Les anglais ont une grande tradition de comics de guerre plus réaliste que leurs homologues américains ("Showcase presents Sergeant Rock 1"). On peut en particulier conseiller "La grande guerre de Charlie" de
Pat Mills et
Joe Colquhoun. Les "War Stories" de
Garth Ennis s'inscrivent dans cette tradition. le présent recueil comporte 4 histoires indépendantes publiées à l'origine en numéros indépendants sous le titre générique "War Stories".
La première histoire est dessinée par
Chris Weston ("
The Filth" de
Grant Morrison) et encrée par
Gary Erskine ("Army@Love", de
Rick Veitch, en anglais) dans un style très détaillé, réaliste et parfaitement adapté à ce genre d'histoire. Vers la fin de la seconde guerre mondiale, un commandant allemand de tank de modèle Panzerkampfwagen VI Tiger essaye de sauver son équipe en désertant le front russe pour revenir vers Berlin et se rendre aux américains. Il va croiser des compatriotes, des russes pas contents et une équipe de police de l'armée chargée de punir définitivement les déserteurs.
La deuxième histoire est illustrée par John Higgins (vétéran des comics anglais et de Judge Dredd dans 2000AD, par exemple "Judge Dredd Complete Case Files v. 10", en anglais) dans un style un peu plus dépouillé avec une plus grande part laissée aux expressions faciales. Une jeune recrue anglaise rejoint le front italien pour remonter vers le nord. Cet officier découvre la réalité des affrontements de ce front, ainsi que le mépris dans lequel sont tenues les armées en Italie, par rapport à celles débarquées en France qui, elles, sont sur le vrai front.
La troisième histoire est illustrée par
Dave Gibbons (l'illustrateur de "Watchmen" et "Martha Washington"). C'est du pur
Dave Gibbons et son style détone par rapport à ceux des autres et par rapport à l'histoire. On a vraiment l'impression d'être revenu dans Martha Washington et dans un simple comics. L'histoire est également relativement anecdotique : elle détaille comment un commandant et ce qu'il reste de son unité (3 hommes) vont tirer partie d'une mission peu gratifiante pour prendre un repos bien mérité. C'est certainement l'histoire la moins intéressante car sans enjeu réel, ni densité substantielle.
La quatrième histoire est illustrée par
David Lloyd (le dessinateur de "V pour vendetta") dans le même style que V, avec ce parti pris esthétique si fort et si bien adapté à cette intrigue. le commandant d'un navire de protection de vaisseaux marchands ramène son navire en étant seul rescapé d'un convoi. Il n'a plus qu'un seul but racheter son honneur par une action héroïque malgré les U-Boats. Les illustrations sont magnifiques et elles tirent vers le haut une simple histoire d'honneur et de virilité.
Garth Ennis nous expose toute sa passion et toutes ses connaissances de cette époque : le respect qu'il éprouve pour le tank allemand ou pour le navire Nightingale, l'humanité basique de chacun de ses personnages (obéissance placide des soldats, questionnements des officiers). Son approche des comics de guerre est un mélange d'atrocités, de description factuelle, de respect des faits historiques, de virilité, d'honneur et d'individus attachants.
On peut toutefois regretter que le commentaire social s'arrête à la nécessité de la guerre malgré les souffrances qu'elle engendre et à l'irresponsabilité des huiles qui n'ont jamais mis les pieds sur un champ de bataille. Les historiens ont analysé cette époque dans tous les sens et chacune des histoires aurait mérité d'être contextualisée et mise en perspective par rapport aux enjeux et décisions de l'état major et de laisser un peu de place aux rôles des femmes qui sont soit absentes, soit réduites au rôle de plante verte.