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EAN : 9781909782594
45 pages
Les Éditions de Londres (15/01/2014)
4.04/5   23 notes
Résumé :
« Les Euménides » est une tragédie d'Eschyle représentée en 458 avant Jésus Christ et qui fait suite à "Agamemnon" et aux "Choéphores". Il s'agit du dernier volet de la trilogie "L'Orestie". Suite au meurtre d'Agamemnon par Clytemnestre et son amant, Oreste, d'abord exilé, revient, et avec l'aide de sa soeur Electre, il venge le meurtre de son père en tuant sa mère et son amant (Les Choéphores). Poursuivi par les Erinyes, il trouve refuge dans un premier temps... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Décidément l'Orestie m'aura réservé des surprises.
Après un très bon « Agamemnon » et un décevant « Choéphores », la trilogie s'achève sur un excellent, inclassable « Euménides ». Inclassable car jamais, je n'aurais pensé qu'un tragédien antique aurait eu le culot d'écrire et de représenter pareille histoire.

Comme le titre de la trilogie l'indique, cette dernière pièce s'intéresse au sort d'Oreste, le fils d'Agamemnon et de Clytemnestre. Dans les épisodes précédents, Clytemnestre a assassiné son mari, coupable à ses yeux d'avoir sacrifié leur fille Iphigénie à des dieux manipulateurs pour pouvoir mener sa guerre contre Troie. Plusieurs années plus tard, Oreste a vengé son père en tuant sa mère. Aussitôt les Furies – ces puissances surnaturelles qui se lèvent pour venger tout sang criminellement versé – se jettent sur Oreste, le poursuivent, bien décidées à l'accabler jusqu'à ce qu'il en meure de folie.
On retrouve Oreste dans le temple de Delphes, entouré des Furies. Apollon, qui n'est pas pour rien dans la vengeance d'Oreste sur sa mère, maintient endormies les monstres et conseille à Oreste de rejoindre Athènes où Athéna le protègera. Ainsi fait Oreste que les Furies retrouvent rapidement. Athéna organise alors un véritable procès dont Apollon et les Furies sont les témoins à décharge et à charge, et le jury composé de sages athéniens. le vote est parfaitement équilibré jusqu'à ce qu'Athéna elle-même fasse pencher la balance en faveur d'Oreste qui est enfin libéré de la malédiction. Mais les Furies ne l'entendent pas ainsi. Ce sont les plus anciennes lois de la Justice et de la Vengeance qui ont été bafouées par ces nouvelles règles démocratiques, et elles vont faire payer les athéniens. Mais Athéna leur propose une autre solution : qu'elles s'installent à Athènes où le peuple les adorera, où elles deviendront les Euménides, les Bienveillantes et assureront le bonheur de la cité. Réticentes, les Furies finissent par accepter et la pièce se termine dans la joie.

Pièce surprenante à plus d'un titre, par le rôle prépondérant offert aux dieux et aux puissances surnaturelles, par l'absence d'unité de temps et de lieu qui aurait provoqué une crise cardiaque chez bien des jeunes tragédiens du 17ème siècle français. Mais c'est bien sûr ce procès qui est exceptionnel. Enfin, les dieux cessent de manipuler les humains comme des pièces d'échec. Enfin ils leur accordent suffisamment de respect et les estiment dignes de juger une affaire de crime de sang. Et les athéniens endossent ce rôle exigeant, malgré la menace sourde que les Furies font peser sur eux. C'est une vraie révolution en douceur.
Par cette pièce, Eschyle glorifie le système politique d'Athènes. Et il le fait en mettant un terme aux temps où l'homme n'était qu'un jouet des Dieux, craintif et bêtement dévot. Athéna la déesse accorde à l'homme une forme d'égalité avec les Olympiens. Même à Athènes, je pense qu'un tel parti pris était osé et a pu être considéré comme blasphématoire par une frange de la population. La glorification de la démocratie est quelque chose dont nous avons bien besoin de nos jours, où tant de gens considèrent inconsciemment qu'elle est aussi naturelle que respirer et n'hésitent pas à bouder les urnes sans imaginer que ce geste est l'équivalent de l'acceptation des alternatives dans lesquelles le commun n'a pas droit de donner son avis.

