Le travail s'est vu questionné suite aux bouleversements apportés par le Covid-19. Il y a ceux qui ont eu la chance de pouvoir télé-travailler, qui en général occupent des postes valorisants, correctement rémunérés; et puis, il y a les autres, les premiers de corvée. Les ouvriers d'usine, les éboueurs, le personnel de ménage, les soignants, les caissières de super-marché...
Ce livre a été écrit avant la pandémie, mais il ne manque pas de souligner cette dichotomie entre les emplois dits "de qualité" et les autres.
Dominique Méda montre que depuis l'augmentation massive du chômage, les pouvoirs publics se sont polarisés sur la quantité de travail, la qualité de celui-ci passant visiblement au second plan. Elle dénonce l'hypocrisie des statistiques internationales, qui raisonnent uniquement sur la durée de travail à temps plein. Prenant l'exemple de l'Allemagne, où les emplois à temps partiel sont plus nombreux qu'en France (25% contre 17% chez nous), elle montre que cela fausse le débat, et masque un choix de société: plus encore que nous, l'Allemagne a favorisé le développement des emplois fragmentés et mal payés, qui plus est, souvent réservés aux femmes.
La première partie est une brève histoire du concept de travail, et de la représentation que s'en est fait la société au fil du temps. Pendant des millénaires,
le travail ne fut pas valorisé, voire méprisé. Ce n'est qu'au 18ème siècle qu'il devint officiellement le facteur principal de production de richesses (tout en restant considéré comme pénible). Et il faudra attendre le 19ème, pour qu'il soit célébré par des auteurs aussi dissemblables que Hegel et Marx, pour déclarer que
le travail est l'essence de l'être humain, le facteur essentiel d'une liberté créatrice...
On apprendra avec intérêt que si le temps de loisir a constamment augmenté, le temps libre des classes supérieures, quant à lui, reste stable: les personnes qui occupent des emplois très qualifiés travaillent toujours autant, ce sont les sans-diplôme qui ont acquis des heures de loisir en plus... Et que la semaine de travail aux horaires réguliers, diurnes, avec une durée de travail proche de la moyenne nationale, ne concernerait guère qu'un salarié sur trois, Les horaires atypiques ne le sont donc plus.
On notera également qu'il a fallu attendre 2014 pour avoir une évaluation objective de la Réduction du temps de travail, la célèbre RTT. Établie par la commission d'enquête de l'assemblée nationale, cette étude a conclu que 350 000 emplois ont été créés, sans impact sur la compétitivité de la France, et pour un coût relativement faible, si on le compare à celui des allègements de cotisations sociales accordées aux entreprises sans contrepartie d'embauche.
Le travail reste un élément fondamental de notre vie, mais plus d'un salarié français sur deux déclare subir un stress régulier au boulot. Un quart d'entre eux a été victime d'un problème psychologique grave, tel qu'un burn-out ou une dépression. 35% des ouvriers non qualifiés, en outre, déclarent ne pas aimer leur travail. Quant aux jeunes diplômés, ils se préoccupent de plus en plus du sens de leur travail. Faut-il compter sur le développement des technologies, en particulier l'informatique, l'intelligence artificielle, pour améliorer cette situation? C'est pas gagné...