One For The Money
Traduction :
Philippe Loubat-Delranc
ISBN : 978266148900
Premier volume de la série des "Aventures de Stephanie Plum", cette "Prime" est un ouvrage d'exposition, d'où son rythme peut-être un peu tâtonnant, que l'on sent aussi bien dans le texte français que dans le texte original. Y apparaissent pour la première fois des personnages dont, en tous cas pour certains, comme Ranger par exemple, l'auteur semble encore hésiter sur ce qu'elle va faire d'eux. Trois petits tours et puis s'en iront ... ou reviendront-ils ? ...
L'intrigue est simple et pleine de joie de vivre, même si, il faut bien le dire, ça ne commence pas vraiment gaiement pour notre héroïne, qui vient d'être licenciée de son poste d'acheteuse à la lingerie E. E. Martin et qui, depuis près de deux mois (il me semble), cache la chose à sa famille : la maman, Helen, qui, bien que d'origine purement hongroise, présente certaines ressemblances avec les mères juives traditionnelles, considérant entre autres que, dans la vie, il faut faire trois bons repas par jour, sinon, l'on meurt (ou c'est tout comme ) ; le père, Frank, d'origine purement italienne, qui n'a jamais été très bavard mais qui est devenu quasi mutique depuis que sa belle-mère, Mamie Mazur, a emménagé chez sa fille et son beau-fils, à la mort de son époux (ça vaut d'ailleurs peut-être mieux car, et cela devient de plus en plus évident au fil des épisodes, l'un des plus chers désirs de Frank Plum serait de voir Mamie Mazur rejoindre son mari au Ciel, devant le Grand Rôti de Porc Edénique, suivi du Gâteau à l'Ananas non moins édénique ) ; la grand-mère, Mamie Mazur, de son petit nom, Edna, quatre-vingts ans et des poussières mais une vitalité à toute épreuve, dont l'un des intérêts majeurs dans la vie, hormis savoir tout ce qui se passe chez les voisins, est d'assister aux veillées mortuaires des autres, chez Stiva, l'entrepreneur de Pompes funèbres du Bourg (parce qu'elle a toujours peur d'être trompée sur la marchandise - enfin, on l'interprétera comme ça - Mamie Mazur a horreur des cercueils fermés qui ne le restent jamais longtemps avec elle. D'où l'obligation familiale, pour Stephanie, d'accompagner ponctuellement sa grand-mère aux veillées, afin d'éviter tout incident ... ) et enfin Valerie, l'autre fille des Plums, qu'on ne voit pas dans cet épisode, l'antithèse de sa soeur, à savoir qu'elle a fait un mariage parfait avec un homme parfait et en a eu deux filles parfaites (mis à part que l'une d'elle se prend régulièrement pour un cheval) qu'elle est partie élever en Floride ou en Californie, deux Etats parfaits, comme n'importe quel Américain vous le dira.
Née à Trenton, petite ville du New-Jersey, Stephanie a plus spécifiquement poussé son premier cri dans un quartier de la middle class, nommé "the Burg" en anglo-américain et "le Bourg" en français. Or, quiconque est né au Bourg reste indéfiniment du Bourg. C'est-à-dire qu'il ou elle ne peut pas faire un seul pas, parfait ou de travers, sans que sa famille ne soit immédiatement mise au courant. Stephanie ayant une tendance fâcheuse à faire tout le temps, et même sans le vouloir, des pas de travers, je ne vous raconte pas le nombre d'appels reçus par sa mère pour la prévenir des bêtises de sa rejetonne . Dans l'intimité, Mrs Plum dit alors, en levant les yeux au ciel et après s'être signée comme la bonne catholique qu'elle est : "Pourquoi moi ? ..." et elle se plonge dans un repassage frénétique qui la calme. Enfin, disons, qui l'amène au plus près d'une espèce de Nirvâna maternel ...
