en chacun, que ces éperdus empruntent au langage ses moyens et ses prestiges pour réduire leur nostalgie, voilà qui sauve la littérature, lui rend sa force, s... >Voir plus
Que lire après Ma poésie comme biographieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Permettez-moi de sous-traiter parfois. Octavian Soviany a qui je laisse ici le champ libre de toute occupation illicite, est souvent membre de jurys pour des prix littéraires, alors sagesse debout : "Le refus de textualiser sera dans de tels poèmes solidaire d'une occultation de la mémoire, qui est à son tour un dépôt de traces, il revêt le caractère d'un livre où l'on enferme historiquement le passé, mais constitue en même temps un univers carcéral isomorphe à la casemate de papier de l'écriture. Parcourir ce musée du passé et ses souvenirs momifiés confère à la poésie de Valentin Dolfi les volutes d'une oppressante mélancolie, qui constitue probablement la particularité de ce poète qui semble interpréter la partition du textualisme désabusé, érodé par le mal de la tristesse et de la fatigue. (Octavian Soviany, Lecția de melancolie [La leçon de mélancolie], dans Luceafărul [L'étoile du berger, nouvelle série], n° 22, juin 2000)
Commenter  J’apprécie          270
Ma poésie comme biographie - Valentin Dolfi.

Tout d'abord je remercie Tanderica (Gabrielle Danoux) de m'avoir permis d'aborder Valentin Dolfi, un poète roumain contemporain, né en 1961 qui vit dans la ville thermale de Băile Govora où il est bibliothécaire et dont elle est la traductrice.
En réalité ce recueil est intitulé « Photos de famille », rebaptisé par la traductrice avec l'accord de l'auteur « Ma poésie comme biographie » et s'inscrit dans une anthologie « La nature éphémère des choses » . le recueil se décline en plusieurs moments : « Casamate de papier », « Le monde de plâtre », « La vie de carton-pâte », « L'anthologie de la petite ville de Băile Govora ». le titre général de ce recueil indique assez clairement que l'auteur va parler de lui, de sa vie, de sa mémoire.
Aborder un écrivain étranger est toujours une aventure surtout si cette découverte se fait par le biais de l'écriture poétique, différente de celle du roman. La poésie n'est jamais aussi appréciée que lorsqu'elle se lit à haute voix mais ici je diviserai ce recueil en deux parties inégales. Dans les trois premiers chapitres, les mots sont un peu saccadés comme les images de rue qui se succèdent devant les yeux de celui qui écrit, des clichés du quotidien qui réveillent son enfance, ses rêves d'ailleurs et ses folies ou simplement s'imposent par leur banalité quotidienne. L'écriture est hachée, avec des inversions, des répétitions sans ponctuation, des expressions et des mots étrangers, ce qui ne facilite pas la lecture et on perd souvent en émotion. Il y a la fascination de l'Amérique ou de la France, c'est à dire de l'ailleurs que les événements, le destin où je ne sais quoi ont fait avorter, celle de l'amour qui donne l'illusion de la jeunesse et de la liberté mais n'enfante que la solitude déprimante face à la silhouette d'une femme en allée. Les mots qu'on emprisonne sur le papier, parce qu'ils doivent sortir pour fixer l'instant ou libérer l'âme grâce à son pouvoir cathartique, restent morts même face aux volutes bleues de la fumée d'une cigarette ou le farniente d'une bière sirotée à une terrasse de bistrot. Écrire est un accouchement douloureux et se heurte parfois à l'indifférence d'autrui, mais ceux qui ont choisi d'écrire le font quand d'autres préfèrent invoquer Dieu, verser des larmes ou boire de l‘alcool.

