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Gilles Moraton (Traducteur)
EAN : 9782862314099
128 pages
Maurice Nadeau (03/03/2022)
4.38/5   4 notes
Résumé :
C’est un magasin d’antiquités où la plupart des objets ne sont pas à vendre. Ils composent la collection privée du père, qui monte la garde et les protège, jalousement, dans son fauteuil Shériff. Un fatras de phonographes et de boîtes à musique, de vitrines aux merveilles et de logos publicitaires au milieu duquel le fils cherche le chemin de sa vie. Cette collection privée, c’est aussi celle du fils, son Valparaiso choyé amoureusement, les réminiscences qui surgiss... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Une des rares choses que mes parents avaient en commun, je l'avais découverte dans ma jeunesse, et j'en avais honte : ils avaient voté « Oui » au référendum de 1988. C'est-à-dire qu'ils voulaient que Pinochet reste au pouvoir et que le Chili ne devienne pas un pays démocratique» , voici le ton de ce petit livre , premier roman d'un écrivain chilien qui se raconte dans un style d'écriture sec et sans effets , ton détaché teinté d'humour ( j'adore 😊), rappelant les livres du chilien Diego Zuniga et péruvien Martin Mucha.
Partant du magasin d'antiquités du père, un passionné plus intéressé à acheter qu'à vendre, mixant autofiction et biographie Gonzalo Eltesch nous raconte sa propre famille et sa ville dans l'ambiance du Valparaiso de son enfance, « un Valparaíso enfermé dans un magasin de ventes d'antiquités. Mon Valparaíso à moi, comme une collection privée ». Il y insère aussi sa propre histoire d'amour douteuse, sans queue ni tête 😊 noyée dans ces souvenirs souvent amers, marqués par la séparation des parents, les tensions familiales, la maladie de la grand-mère et , étrange, un frère qui brille par son abscence.
Un récit léger uniquement d'aspect où les déceptions et l'amertume disparaissent souvent sous le style simple d'une ironie croustillante, « Que deviendrait cette histoire racontée par mon père ? Ou par ma mère ? Ou par ma grand-mère ? Ou par mon frère, qui n'existe pas ici ? Ce serait aussi une trahison ? ». Pourtant l'humour n'arrive pas à tout ensevelir, « Cacher les sentiments, les manques, la personnalité, et la maquiller de style, de fragments de style. Parler et ne pas parler de la douleur de voir mes parents prendre leurs distances, d'arriver dans une ville différente où mes parents ne m'aiment pas comme j'aimerais qu'ils m'aiment, de me voir moi-même, alors, comme l'enfant que je fus et que je ne voulais pas être, comme quelqu'un qui ne peut pas être aimé et qui n'a pas non plus la moindre idée de la façon d'aimer. »
Brillant ! Vive la littérature sud-américaine et sorry Bison 😁!


« D'un âge éternel, sans jamais d'âge heureux »
Gabriele Mistral
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Le bateau fit escale à Valparaiso. Descendu sur la jetée, je me retrouve à errer dans ses rues poussiéreuses à la recherche d'un bar capable d'étancher ma soif. le soleil brûle le sel qui ronge ma barbe et ma peau. Je cherche l'ombre sous les arbres, allant dans les ruelles les plus étroites afin de m'abriter et de la chaleur et du vent. C'est ainsi au détour d'un labyrinthe de rues sans vie que je trouve un magasin d'antiquité à la devanture intrigante. "Collection Privée" est peint sur la vitrine, je pousse la porte m'attendant à voir un vieux loup de mer échoué du Cap Horn.

Mais non, c'est le fils qui m'accueille, c'était bien la boutique du vieux par contre.

Et voilà donc qu'il me raconte son histoire, celle de son père, celle de sa mère, celle de leur séparation, celle de la boutique et de ces dimanches passés là-bas... Celle surtout de son premier roman où j'apprends que son père est mort, que sa mère est morte... Mais sans être triste, je crois comprendre qu'ils ne sont pas vraiment morts, ils sont simplement devenus des personnages de romans et dans ce roman, ils doivent être morts. Ce père et cette mère qui ont voté OUI au referendum de 1988 pour que Pinochet reste au pouvoir et donc que le Chili ne devienne pas une démocratie...