Le rêve de Mrs Plum est de voir Stephanie faire un mariage parfait - comme sa soeur. Depuis la petite enfance de Stephanie, elle redoute de voir celle-ci tomber entre les pattes de l'un des fils Morelli - une famille de voisins - celui que sa mère et sa grand-mère Bella (qui jette couramment le mauvais oeil à qui ne lui plaît pas) appellent couramment "Joseph" mais mieux connu des lecteurs et de Stephanie sous le diminutif de "Joe." Joe Morelli fut en effet très longtemps un coureur, qui, à peine âgé de huit ans, attira la petite Stephanie de six ans dans le garage de son père afin d'y jouer avec elle "au train", Stephanie constituant le tunnel et Joe, le train. Quand Stephanie eut seize ans, sous prétexte d'acheter un éclair au chocolat dans la boulangerie où elle travaillait comme remplaçante, il devint son premier amant. Puis il s'en fut, sans se retourner, s'enrôler dans la Marine. Revenu à la vie civile, il est devenu l'un des meilleurs flics de Trenton et Mrs Plum le redoute toujours autant pour sa fille bien que, il faille le reconnaître, maintenant qu'il est policier, il pourrait laisser une bonne retraite à la femme qui le choisirait ...
Bien loin d'épouser Joe Morelli, Stephanie, qui a fini par se dégoter un travail chez son cousin (par le père) Vincent (dit "Vinnie") Plum, Agent de Cautionnement Judiciaire de son métier, se voit confier comme première affaire à suivre le dossier de Joe, suspecté d'avoir abusé de ses fonctions de flic pour tirer sur un parfait innocent (au casier judiciaire cependant bien fourni) et qui, bien entendu, appliquant à la lettre le fait qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même, a pris la tangente avant de comparaître devant le juge. En d'autres termes, Joe Morelli est devenu un DDC - en anglo-américain un FTA - dont la tête est mise à pris pour 100 000 dollars, ce qui, si Stephanie parvient à le coincer, rapporterait à celle-ci la mirifique somme de 10 000 dollars.
Un peu à l'image de notre Perrette et de son pot-au-lait, Stephanie, qui a dû mettre pas mal de choses au clou pour survivre et est en retard d'au moins un mois sur son loyer, rêve à tout ce qu'elle pourra tirer de ces 10 000 dollars et se sent prête à tout pour coincer Joe Morelli. Lequel, en revanche, est de très méchante humeur tout d'abord parce qu'il est tombé dans le piège qu'on lui a manifestement tendu le soir où il a tiré sur l'"innocent au casier bien rempli", ensuite parce que, comme tout bon flic, italien de surcroît, il entend régler cette affaire par lui-même, et enfin quand il s'aperçoit de l'identité de celle que Vinnie le Rat a lancé à ses trousses.
Le problème, c'est que Stephanie n'a absolument aucune expérience du boulot pour lequel Vinnie, à qui elle a juré de dénoncer ses dernières frasques sexuelles à sa femme s'il ne l'engageait pas, lui a signé un contrat. Qu'à cela ne tienne, Connie, la secrétaire de Vinnie, italienne jusqu'au bout des oncles, la met illico en contact avec Ranger, le "Maître" des Chasseurs de Prime, ceci de l'avis tant des chasseurs que des chassés. D'origine américano-cubaine, Ranger est, au contraire de Joe Morelli, assez amusé par la situation de Stephanie - ce qui, chez lui, se traduit par la naissance d'un tremblement de sourire à l'une des commissures de ses lèvres. Après un premier entretien, il lui affirme qu'elle peut l'appeler en cas de besoin et lui recommande, entre autres, d'éviter un certain Ramirez, boxeur prodige du Bourg qui se double malheureusement d'un fêlé sexuel intégral (pire que Vinnie, c'est tout dire ) et particulièrement dangereux.
Bien entendu, Stephanie, qui est têtue comme une Italo-hongroise ou comme une Bretonne , n'en fait qu'à sa tête et manque se faire violer par ledit Ramirez. Bloqué dans son élan (je ne vous dirai ni par qui, ni comment, sinon que la personne qui vient au secours de la jeune femme est de plus en plus de mauvaise humeur ), Ramirez entre dans la phase "Fixation Impérieuse", ce qui, au passage, permettra à Stephanie de faire connaissance avec un personnage qui deviendra récurrent dans ses aventures, Lula, au départ prostituée à Stark Street, la rue où donne le "gymnase" où s'entraîne le Boxeur Dingue.
Sans être le plus comique de la série, "La Prime" a le mérite de poser des bases solides à une série qui mériterait d'être filmée pour la télévision - mais avec des acteurs adéquats. Et puis, qu'on le veuille ou non, on sourit et on rit beaucoup même si, au final, on se dit que Ramirez demeure l'une des créations les plus effrayantes de
Janet Evanovich. A lire si vous voulez prendre un peu de bon temps ! ;o)