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Julie Battilana (Autre)Dominique Méda (Autre)
EAN : 9782021470499
216 pages
Seuil (01/10/2020)
4/5   2 notes
Résumé :
Comment faire face à la crise que nous traversons ? Le système capitaliste néo-libéral fondé sur la seule recherche du profit ne fera que renforcer la concentration des richesses, aggraver les inégalités et détruire chaque jour un peu plus notre écosystème. Contre le statu quo, un collectif de femmes, chercheuses en sciences sociales issues de tous horizons, appelle à un nouveau partage du pouvoir au sein des entreprises, condition d’une véritable transition écologi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Si vous parvenez à supporter l'écriture dite « inclusive » (qui risque bien d'exclure, en réalité, nombre de lecteurs) mais/ou si, comme moi, la question du travail vous semble centrale et par trop reléguée à la périphérie des sujets mis en avant, ce Manifeste vaut la peine d'être lu.

Sous la plume de très bonnes connaisseuses des enjeux du travail (particulièrement Isabelle Ferreras et Dominique Méda) le bon diagnostic est posé. Une économie hyper-financiarisée se décline essentiellement à travers deux grands dispositifs pour atteindre ses objectifs : un management actionnarial (qui soumet les conditions de travail au seul horizon de dividendes toujours plus importants) et une atomisation des collectifs de travail (pour éviter la résistance des travailleurs qui subissent les contraintes de cette extorsion – sur ce sujet les écrits d'une autre grande dame de la thématique du travail, Danièle Linhart, sont on ne peut plus clairs et éclairants quant aux réelles finalités des nouvelles théories managériales qui voient le jour à la suite de la plus grande grève de l'histoire de France en mai 1968 ; de même l'excellent La société ingouvernable de Grégoire Chamayou) ont dépossédé les travailleurs de tout moyen d'action et abîment toujours davantage les conditions de leur dans lesquels ils doivent gagner leur vie. Ces ressources humaines, bien plus ressources qu'autre chose, adaptables et remplassables quand elles n'y parviennent plus, connaissent ainsi le sort de toutes les autres ressources d'une planète sous le joug d'un capitalisme de plus en plus débridé (pour être précis, il faudrait parler d'une retour au premier âge du capitalisme, celui des mineurs, qui devaient sur leur propre paye assurer la sécurité des boyaux dans lesquels ils étaient plongés, avec femme et enfants, 12 à 15 heures par jour).

Dans de telles conditions (aujourd'hui c'est plus la mine, non, mais ce n'est pas forcément mieux… je pourrais en parler longtemps), comment peut-on encore oser parler de démocratie lorsque le monde de l'entreprise y échappe complètement ? Comment peut-on parler de droits de l'homme quand le travail est considéré comme une marchandise ? Comment peut-on sérieusement encore oser parler de progrès et de croissance, deux termes très positivement connotés, lorsqu'en fait la seule règle qui compte est celle du chacun pour soi et que le meilleur gagne (le plus de pognon possible) ? Quel espoir peut-on encore avoir sur l'issue d'un « jeu » dont tous (ou presque) les spécialistes s'accordent à dire qu'ils nous envoient droit à la catastrophe ?

Le Manifeste préconise donc que le travail soit enfin réhabilité. Qu'il soit compris dans ses enjeux et respecté dans sa mise en oeuvre. Que l'on (re)noue avec l'expression chère à Alain Supiot, un « régime de travail réellement humain ».
Dans ce sens, le Manifeste formule 3 propositions radicales (qui permettent de traiter le mal à la racine), et s'assimilent à autant de révolutions : de nos droits et de nos devoirs, les uns vis-à-vis des autres comme nous-mêmes vis-à-vis de la planète :

- Démocratiser le travail (par un pouvoir de codécision - donc véto – reconnu aux travailleurs sur les choix organisationnels et stratégiques de l'entreprise. Même si le Conseil de la résistance puis de fortes personnalités comme Ambroise Croizat et Jean Auroux (et avant eux, l'Organisation internationale du travail dans sa constitution et dans la Déclaration de Philadelphie) ont tenté d'enrayer la méga-machine infernale en alertant sur les conséquences de la toute-puissance (parmi lesquelles la montée de fascismes ne compte pas pour rien), ces avancées sont aujourd'hui patiemment déconstruites par les tenants du PROJEEEEET) pour lesquels, les droits de l'homme sont, pour le coup, de la poudre de perlimpinpin qu'on peut souffler au visage des contradicteurs pour mieux masquer ses intentions.
- Démarchandiser le travail, à tout le moins apporter une « garantie d'emploi » de nature à ne plus permettre le chantage au chômage, à protéger les secteurs réellement utiles au bien commun et à favoriser le développement de secteurs d'activités de plus en plus indispensables (qui vont dans le sens d'une « économie », au sens premier du terme, locale et propre). Certains estimeront que ce voeu est pieux. Une chose est certaine, pour qu'il ne le soit pas, il faudrait de vrais représentants du peuple, à son service, à ses ordres pour mieux dire, pénétrés de l'intérêt général et donc remettant en ordre les priorités. Cela rimera avec la fin de la liberté d'entreprendre diront les plus férus du laisser-faire… Précisément ! Comment peut-on laisser faire ces « entreprises » (dans tous les sens du terme) d'appropriation du vivant et d'aliénation de tous ceux qui ont pour seule et simple ambition de vivre avec leurs congénères (et non « de » leurs congénères) ?
- Dépolluer le travail : puisque la création de valeur économique se fait aujourd'hui au détriment de l'environnement (jamais inclus dans les plans comptables des entreprises) il est temps de repenser les modes de gouvernance à l'aune du « développement » durable, et de faire face aux conseils d'administration à la solde des actionnaires sans scrupule via non seulement une chambre représentative des travailleurs mais encore par des représentants de la communauté dans laquelle toute entreprise s'inscrit de facto (associations de riverains, organismes de défense de l'environnement, etc.) et permettre à de faire de ces acteurs de vraies parties prenantes, dotées de droits indépassables, par exemple en leur permettant de bloquer toute stratégie qui ne prend pas en compte ces intérêts communs.

