Je pénètre dans l'étroit couloir de verdure du jardin romain. A ma droite comme à ma gauche, une haie verticale prévient ma fuite. Je ne peux qu'avancer. Savoir sur quoi va déboucher l'étrange chemin sans horizon...
(...) L'agacement survient. Privée de but. Livrée à l'aléatoire. Obligée d'avancer par le simple espoir de sortir et par une nécessité interne, mystérieuse, je me livre à un étrange pèlerinage : un de ces parcours inutiles, tout à fait gratuit et pourtant libérateur, dont le sens n'existe que dans et par sa réalisation physique. Une sorte de parcours élémentaire, dont les traces se trouvent peut-être dans notre mentalité primitive -- ou dans le devenir de notre évolution, pourquoi pas ? Un parcours éprouvant, certes, en ce qu'il nous boute hors de nos habitudes, en ce qu'il nous livre à l'inconnu sans réconfort ni perspective et met en question notre courage, donc nos peurs intimes, viscérales, nos paniques. Ainsi en est-il de cette belle et mystérieuse fantaisie architecturale qu'est le labyrinthe de jardin. p 19-20
Le jardin de la Renaissance italienne est un tout, soigneusement conçu et construit, fruit d'une pensée architecturale, décorative et réflexive, exacte correspondance d'un projet philosophique très ambitieux et sage. Il devient sous Cosme l'Ancien, et plus encore sous Laurent de Médicis, l'écrin et le refuge des rencontres entre humanistes : un lieu de repos pour le corps, d'enseignements et de débats savants pour l'esprit. Architecture à part entière, quoique son matériau soit d'herbes et de bois, le jardin est réglé selon les mathématiques et les lois de la perspective nouvellement découvertes en peinture. Il est la projection d'une géographie mentale où toute la culture des siècles passés doit pouvoir être représentée. p 80-81
Fugue romaine, d'Edith de La Héronnière