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EAN : 9782020960724
112 pages
Seuil (11/10/2007)
5/5   2 notes
Résumé :
Abadôn, dans le livre de Job, c'est la perdition, l'égarement.
Egaré : sur une île, un quai, dans une ville, une chambre d'hôpital. L'espace a toujours des murs envahis de lierre, celui de l'enfance persistante, parasite, il a toujours la mer, qui lui donne ses proportions, ses chiffres et ses rythmes.
L'égarement n'a pas d'île, de ville ni de quai, ni de chambre, mais une écriture qui se gagne sur la nuit et dans la nuit, avec le corps, sa fatigue son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
poésie, paragraphes pleins de souffle - beauté des mots, de leur choix, des phrases – douleur, éclaircies d'amour souffrant, pluie, mer, tendresse, lumière, force.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
île du Passeur,

délaissée dans ses plaies, son sable noir, ses tessons d’argile – ses marmites d’enfer – ses brûlis et cendres : libations de chasse, bois fossile, colliers de verre et d’ambre – vieux feux de camp – barre à longue houle – et la coque ivoire doux d’un navire qui s’envole – lui troue le dos – le temps et le vent couchent l’île au ras de l’eau

je pourrais te dire, quand fleuve est à nuit froide chargé de sable, quand fleuve roule rocs, cascades, sur les basaltes en amont de son cours, comme sa gloire est grande, l’île : cargo croisant chalut dans le détroit de Skagerrak, et le vent nous accompagne,

il feuillette un jeu d’images sans légendes,

qui dépasse de ta poche

lits de tôle sur les parkings de la terre promise – ce bleu lavé de larmes, que nous cherchions dans le visage des maisons – les quais tombaient de givre et la fatigue laissait en suspens, dans les landes à pins, je ne sais quelle substance – rêve, subjectivité blessée qui faisait masque, où la vie se figeait : un trois-mâts de carton frappait à ma porte, la nuit

sur quelle île, lumière ne sépare ni ne blesse – on y va les yeux fermés : cimes chavirées de merles toutes plumes dehors, fuyant au large, des cerises il en pleuvait, des pétales de prunier sur la dunette, où étais-tu, toi,

quand s’effondraient les corniches de neige – dans quelle escale de baleiniers, dans quel poste militaire – où es-tu quand sous le cuir se cambre ce qui a froid

reins souples, trapèze nu, raidi pour nos ciels d’acrobates – boucle de cheveux spiralée sur l’index – grands yeux mauves des marais – distraitement pour dire : mer belle, calme plat – un filet de rhum dans la fente et le souvenir forcit, donne de la bande où le phrasé le plus triste nous coule, toi et moi dans notre creux de vague,

où des lézards fuient au nez des chats,

le linge sec n’est pas rentré, les fruits se perdent, les volets battent – rien ne fait mal, tout pèse –

plages soulevées, au pied des grandes cannelures de glace- montée dans les lombes, spasmodique, de la mer : les troncs armés de fer se fendent, le trottoir ondule dans son fourreau noir, entre les rives éboulées on peut voir des eaux luisantes, l’aube, des phoques sur les plages de galets, un îlot mort coiffé d’algues et de rocelle, et ces gouffres, là, qui parsèment le causse

je me souviens d’un pic de gneiss noir,

avec ses yeux de feldspath écrasé,

noirs comme à Skagen, à Miquelon, et de ces grands corbeaux qui en faisaient leur refuge, ô divagations de Loire !… et nous lisions l’avenir toujours lisse, toujours clair, dans des alluvions très anciennes

nous aimions,

nous planions comme des rapaces, nous fondions du haut des airs,

nous aimions cette pulpe déchirée ce sang aux lèvres cette becquée de chair,

bouche à plaisir criait silencieusement mordant le poing – dans ces langues étranges, rauques – criblées de glace

nous aimions l’amour,

du mot amour les résurgences : je le guettais à tel trou d’eau et le pêchais à la main, le recomposais dans la multitude de ses tropes, de ses arguments, de ses variations – si bruissant de chants, son feuillage de mots – puis le rendais au fleuve : déjà, les crues océaniques avaient noyé des tertres que l’on croyait insubmersibles – un foulard rouge claquait dans les fougères maigres, les vagues étaient du soir, écumeuses, désordonnées –

l’eau qui façonne les berges,

travaille aussi les grands bancs du souvenir, les dissout,

mais la mer revient toujours, nuages tassés dans les fonds réglant la course des ombres, et ces ligneux bas que nous foulions dans les îles, puis les pelouses, les glaces, nous allions à cet âge les mains vides, la peau s’enflammait au seul contact d’un nom

taraudés dans les hauts les paysages s’inclinent,

septième arche sous le pont, la mémoire passe, puis s’arrête dans un bras mort : une prairie humide et son ciel bas, sur la froide pelure de sphaignes, la peau de renne étendue, les cheveux blonds échappés du foulard, et nos caboches de bronze, résonnant de poèmes du froid