A mon sens, ce livre aux nombreuses et bonnes contributions, s'adresse non pas tant par ceux qui maltraitent le travail (du côté duquel il y a bien peu d'espoir à nourrir) qu'aux travailleurs eux-mêmes. Car si réellement nos dirigeants (politiques et économiques) avaient quelqu'intention sincère sur ces sujets, les belles formules qui ornent les grandes déclarations (par exemple celle qui prétend qu'il faut « une existence conforme à la dignité humaine », selon article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme) feraient autorité. le Manifeste travail, d'abord simple tribune destinée à un « grand » journal français du soir, est devenu manifeste signé par plus de 3000 spécialistes à travers le monde et traduit sur les 5 continents, et non adressé dans le seul langage de l'« empire » marchand débridé (ce globich aux accents anglais) : il s'adresse à tous et offre les bases d'un programme intelligent à exiger.
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Durant la période de confinement au printemps, quelques chercheuses en sciences humaines ont publie une tribune dans le Monde sur la place du travail durant cette pandémie. Cette tribune féminine s'articulait autour de trois verbes d'action : démocratiser, démarchandiser, dépolluer. En un minimum de temps, cette tribune a été signée par 3500 chercheuses et chercheurs dans le monde (ils et elles sont quelques milliers en plus depuis lors) et elle a été traduite et publiée dans un nombre impressionnants de médias partout dans le monde.

Les idées au centre de cette tribune se trouvent aujourd'hui développées dans cet ouvrage particulièrement stimulant en cette période de crise économique, sociale, environnementale et sans doute politique, dans de nombreux pays de vieille démocratie.

Le premier point est simple : il propose de faire grandir la démocratie en entreprise afin de mieux équilibrer le poids des investisseurs en capital avec celui des investisseurs en travail (selon la belle expression d'une des auteures) dans les décisions de l'entreprise. Il n'est pas d'organisation humaine qui ne devrait se concevoir aujourd'hui sans un management par le dialogue. le deuxième mérite attention aussi car il plaide pour ne plus considérer le travail comme une marchandise, ni même comme une ressource humaine mais comme ce qu'il devrait être, une réalité personnelle et subjective. On ne vend ne loue ni n'achète un être humain. La troisième ne devrait plus poser problème car il y a urgence à dépolluer un monde dont nous provoquons la destruction. Un pilotage démocratique des entreprises et un retour à un management humain devraient conduire plus rapidement à la dépollution que ne le ferait la gestion financiarisée des entreprises aujourd'hui.

Les idées développées dans ce livre sont radicales, très marquées idéologiquement et pêchent souvent par déconnexion avec certaines réalités économiques, comme le plaidoyer pour une garantie d'emploi, me semble-t-il. Mais refuser de prendre en considération ces idées qui sont tout de même issues de la recherche scientifique menée dans les meilleures universités du monde pêcherait par un même quoiqu'opposé marquage idéologique.

Il devient urgent que les acteurs en entreprise et en politique examinent ces idées, en débattent et surtout entament des projets pilotes pour en vérifier la pertinence.

Il est évidemment permis de ne pas être convaincu par tous les développements de cet ouvrage, mais il faudrait être téméraire, pour ne pas dire de mauvaise foi, à prétendre que les recettes du passé et la plupart des recettes actuelles nous sortiront de l'ornière.

Démocratiser, démarchandiser et dépolluer devraient devenir des enjeux prioritaires et fédérateurs de nos engagements politiques et professionnels.

(PS Si l'objectif de l'écriture inclusive est évident et essentiel, cette méthode alourdit la lecture. Après des siècles où le masculin l'emportait au pluriel, il faudrait faire du féminin la nouvelle norme au pluriel. Cela rendrait la lecture plus digeste que l'écriture inclusive)
Lien : HTTPS://democratisingwork.org
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ces chambres de représentation des travailleurs doivent désormais être dotées de droits similaires à ceux des conseils d’administration afin de soumettre le gouvernement de l’entreprise (le top management) à une double majorité.
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