Le fils de l'antiquaire de Valparaiso mêle donc des pensées comme des haïkus, des souvenirs comme des moments de poésie, comme des instants de mélancolie, un retour vers son enfance, peut-être même imaginée. L'auteur et le narrateur se mélangent subrepticement et je navigue entre le vécu et la fiction de cet homme perdu dans la poussière des traces de son passé. D'une belle originalité. Si je devais échoué à Valparaiso, j'aurais pris ce bouquin à la couverture blanche dans la poche pour pouvoir le sortir à la terrasse d'un bar autour d'un verre de vin blanc chilien. Je m'enivrerai de ses mots, en sentant le parfum des embruns, en regardant de quelle coté coule la lune bleue...
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Le roman de Gonzalo Eltesch a une forme et un rythme particuliers, reflets des histoires qu'il raconte. le livre pourrait faire penser à un recueil de poésie, une succession de textes plus ou moins courts tissant une thématique précise (une famille qui se sépare dans le Chili de la deuxième moitié du XXe siècle) sans établir de chronologie cadrée. Les espaces vides entre chaque texte, les hauts et bas de pages, permettent de passer d'un univers à l'autre, d'une voix à l'autre. Ce livre est une histoire à deux voix : celle d'un auteur et celle d'un personnage. le premier a créé le second, en lui donnant une part de sa vérité. Sur la page de gauche, l'auteur parle de son projet littéraire, du traitement qu'il veut utiliser pour parler de sa famille. Sur la page de droite, nous lisons le roman en question. On explore ainsi le Chili de cette époque, la présence de Pinochet, les conséquences d'une propagande sur une certaine génération et le décalage qui existe avec les suivantes. On est au coeur de trajets entre le réel et l'imaginaire, entre la vérité et le mensonge. La distance émotionnelle et relationnelle se fait sentir.
Par les deux voix, on ressent l'isolement, plus que la solitude même de cet homme. Ses parents sont loin d'une certaine réalité, prenant fait et cause pour Pinochet pour des raisons inconnues, peut-être juste une habitude, un embrigadement intellectuel. L'auteur, bien qu'il soit avec une femme proche de lui, est seul aussi. le roman est vide d'amour, de possibilité d'amour. Les personnages se résignent à cela sauf l'auteur qui use du mensonge pour combler les souvenirs. Il change des détails, des identités ou fait mourir ses proches avec facilité. La femme le met face à cette liberté de création.
Le mouvement à deux voix installe rapidement une mélodie, faite de tendresse et d'une profonde intimité. Ce roman semble avoir été écrit en chuchotant, d'une voix douce au creux de l'oreille en pleine nuit. Il est raconté à la première personne et derrière ce « je », on y voit l'auteur, son personnage et d'une certaine manière, l'héritage reçu du père. Celui-ci est une figure complexe qui agit comme un aimant sur le fils. Parfois il l'attire, parfois il le repousse. Cette relation est faite de vérité, de sincérité, de mensonges, d'arrangements avec les souvenirs. C'est aussi le reflet d'hommes perdus.
Lien : https://tourneurdepages.word..
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Le narrateur est de retour dans sa ville natale de Valparaiso dans laquelle il effectue une sorte de pèlerinage. Ses souvenirs, réels ou fantasmés, se ravivent et remontent à la surface. Il se souvient du magasin d'antiquités de son père et de sa « collection privée » d'objets glanés ci et là sur les brocantes le dimanche matin. Il parcourt les rues et les quartiers de cette ville dans laquelle il a vécu et qu'il parcourt désormais en tant que touriste, partage avec le lecteur des anecdotes où Neruda et Pinochet s'entrecroisent. On se laisse volontiers guider au gré des chapitres déstructurés, qui se suivent mais ne se ressemblent pas, et on découvre une facette, très intime, de cette famille chilienne pas tout à fait comme les autres.
