Tout simplement le lieu d'une reconnaissance, et l'immense espoir porté sur soi d'un futur
« Ne pas savoir écrire mais porter sur soi des traces d'écrit malhabiles, des morceaux de phrases, quelques bouts d'adresses ; ne pas savoir bien lire mais posséder sur son corps un « méchant » certificat de baptême ; de cette manière, n'être point absent de soi-même : voici ce qui se remarque sur des hommes et des femmes du XVIIIe siècle, en exil d'institutions sociales, le plus souvent en exil d'eux-mêmes mais peu éloignés de la nécessaire nébuleuse des autres »
Des signes, des aveux de vie, des sorties de l'anonymat, des êtres dits, des bracelets de parchemin retrouvés autour des poignets de cadavres de femmes ou d'hommes… Des éléments parcellaires, des signes infra-ordinaires, « une pratique ordinaire de l'écrit chez des individus quasiment illettrés », des écrits traversent le temps…
Arlette Farge analyse ces mots pour soi, parle de mobilité constante, de pensée du futur, de reconnaissance… Elle insiste sur les formes, les supports, les graphies, les gestes d'écriture, « ils sont l'histoire des possibilités infinies de l'écrit ». L'auteure parle de vie voulue, d'aveu, d'identification, d'enterrement en terre chrétienne, de « bon passage », de papiers de bonne foi, de lettres, « il y a dans l'épistolaire malhabile le renvoi à une communauté du souvenir et de l'action », d'imaginaire et de personnage construit..
Elle poursuit avec le corps écrit, les réalités composites et hiérarchisées, les appropriations, des choses qui résistent, l'étude « des faibles intensités », la situation au coeur de la culture semi-urbaine et rurale du XVIIIe siècle, l'écriture et la lecture dans les milieux populaires, les parcours, la ville, « C'est à la ville que se voit et s'entend la monarchie »…
Ecrire c'est aussi rompre avec les activités du sol, mettre son corps en position, trouver le temps…
Arlette Farge revient sur le nom, les initiales marquées sur les habits, les signes du travail, les traces de l'intime et des sentiments, la lettre et l'écrit, « écrire est plus que convenable », le corps comme « porte-enseigne », le corps politique et affectif. Elle évoque « l'éclat de leurs existences »
Un petit livre d'histoire, sur des pratiques qui en disent long, sur l'« intensité faible » et le « pouvoir germinatif de leur manière de communiquer ».
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