« De tous les cirques le plus beau
Est celui du Dr Lao.
Entrez, entrez et vous verrez
Ce dont jamais nul n'a rêvé. »
Le cirque du Dr Lao vient de faire son entrée dans la paisible ville d'Alabone, Arizona, après avoir annoncé sa venue à grand renfort de placards racoleurs. Intrigués, et privés de divertissement depuis longtemps (nous sommes en pleine Grande Dépression), les habitants, toutes origines et tous milieux confondus, affluent pour voir la parade qui ne paye pas de mine, et dont la publicité promet un véritable bestiaire, sirènes, licornes, Sphinx, satyre, Méduse, loup-garou, ainsi que de l'érotisme torride avec des femmes sublimes.
D'abord sceptiques, les habitants se laissent peu à peu gagner par la magie du cirque. Une magie si envoutante que chaque individu semble percevoir quelque chose de personnel dans les attractions, de pénétrant, qui touche à l'intime, aux craintes ou aux désirs les plus secrets…jusqu'à l'acmé, jusqu'à ce dernier numéro, avant que ne disparaisse cette caravane de l'étrange et que la vie des habitants d'Abalone ne soit transformée à jamais.
Une ville, une journée, une galerie de portraits…
Charles G. Finney fait d'abord place aux habitants avant de faire entrer la parade du mystérieux Chinois, le Dr Lao, et de son assistant
Apollonios de Tyane. le lecteur est frappé par la singularité et la modernité de ce court roman, paru en 1935, qui fait la part belle au cynisme, à l'humour, à la sensualité, aux considérations religieuses. Mais c'est surtout l'écriture de
Charles G. Finney qui séduit, la finesse avec laquelle il donne chair à ses personnages, façonnés en quelques lignes grâce à une langue qui les incarne magnifiquement, qu'ils soient correcteur, étudiants membres d'une fraternité, enseignante, ouvriers, hommes, femmes, enfants…
Le cirque du Dr Lao nous offre un spectacle protéiforme servi par un langage qui ne l'est pas moins, qui serpente de personnage en personnage, de monstre en monstre, d'illusion en vérité, de divertissement en bouquet final, sans compter le délicieux dictionnaire en fin de volume. Ce livre est l'un des plus singuliers que j'ai lus, avec
Fata Morgana de
Kotzwinkle.