ANGELA DAVIS - eternelle insoumise

L'ouvrage sera à classée dans les biographies pour ados.
Certains récits de cette collection " Elles ont osé" pourront se montrer plus romancés que celui-ci dans l'écriture, nous aurons plutôt le sentiment au début de respecter la distance documentaire des faits avec Marie-France Ehret.
Mais le rythme changera le ton avec la fuite d'Angela.
L'auteure recontextualisera le combat d'Angela Davis et décortiquera ses motivations.

Davis est une figure de défense majeure des droits civiques du peuple noir américain depuis l'abolition de l'esclavage.
Depuis les générations des arrière-grands-parents esclaves, on se transmettait désormait les cartes de membre à des groupes de défenses anti-racisme.
Il y aura la Loi et puis à côté une tolérance consensuelle aux vieilles habitudes traditionnelles car "un bon noir est noir qui obéit ou alors pendu à un arbre", l'inégalité sera une hérésie sociale, un bouleversement aussi ridicule que de clamer l'égalité des classes sociales à l'époque de la Révolution française.

Angela Davis faisait partie du groupe d'activiste des " Black Panthers". Il y avait la manière pacifique, comme celle de Martin Luther King, qui fut assassiné pour cela et la manière brutale pour faire respecter ses droits, parfois même à la hauteur de terroristes comprendrons-nous ici, puisque l'Amérique, selon eux, se montrera sourde et tout aussi brutale pour une partie.
Le récit ne cherchera pas à faire l'apologie de la violence ni du terrorisme, il tentera d'expliquer un jeu de pouvoir terrible qui rendra la promotion des justes valeurs du bien très floue.
L'Amérique semblait vivre un temps compliqué pour maintenir sa grandeur internationale, sa cohésion nationale, un temps historique de confusion, de division et de grande paranoïa. Elle ressortait de sa guerre froide contre les russes et du sentiment anti-communiste du maccartysme des années 50 ( du sénateur Mac Carthy). Les citoyens suspectés de communisme étaient aussi accusés par définition de traitrise et d'espionner pour le compte des russes.
Les Black Panthers se définissait comme un groupe de défense sociale communiste.
On ne l'aurait pas vu ainsi mais cela rajoute à la mauvaise réputation du moment.

Le récit nous parlera de tout un travail de l'ombre des services secrets américains pour maintenir l'ordre, pour protéger la sécurité nationale et éliminer les troubles au besoin. Les actions du FBI ne pourront plus être un secret trop longtemps suivant les incartades de leurs chefs de bureau trop zélés, avec le temps et le journalisme.
Qui est l'ennemi de l'Amérique du moment?
Le pays semblera sortir d'un immense bourbier avec ses rêves d'élévation sociales, avec la promotion d'égalités qui devrait redistribuer les chances du nouveau rêve américain.
On nous apprendra que l'ancienne professeure d'université Angela Davis avait rejoint les" Black Panthers" pendant les années 60 après qu'une église "noire" soit pulvérisée par une bombe avec trois de ses amies à l'intérieur.
L'impunité envers les actions de pendaison libre du Ku-Klux-Klan et l'association indirecte de certaines forces de l'ordre partisane déclenchera sans doute une loi du Talion horrible. le mal par le mal.
La loi n'est pas de leur côté penseront-ils.
Combien d'innocents devront servir de victimes pour qu'une prise de conscience simple s'établisse?

Au moment où démarre la biographie, nous irons directement à l'essentiel: Angela est en cavale, accusée de complicité de crimes et le texte reviendra sur les faits. Et ils sont étonnants, ils ne plaideront pas en la faveur de la justice que nous fantasmons.
L'immense coiffure afro d'Angela Davis sera mémorable du personnage mais aussi un poing levé pour l'époque.
Nous renvoyons à cet article intéressant sur le sens symbolique de la coiffure afro.
Quand l'esthétique d'une coiffure se lance dans la politique.
https://www.mo.be/fr/analyse/les-cheveux-africains-un-symbole-politique

Cette entrée en matière sera fulgurante, nous faisant dresser l'oreille attentive et la conservant avec intérêt pour la suite du portrait, un nouvel angle de ce personnage si riche de représentation, cette fois sur sa lutte féministe.
Que reste t-il de chances de vivre un rêve américain pour des Angela Davis à cette époque, lorsque l'on est une femme, noire et communiste?
Angela Davis fera aussi son coming out en 1998.

Le récit aura cette force, de démontrer que même si l'on nait au mauvais endroit, à la mauvaise époque, ce que l'on est n'est pas un handicap mais c'est la représentation honorable d'une diversité, la richesse même d'une culture.
Il n'y aura pas un droit automatique par la naissance pour les grandes valeurs humaines.
On ne nait pas juste, on le devient.
Les ados comprendront que toutes ces générations de citoyens, traités en sous-citoyens, suivront courageusement en Amérique celles qui pensaient "qu'on ne naissait pas libre en étant noir" mais hélas devront encore se résigner à penser que l'"on ne nait toujours pas libre, on le devient".
Un roman historique aux multiples entrées.