Cette histoire apporte d'autres bienfaits : elle brise une bonne fois l'enchainement d'assassinats vengeurs et montre ainsi tout l'avantage qu'il y a s'appuyer sur la justice légale et à renoncer au système de vendetta. Elle pacifie aussi les Furies, dont on comprend que la haine qu'elles portent en elles est essentiellement due à leur solitude, au rejet dont elles sont l'objet. Qu'il se trouve un groupe d'humains pour les accepter avec leur laideur, et elles découvrent une sérénité inédite.

Une pièce incroyable par les messages étonnamment modernes qu'elle porte.
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J'ai un peu moins aimé la pièce finale de l'Orestie : "Les Euménides". Les deux premières pièces relatent l'histoire sanglante des Atrides dans une sorte de huis-clos, sinon physique du moins psychologique, en introduisant juste un peu les notions de vengeance et de justice. Ces deux pièces sont un préambule nécessaire à celle des "Euménides", puisque c'est elle qui va au bout du dilemme et permet à Eschyle de dire tout le bien qu'il pense d'un tribunal de citoyens. Pile poil quand Athènes se dote justement d'une telle institution.

Le gars jette des fleurs à son public, certes, mais il croit à l'idée de justice. Oreste est poursuivi par les Erynies, divinités vengeresses abonnées aux matricides et autres petits meurtriers en famille. Au terme de leur joute verbale face à Apollon, protecteur d'Oreste, les Erynies renoncent à venger la mort de Clytemnestre et acceptent l'offre d'Athéna de devenir des esprits bienveillants d'Athènes... Elles deviennent ainsi les Euménides, les "bienveillantes". Les dingos calmées à coup de pot-de-vin, belle conclusion.

J'ai lu vite fait quelques interprétations de la pièce, notamment celles basées sur l'affrontement entre ancien et nouveau monde, jungle et droit, vengeance et justice, matriarcat et patriarcat. Dans cette pièce, l'un des arguments majeurs d'Apollon, c'est quand même de pratiquement dire que les matricides n'existent pas puisque ce qui compte, c'est le père... vu que sans semence, les femmes elles foutent rien de leur "matrice obscure". #Tupperware La preuve avec Athéna, littéralement sortie de la cuisse de son père. Qui a encore besoin des femmes, hein ?

Ça et le fait que les Erynies sont des divinités anciennes, chtoniennes et, si je ne m'abuse, associées à la vieille vieille déesse Hécate, qui règne sur la sorcellerie et les cauchemars. Hécate qui s'est bien fait marave la gueule quand le culte des dieux olympiens s'est renforcé. Ouranos, les Titans, Hécate, toutes ces divinités très anciennes ont été largement éclipsées, amenuisées voire remplacées. Ce n'est donc pas très étonnant de voir un duel entre les Erynies et un Apollon qualifié de "nouveau dieu", qui trouve que le meurtre d'Oreste était justifié et qu'il doit être jugé par ses pairs et pas par des folles furieuses ordonnatrices de visions sanglantes.

En gros j'ai un peu de mal avec la thèse défendue par Eschyle dans "Les Euménides". J'aime bien les Erynies à la base, et Hécate, et l'hémoglob... *tousse* Donc un texte qui te dit en substance : "vive les mecs, les femmes c'est que des hystériques tfaçon, nous on fait la justice nous"... M'voilà quoi. Ça date du 5ème siècle avant JC mais faut croire que ça n'a pas trop bougé depuis... (rho, allez, je suis magnanime, je m'arrête au 19ème siècle avec Charcot)