Dans ces trois parties j‘ai senti l'auteur perdu dans ce monde, qu'il ait la couleur d'une grande ville ou le microcosme d'une maison, malgré la présence d'une mystérieuse Mme Fisher, j'ai senti l'omniprésence de l'ennui et du dérisoire quotidiens, « une vie de carton pâte », celle du travail chaque jour recommencé, sans intérêt, sans amour et avec des souvenirs qui la pourrissent tous les jours un peu plus. L'écriture ne parvient pas toujours à l'apprivoiser comme elle n'apprivoise pas davantage la vie ordinaire en général ni la mort, simple événement qui en marque la fin, sonne comme une sorte de délivrance, le terme d'une existence sans joie et souvent dans la souffrance, face à un Dieu absent, inutilement invoqué et qui restera toujours mystérieusement silencieux, comme un leurre. Un abandon, une déréliction que ni le travail ni l'écriture ne suffisent pas à exorciser, parce que les mots ne pèsent rien.

En revanche j‘ai beaucoup plus apprécié la dernière partie consacrée à la ville de Băile Govora parce que l'auteur y parle des autres, des petites gens qui vivent comme ils le peuvent et se battent pour survivre ne trouvant leur salut que dans l'abnégation, le travail dur et ingrat ou l'alcool. La vie s'interrompt vite ou perdure dans la souffrance ou dans l'injustice de la maladie et la trahison des autres, toute chose que Dieu, ou l'idée qu'on s'en fait, ne suffit pas à adoucir. Ces moments délétères ainsi évoqués se conjuguent avec l'histoire de la Roumanie, l'arrivée des communistes, la dictature de Ceausescu et la cruauté de ceux à qui on croyait pouvoir faire confiance. Ces petits, ces sans grade, meurent ne laissant rien derrière eux que la désolation et le malheur et leur passage sur terre se dissout dans l'oubli ou dans un souvenir douloureux.

Commenter  J’apprécie          70
Je continue ma découverte de la poésie roumaine, cette fois-ci « Ma poésie comme biographie » de Valentin Dolfi, un poète roumain contemporain.
Dans la préface, j'ai appris que ce recueil est une anthologie qui portait un autre titre « La Nature éphémère des choses ».
Il est composé de quatre parties : La casemate de papier, le monde de plâtre, la vie de carton-pâte, l'anthologie de la petite ville de Baile Govora (ville dont est originaire l'auteur).
Tout d'abord, j'ai été frappé par le style de l'auteur qui est très personnel : Pas de rimes, pas ponctuation, des inversions sujet- verbe, et juste des vers libres qui découpent au sécateur les phrases écrites, parfois en plein milieu, j'aurais dit avec hasard, si ce n'est que l'auteur l'a mûrement réfléchi.
La poésie de Valentin Dolfi est pour moi, âpre, dure, tranchante. Elle a un tempo saccadé.
Moi qui aime lire parfois à voix haute la poésie pour écouter la mélodie des mots - car il s'agit après tout d'un art oral – j'ai eu beaucoup de mal à m'acclimater à son style.
De plus, il utilise parfois des termes américains directement, cela ne m'a pas gêné, mais je conçois que ça peut décontenancer les lecteurs qui ne sont pas habitués à la langue de Shakespeare. Cela fait directement référence à une période de sa vie où il a émigré aux USA, et où il travaillait pour une mystérieuse Madame Fisher (si je ne me trompe pas).
Malgré ce style qui peut casser l'émotion des textes, j'y ai décelé pas mal de mélancolie, de tristesse – souvent noyée dans l'alcool - face au monde qui l'entoure dans cette Roumanie communiste ou post-communiste, de solitude mais aussi d'autodérision, d'ironie par rapport aux petits poèmes qu'il écrit et emprisonne dans la casemate de papier, et dont les gens qui l'entourent font peu de cas.
La mort y est omniprésente surtout dans la dernière partie qui fait la part belle aux gens du commun ( et pas que - voire le poème « Les chiens vagabonds de la petite ville n'ont pas » ), qui ont habité la petite ville dont il est le bibliothécaire.
Les textes en général décrivent des situations de tous les jours, banales, insignifiantes, que l'auteur tente de sublimer avec ce style original et ancré jusqu'au bout dans le réel.
Voilà, je ne sais si j'ai réussi à décrire ce recueil, dont la lecture reste une expérience mitigée pour moi, mais néanmoins enrichissante.
Commenter  J’apprécie          90
Un sympathique recueil de poésie roumaine, dont l'auteur vit dans la petite ville de Băile Govora. Au fond, la sympathie doit s'entendre surtout au sens de "compassion", comme un anglicisme bienvenu puisque Valentin Dolfi ne se prive pas de références américaines. Nombre de poèmes sont en effet consacrés aux moins que rien, aux oubliés quelque part au fin fond de la Roumanie et le poète semble se considérer comme un des leurs. Parmi eux : Judi la simple d'esprit, l'ancien maire déchu, le prêtre décédé, Prunicel le hamster ou les chiens errants, "godforsaken place" (endroit abandonné de Dieu) pour tous. Même le couple ne préserve pas de cette solitude: comme chez Carson McCullers, qu'il mentionne en passant, le coeur est hypothéqué.
Commenter  J’apprécie          150
Merci une fois encore (je me répète) à Gabrielle Danoux pour la découverte de ce livre prenant, surprenant, déroutant, simple te complexe à la fois. La poésie de Dolfi (comme biographie) nous plonge au coeur d'une introspection alliant intime et universel. le poète conjugue une prose sociale à une ironie penchant tantôt vers la mélancolie, tantôt vers la désillusion, pour encore nous surprendre dans des illuminations des plus singulières. le phrasé syncopé, par ces césures particulières, invite à l'oralisation, à l'arrêt sur image en cours. Tout est encours, en mouvement, très bien rythmé, maîtrisé et mené. Parfois portraitiste, paysagiste ou encore quidam bavardant avec le monde, l'artiste nous mène au détour des coins de vies les plus simples et néanmoins gorgés de richesses. L'être humain est au centre du propos et non à la marge. Belle découverte.
Commenter  J’apprécie          120

Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Les vers de Valentin Dolfi réitèrent un même parcours circulaire, dont les coordonnées, la mémoire et l’observation détachée de la merveilleuse vie se rejoignent au même point, le texte recevant de la part de l’auteur le traitement d’un individu blasé, qui manque totalement de confiance soit en sa vocation de poète, soit en la capacité salutaire de l’acte poétique.
Le monde de plâtre, ce dernier opus de Valentin Dolfi, semble transpercé en son propre centre de gravité, par un fil tranchant, schizogène : d’un côté nous retrouvons les données issues du souvenir, la plupart du temps traitées avec la froideur ludique de l’élève qui se désintéresse de la matière (conscient néanmoins de ses dons), de l’autre côté nous attend un regard de l’homme récent tourné vers les hommes ayant vécu dans un passé récent, zones assombries, comme l’écrit Octavian Soviany aussi, par une mélancolie tout en retenue.
Hésitant entre l’absurde d’une réalité observée attentivement et avec détachement et la douleur bien réelle (et sublimée) qui surgit d’une zone intimement protégée de la mémoire, la poésie de Valentin Dolfi devient un édifice extrêmement fragile, que heurtent de toutes parts les intempéries de la mode littéraire, le goût de plus en plus diffus du public (mais, je me demande, au fond, quel public ?), mais aussi l’inconstance et l’inattention de l’auteur. Nous avons affaire à un de ces auteurs appartenant à une échelle des valeurs pas encore clarifiée, aussi bizarre qu’un OVNI qui atterrit au Parlement ougandais (si ça existe).
 
