Été 1991 : « Serbes, Bosniaques et Croates commencent à se foutre sur la gueule. »
2011 : la décision d'ériger un mémorial commémoratif vient d'être adoptée.
Difficile pour un artiste d'envergure internationale de se voir confier l'érection d'un monument aux morts sur la guerre en ex-Yougoslavie alors qu'il s'estime être le plus incompétent en la matière. Il va, contre toute attente, accepter le job en se rendant à Sarajevo, histoire de s'imprégner des lieux, et trouver l'inspiration aux côtés de Marina, sa guide attitrée.
Et un concept original, un ! Une planche, un dessin assorti de quelques lignes arides de bas de page. le lecteur focalise immédiatement sur un graphisme hors norme . Bien vu ! Car en effet,
Pierre Marquès, dessinateur polymorphe, est un touche-à-tout de talent. Aquarelles, gouache, fusain, photos retravaillées au lavis, tout y est, tout fonctionne à plein, le lecteur ne sait plus vraiment où poser le regard tant le mode d'expression adopté subjugue.
Le visuel détonne, c'est entendu, mais quid du verbe ?
Là encore, Mathias Énard s'accorde parfaitement avec son compère .
Pas vraiment partisan des monuments fantômes à la mémoire de ceux tombés pour la patrie, il leur préfère celle des paysages vitriolés, des villes balafrées, des survivants désormais devenus passeurs d'Histoire.
« Les morts n'ont plus besoin de rien et les vivants veulent vivre en paix.
La vie est le seul monument aux morts.
Les histoires que les morts racontent aux vivants »
Tout Sera Oublié soulève la problématique de l'art en de telles situations.
Véritable balade mémorielle à travers une Europe de l'Est lacérée par tous ses conflits mais qui se reconstruit peu à peu, ce roman graphique évanescent et cotonneux détonne, envoûte, pour finalement vous apostropher ce que n'aurait pas renier un certain Pivot.
Un grand merci à Babelio et aux éditions Actes Sud BD pour cette petite parenthèse désenchantée...