Mais quand même, Eschyle a un style décoiffant. Aucune violence montrée sur scène. Encore qu'on a droit aux cadavres d'Agamemnon et Cassandre dans "Agamemnon" et de Clytemnestre et Egisthe dans "Les Choéphores" - mais pas l'acte lui-même. Mais les répliques suffisent par leur violence. On est assez loin du bon goût bien feutré d'un Racine (que j'aime énormément au demeurant). Un exemple avec le discours d'Apollon demandant poliment (lol) aux Erynies de cesser sivouplé d'importuner (lol) le pauvre Oreste qu'il a déjà purifié. Ou encore, mais c'est dans "Agamemnon", Clytemnestre qui répond au Choeur lui reprochant le meurtre de son mari, le père d'Oreste donc. Personnellement je la trouve plutôt classe en femme qui n'a pas peur de s'élever seule face à la cité.
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Eschyle me semble démontrer tout son talent dans Les Euménides, pièce finale de la tragédie commencée avec le retour d'Agamemnon parmi les siens.
Au travers de la symbolique mythologique, il nous livre une analyse profonde du jeu de miroir entre les lois et la coutume, entre une justice éclairée et le jugement des foules. Mais il va plus loin en n'épargnant pas de nous interroger sur l'influence de l'humain sur la création des lois. le sort d'Oreste, après tout, n'est scellé que parce que Athéna n'a elle-même pas connu de mère, et fait ainsi volontairement pencher la balance.
Au delà de l'histoire, magique, de la famille des Atrides poursuivie par le destin qui les enchaîne à leur propre malheur, Eschyle nous livre ainsi un second message intemporel et rend sa pièce indispensable. En tout cas pour toute personne qui souhaite comprendre le monde qui l'entoure.
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Je pense qu'il n'y a pas plus fascinant que les tragiques grecques, non ?
C'est toute la violence de l'histoire humaine qui transparaît dans l'aube des temps des écritures.
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Troisième volet de 'L'Orestie", la seule trilogie conservée, cette pièce raconte le délire d'Oreste et le pardon des dieux. Achèvement de la tragédie, cette pièce est très intense. Personnellement je préfère les deux premiers volets, cette pièce donnant une part trop grande aux dieux mais cette tragédie reste un chef d'oeuvre.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
[LE CHŒUR] (représentant les Furies)
- Ha ! mes amies ! Holà ! nous voici bien en peine !
- Tant de peine j'ai prise, et c'est en pure perte !
- Peineuses peines, las ! Disgrâce bien amère !
- Méchef intolérable !
- Sautée hors du filet, la bête, et disparue !
- Le sommeil m'a vaincue, et j'ai perdu ma proie !

- Et c'est toi, le fils de Zeus, qui viens nous escroquer ! tu fais de nous tes dupes !
- Sous ton jeune talon, nous, les vieilles déesses !
- Et tu n'as de respect que pour ton suppliant, l'impie, le fils barbare !
- Ce parricide, toi, un dieu, tu nous le voles !
- Qui prétendra voir là une ombre de justice ?
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APOLLON: Voici ce que j'ai encore à dire, et saisis bien la justesse de mon propos. Ce n'est pas la mère qui donne la vie à ce qu'on appelle son enfant: elle n'est que la nourrice d'un germe dont elle a reçu la semence. La vie vient du mâle qui l'a saillie.Elle ne fait, elle, comme une étrangère pour le compte d'un étranger, que couver l'embryon, quand le Ciel permet qu'il n'avorte pas.
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[LE CHŒUR]
La terreur est excellente
en maintes occasions:
c'est la gardienne des âmes
et il faut qu'en permanence
elle y tienne ses assises.
Les larmes sont salutaires
pour inculquer la sagesse.
S'ils n'ont, racinée au cœur,
nulle crainte, où survivrait
- homme ou cité, c'est égal -
le culte de la Justice ?
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APOLLON : Dehors, allez ! C’est un ordre !
Sortez du sanctuaire des oracles !
Ou le serpent à plumes blanches
Jaillissant de l’arc d’or
Va te faire vomir douloureusement l’écume noire
Et les caillots de sang que tu as tirés aux humains.

Tenez-vous loin de ce temple.
Votre place est là où la vengeance
Décapite, crève les yeux, égorge,
Émascule les jeunes enfants,
Mutile, lapide, torture,
Fait gémir longtemps les empalés.

Vous entendez ? Voilà vos fêtes !
Les dieux vous vomissent,
Voilà vos joies !
Votre laideur vous va bien :
Allez boire le sang dans la grotte des lions,
Mais ne salissez pas ce temple sacré de votre présence !
Allez, sans berger, aucun dieu ne garde votre troupeau.
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Il y a des cas où la crainte est salutaire et où elle doit rester à demeure pour surveiller les coeurs. Il est bon d'apprendre la sagesse sous la férule de la douleur.
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Vidéo de  Eschyle
ESCHYLE — Le Chœur & le Sacré (UNIVERSITÉ NANTERRE, 1994) Un cours audio de Émile Lavielle enregistré le 8 février 1994 pour l’Université de Nanterre.
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