(Bogdan-Alexandru Stănescu, Wagner are vaci [Wagner a des vaches], dans Adevărul literar & artistic [La vérité littéraire et artistique], n° 806, 18 février 2006)
 
Commenter  J’apprécie          50
Alexandra croit je crois

Ce que Dieu aime le plus ce sont les animaux

croit Alexandra car ils sont doux

et beaux et inoffensifs beaucoup

de gens prennent un animal de compagnie contre

l'ennui aux vieux jours et pour cette raison

notre chatte Misa n'a rien eu quand

elle est tombée du quatrième étage sur la plateforme en béton

du premier étage on l'a juste trouvée un peu barbouillée

et effrayée sous l'escalier ce que Dieu

aime le plus ce sont les animaux croit
Alexandra je crois

que ce que Dieu aime le plus ce sont les
chiens

tant il a laissé d'ossements ici bas sur terre
chiens

* lire le commentaire
Commenter  J’apprécie          141
Papa dit Alexandra la demoiselle pour les maths
nous a gardés durant tout le cours debout à cause d’un camarade
qui était en retard nous avons écrit penchés au-dessus des bancs
à cause de cela l’écriture est désordonnée
et les lettres la tête à l’envers ne me
gronde pas tu sais que d’habitude j’écris bien
à l’armée pareil on nous punissait
à cause d’un seul qui n’avait pas bien nettoyé
son arme ou qui ne s’était pas rasé on était tous
de corvée à la popote ou à la porcherie quand venait
le lieutenant devant le peloton on prenait la pose
de salut avec ses bottes noires lustrées
il nous disait que peut-être il aurait pitié de nous
Dieu et que le service militaire s’achèverait
mais si on se rencontrait une seconde fois dans cette vie
nombre d’entre nous pleureraient dès
le lendemain est mort un des nôtres il s’est fusillé en
service par erreur ou parce qu’il le voulait bien
comme de jeunes gens nous nous sommes cachés
notre douleur comme de jeunes gens nous avons accourus
aux douches pour pleurer à gorge déployée en serrant les poings

(Une seconde fois dans cette vie, p. 47)
Commenter  J’apprécie          70
Tiens me suis-je dit

Père est mort aujourd’hui six octobre au matin
c’est Mioara du troisième qui a sonné à la porte et a
dit tiens il est mort le père de Valentin qu’il parte
de suite à Vâlcea quand je suis arrivé je l’ai trouvé
allongé sur le lit habillé en costume
tout neuf comme les chaussures longtemps je l’ai regardé
j’ai boutonné sa chemise je lui ai mis
un petit miroir dans la poche de poitrine
dans la vitrine il conservait une bouteille de whiskey
qu’il n’a jamais voulu ouvrir j’ai pris
un verre j’ai bu j’ai pleuré longtemps au cimetière
j’ai redressé les couronnes et les fleurs j’ai touché la croix
de ma propre main tiens me suis-je dit ainsi s’achève de
mon père la vie Dolfi A. Valentin soixante-quatre
ans c’est ainsi que commence la mort avec les premières mottes
de terre qui s’abattent sur le cercueil

(p. 57)
Commenter  J’apprécie          90
Un grand poète

Que fais-tu au juste voyons voir dit Mihaela
trois heures de télévision tu t’affaires
dans la bibliothèque trois heures tu lis et voilà
ton temps qui passe quand tu ne peux plus écrire
tu as l’air d’une mite raidie par le froid sur le cadre
de la fenêtre et tu n’es même pas un grand poète
tu as les yeux aqueux et vides tu as encore bu que vais-je
faire de toi que vais-je dire à tes parents
les pauvres ils sont si âgés personne n’en prend soin
dans cet état personne ne leur demande
s’ils ont mangé un bout bientôt ils mourront et toi
si indifférent tu ne vois pas que notre fille
a grandi tu ne vois pas qu’elle porte une mini-jupe aujourd’hui
et voilà comme ta vie s’en va et tu n’es même
pas un grand poète comme Nichita Stănescu

(p. 41)
Commenter  J’apprécie          70

autres livres classés : littérature roumaineVoir plus


Lecteurs (10) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1223 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..