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magnifique découverte de ce premier roman traduit en français de cet écrivain chilien gonzalo eltesch né en 1981 à Valparaiso, membre de la liste Bogota 39 qui rassemble les plus importants écrivains sud-américains de moins de 39 ans"
très original tant dans la construction et le déroulé de l'histoire que dans l'écriture
cet ouvrage édité chez Maurice Nadeau s'inscrit dans la collection A vif dirigée par delphine chaume
bravo et merci
nous attendrons son prochain écrit avec impatience
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critiques presse (1)
LeMonde
04 mai 2022
Cet inventaire sensible est aussi le récit d’une vie d’enfant unique, ébréchée par la séparation de ses parents et par la douleur d’un père, resté inconsolable. Gonzalo Eltesch émeut dans sa tentative affectueuse d’en faire des personnages de roman, sans se résoudre à les embaumer par la littérature.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Un jour j’ai rêvé de ma grand-mère. Je lisais à côté de son lit et soudain elle a commencé à émettre des sons. Je l’ai observée et j’ai compris qu’après tant d’années, elle allait enfin me parler. J’ai approché mon oreille de sa bouche et j’ai entendu de façon claire et nette ce mot qui émanait d’elle. « Connard », m’a-t-elle dit. Ensuite je me suis réveillé.
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Une des rares choses que mes parents avaient en commun, je l'avais découverte dans ma jeunesse, et j'en avais honte : ils avaient voté « Oui » au référendum de 1988. C'est-à- dire qu'ils voulaient que Pinochet reste au pouvoir et que le Chili ne devienne pas un pays démocratique. Avec le temps, j'ai voulu leur demander ce qui les poussait à penser comme ça. Et eux, chacun dans son monde, chacun dans sa ville, m'ont répondu que je devrais avoir vécu cette époque avant de parler. Je suppose que j'argumentais, que je parlais des morts et de la torture. Et eux, comme s'ils étaient à nouveau d'accord, me disaient que c'était un mensonge de la gauche. A cette occasion - je me souviens de celle-là mais elles ont dû être nombreuses - j'ai perdu mes illusions sur eux, et aussi, je ne sais pas pourquoi, sur moi.
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À huit ans, je suis allé avec ma mère à la cérémonie d'adieux de Pinochet. Il avait lâché le pouvoir après le référendum et il venait à l'Ecole militaire pour recevoir les honneurs des forces armées. Nous étions au coin de la rue Apoquindo, à quelques mètres à peine de l'Ecole militaire, entourés de personnes portant des drapeaux du Chili et des bannières du « oui ». Peut-être j'en avais une moi-même, je ne sais pas.
Il allait arriver. Je devais être attentif, il y avait tant de monde que si j'étais distrait je ne le verrais pas. Quelques-uns chantaient l'hymne national et lançaient des acclamations. Ca se passait bien. Soudain apparut une file de voitures entourée de motos de la police. Et il était là-bas, je le voyais, je savais que c'était lui, dans une voiture aux vitres teintées, la sienne baissée pour saluer le public. Il me regarde, je crois qu'il me regarde, je pense qu'il me reconnaît. Je le salue, je crie, je lui dis au revoir.
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Si mon père lisait ces pages, il me dirait que les choses ne se sont pas passées comme ça. Tu aurais dû me demander avant, me reprocherait-il, et pendant un bon moment il ne me parlerait plus. Peut-être pour toujours. Si ma mère lisait ces pages, elle aurait quelques doutes, elle se sentirait triste, mais ensuite elle comprendrait - ou inventerait - les raisons qui m'ont poussé à parler d'eux.
Quelles sont ces raisons ? J'y ai pensé souvent et il n'y en a peut-être qu'une seule : je crois que je veux les trahir. Je veux trahir la mémoire de mes parents, je le dis à voix haute, je veux les trahir avec la seule chose que je puisse faire : un roman dont je ne sais pas si je pourrai le terminer.
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Et ton frère, pourquoi il n’existe pas ?
Je l’ai éliminé, j’ai répondu. Autant de personnages, ça ne collerait pas avec le texte. Ils pourraient m’échapper des mains.
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