J'ai un peu moins aimé la pièce finale de
l'Orestie : "
Les Euménides". Les deux premières pièces relatent l'histoire sanglante des Atrides dans une sorte de huis-clos, sinon physique du moins psychologique, en introduisant juste un peu les notions de vengeance et de justice. Ces deux pièces sont un préambule nécessaire à celle des "Euménides", puisque c'est elle qui va au bout du dilemme et permet à
Eschyle de dire tout le bien qu'il pense d'un tribunal de citoyens. Pile poil quand Athènes se dote justement d'une telle institution.
Le gars jette des fleurs à son public, certes, mais il croit à l'idée de justice. Oreste est poursuivi par les Erynies, divinités vengeresses abonnées aux matricides et autres petits meurtriers en famille. Au terme de leur joute verbale face à Apollon, protecteur d'Oreste, les Erynies renoncent à venger la mort de Clytemnestre et acceptent l'offre d'Athéna de devenir des esprits bienveillants d'Athènes... Elles deviennent ainsi
les Euménides, les "bienveillantes". Les dingos calmées à coup de pot-de-vin, belle conclusion.
J'ai lu vite fait quelques interprétations de la pièce, notamment celles basées sur l'affrontement entre ancien et nouveau monde, jungle et droit, vengeance et justice, matriarcat et patriarcat. Dans cette pièce, l'un des arguments majeurs d'Apollon, c'est quand même de pratiquement dire que les matricides n'existent pas puisque ce qui compte, c'est le père... vu que sans semence, les femmes elles foutent rien de leur "matrice obscure". #Tupperware La preuve avec Athéna, littéralement sortie de la cuisse de son père. Qui a encore besoin des femmes, hein ?
Ça et le fait que les Erynies sont des divinités anciennes, chtoniennes et, si je ne m'abuse, associées à la vieille vieille déesse Hécate, qui règne sur la sorcellerie et les cauchemars. Hécate qui s'est bien fait marave la gueule quand le culte des dieux olympiens s'est renforcé. Ouranos, les Titans, Hécate, toutes ces divinités très anciennes ont été largement éclipsées, amenuisées voire remplacées. Ce n'est donc pas très étonnant de voir un duel entre les Erynies et un Apollon qualifié de "nouveau dieu", qui trouve que le meurtre d'Oreste était justifié et qu'il doit être jugé par ses pairs et pas par des folles furieuses ordonnatrices de visions sanglantes.
En gros j'ai un peu de mal avec la thèse défendue par
Eschyle dans "
Les Euménides". J'aime bien les Erynies à la base, et Hécate, et l'hémoglob... *tousse* Donc un texte qui te dit en substance : "vive les mecs, les femmes c'est que des hystériques tfaçon, nous on fait la justice nous"... M'voilà quoi. Ça date du 5ème siècle avant JC mais faut croire que ça n'a pas trop bougé depuis... (rho, allez, je suis magnanime, je m'arrête au 19ème siècle avec Charcot)
Mais quand même,
Eschyle a un style décoiffant. Aucune violence montrée sur scène. Encore qu'on a droit aux cadavres d'
Agamemnon et Cassandre dans "
Agamemnon" et de Clytemnestre et Egisthe dans "
Les Choéphores" - mais pas l'acte lui-même. Mais les répliques suffisent par leur violence. On est assez loin du bon goût bien feutré d'un Racine (que j'aime énormément au demeurant). Un exemple avec le discours d'Apollon demandant poliment (lol) aux Erynies de cesser sivouplé d'importuner (lol) le pauvre Oreste qu'il a déjà purifié. Ou encore, mais c'est dans "
Agamemnon", Clytemnestre qui répond au Choeur lui reprochant le meurtre de son mari, le père d'Oreste donc. Personnellement je la trouve plutôt classe en femme qui n'a pas peur de s'élever seule face à la cité.