Servägen : cette odeur forte d’ambroisie sur le sable, quand le nez s’y perd le soir, au balancement de la marée,

le visage alors on le voit blanc dans l’écrin silencieux d’un hiver unique, étiré, lissé vers l’arrière par les vents et grain à grain fuyant sur le fond pâle de plus en plus blanc et c’en est à crier quand il ne reste que du froid ce blanc qui s’écaille et tombe : Dyrnesvägen, Folda

je le trouve je le perds, le visage, à l’aube sous l’arche,

la mort discrète collant aux ailes barbelées, aux poussières – loess des déserts froids – qui mitraillent le corps en équilibre,

au-dessus d’un sommeil à clous,

alourdi de crachin,

ciel de câbles, de gouttières et d’avant-toits,

Loire qui engloutit image par image, dans le charroi de ses cuivres, de ses trains emmêlés de racines et de branches dans le goulet sous l’arche,

le visage –

et l’on voit son double, basculer dans le déversoir,

plonger dans l’écume,

le déversoir c’est beau, ces années atomisées contre la pile,

le pan de berge qui se disloque,

corps usé, menacé par l’affaissement des terres, l’émoussement des paroles,

depuis l’enfance gelée au débouché du fleuve,

jusqu’à ce jour de plus sur les dalles sonores dans l’éternité de la salle d’attente, sous le pont –

roches grenues des grands arcs insulaires, toujours rêvées avec leurs noms,

grès bigarrés, calcaires à coquilles : ce sel, que nous détachions de l’ongle,

Loire appelle –

frimas de corps très larges et très hostiles, visitant chaque nuit à coups de poings et de dents leurs rejetons haïs,

l’attente alors, sur le miroir de marbre, résonne comme une salle de bal que Loire martèle de ses cadences de débâcle,

battements, déboulés –

loin, ces échappées de toute rive sur pointes de vagues –

temps à oeil fixe : hier avec aujourd’hui froissés, roulés en boule, jetés, paquet d’éphémère brisé, brindilles et tigelles, rue de la Serpe, rue du Change,

petit jour sur Loire et nuit nordique inextricables, tombés du voyage au premier cahot de la route,

neige truquée –

l’eau, elle a un corps qu’un rien habille
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et tes mains s’ouvrent, cueillent, caressent, dénombrent, et par-dessus les tombeaux des hommes, la lune avance libre, l’aube rouge brûle dans ta gorge avec ce reste de souffle tant râpeux, tant sifflant, et tu vas, le corps lourdement chargé des sacrifiés, leur vie, leur moment, leur soleil, leurs chants, reposant désormais en ta maigreur de spectre, et tu seras celui qui vient, et ta parole-silex éventrera le temps, et sa bourre de honte lavée à grande eau, en pleine lumière, retombera dans les mains de la mort, y fera lit de plumes, ils dormiront enfin les aimés, ils dormiront

et ce légendaire de la mer que la mer me commande, ma tâche, il repose mort-né sur mes paupières closes mais si je lui parle, si je le réchauffe il vit, il entraîne la mer dans la patience obscure de ses propres fonds et lui chante ses origines, de l’étincelle comprimée dans la coquille de noix à ce grand corps sans décence sous les assauts du ciel…
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la petite se penche et fixe sans la voir, au bas du mur, l’ombre de la fenêtre, elle s’agite, puis se cale dans l’angle, les mains fermées sur ses pieds nus, elle voudrait parler mais balance, au bord du vide, et peu à peu la parole vient, et bientôt le silence tout autour se condense, se rassemble en un mur que l’on pourrait toucher, avec des brèches, durement, sèchement scindées par des claquements de portes
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ils sont chair, souffle, nés mais jamais au monde, perdus sans retour dans la déraison de leur propre beauté, délices, lieux vertigineux de toutes mes peines et pourtant, ces rehauts bleus sous le front de lumière, force est que je les suive, et l’eau lustrale dans la nacre où je me vois, me fais face, où croit, balbutiante et chiffonnée, sauvage, flottant sans racines, oraculaire et pourpre entre les pierres, la parole vouée à la connaissance de la mort, force est que j’y plonge, mais un mot de toi et fumée au vent, poussière, aussitôt me dénouerai me déferai sans bruit, car je suis l’entre-deux, le bâtard dans le cône d’ombre, hors du champ de tes regards le vide, plus rien.
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Vivre ne suffit pas
Il faut le poème
Ce silence de la pierre duveteuse
Sucre dans le monde du Nord
Pépiement d’oiseau nu
Sur la croûte nivale qui fond
Percée d’infini sur une mer de granit

Jean Désy
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