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Marie-Claire Bancquart (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070385683
384 pages
Gallimard (25/11/1992)
3.58/5   60 notes
Résumé :

Un grand amour, cruel et sans tendresse, un amour qui ne pardonne pas, c'est le Lys rouge, histoire d'un couple que déchire la jalousie.

C'est aussi, dans l'oeuvre d'Anatole France, un livre d'un ton tout particulier où l'auteur se révèle un homme douloureux, tourmenté et, par là, diffèrent du personnage érudit et sceptique auquel le public était accoutumé.

Pour Thérèse Martin-Bellème comme pour Jacques Dechartre " l'amour... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Le Lys rouge / Anatole France (1844-1924)Prix Nobel 1921
La comtesse Thérèse Martin-Bellème dans son salon parisien attend ses visiteurs d'un soir tout en arrangeant les bouquets, gerbes de fleurs et branches d'obiers en fleurs ornées de leur petite boule argentée très décoratives. Elle semble visiblement s'ennuyer, retrouvant un fauteuil et feuilletant les oeuvres poétiques de son amie Vivian Bell qui l'a invitée à faire bientôt un voyage en Italie. Il faut dire que la poétesse a son amour là-bas à Fiesole, un sigisbée princier d'une grande beauté.
Les premiers invités arrivent. C'est une longue soirée de conversations littéraires et les hôtes s'installent en parlant des derniers romans publiés. Thérèse est approchée par un de ses amis, Paul Vence, qui lui propose de lui présenter un certain Dechartre sculpteur à ses heures. Cette conversation n'a pas échappé à Robert le Ménil, l'amant de Thérèse depuis des années, et il lui fait part de sa surprise.
Thérèse connait depuis le jour même de son mariage un certain désespoir alors que l'éveil ardent de son imagination et le travail mystérieux de sa chair la jetaient dans un trouble mêlé de désirs et de craintes. Née riche Montessuy, fille de banquier, elle avait grandi dans le château historique familial de Joinville. Elle n'avait pas choisi son mari, le comte Martin-Bellème ; c'est son père qui en avait décidé pour un homme issu de la noblesse impériale. Après six années de fidèle ennui, Thérèse avait repris sa liberté face à un homme froid, maladif, sans amour et égoïste. La séparation de corps fut franche et entière. Cependant ils vivent sous le même toit et Thérèse y souffre paisiblement en rêvant.
Deux ans plus tard, elle cède à Robert le Ménil et tout deux filent le grand et parfait amour. Aujourd'hui, trois ans de plus ont passé et ils se voient régulièrement dans un petit appartement de la rue Spontini. Thérèse est aimée mais elle souffre d'un ennui chronique. Et puis Robert a décidé d'aller chasser pendant plusieurs jours avec des amis. Thérèse est contrariée estimant que si c'est pour se voir si peu, autant ne pas se voir du tout. Cette journée pourtant sans querelle semble entacher leur relation d'une saveur étrange.
Venant de la rue Spontini, sur le chemin du retour vers le domicile conjugal, elle rencontre Jacques Dechartre qui subit alors le charme d'un face à face impromptu presque intime avec cette femme qu'il ne connait pas vraiment.
Pour l'heure, rentrée chez elle, Thérèse estime qu'elle n'a connu de l'amour que des petites ivresses courtes d'où elle sortait un peu triste. Elle s'interroge : et s'il existait des amours où l'on s'abimait délicieusement ! Les rêves de la première jeunesse, du fond du passé, revenaient à elle …
Thérèse retrouve donc son amie Miss Bell à Fiesole près de Florence. Vivian Bell est une originale : avec un tel patronyme elle ne pouvait collectionner que les clochettes, des grosses, des petites, des très anciennes et des modernes, enfin une collection unique dont elle dit que ce sont ses armes parlantes. Une insolite découverte, en attendant l'arrivée de Jacques Dechartre convié par Miss Bell, qui n'aura pas duré trop longtemps.
Très vite Thérèse comprend qu'avec Dechartre elle découvre la vraie vie. Comme elle, il aime l'art, mais ils vont vite découvrir que la chair est aussi leur passion. Depuis qu'ils se sont retrouvés à Florence, elle aime le sentir près d'elle, l'entendre, car il lui rend la vie aimable, diverse et colorée, neuve, toute neuve. Il lui révèle les joies délicates et les tristesses délicieuses de la pensée, il éveille les voluptés qu'elle porte en elle, dormantes en elle depuis si longtemps.
Les conseils de son amie Vivian ne sont pas toujours pour la tranquilliser quand elle lui explique que choisir un homme est très difficile quand on sait que avec un homme aimé des femmes, elle ne sera pas tranquille et avec un homme que les femmes n'aiment pas, elle ne sera pas heureuse. Quoiqu'il en soit, Dechartre lui déclare son amour. Et Thérèse sent qu'il est pour elle, cet homme qui lui donne de la vie un goût nouveau, délicieux et charmant, en abandonnant toute prudence.
Robert le Ménil, torturé de jalousie quand il apprend, de retour de la chasse, où est Thérèse et avec qui elle est, ne va pas renoncer aussi facilement et son voyage vers Florence annoncé par courrier peut tourner au drame et susciter aussi la jalousie de Dechartre tout en détruisant le bonheur des amants.

Dans un style merveilleusement ciselé et poétique, Anatole France nous charme avec cette belle histoire d'amour, avec des descriptions sublimes de la région florentine : « Thérèse glissait, vêtue de gris sombre, sous les cytises en fleurs. Les buissons d'arbouses couvraient d'étoiles argentées le bord escarpé de la terrasse et, sur le penchant des coteaux, les lauriers dardaient leur flamme odorante. La coupe de Florence était toute fleurie. » C'est là que Vivian explique à Thérèse que le lys rouge est l'emblème de Florence.
Plus loin, toujours le beau style limpide, aisé et élégant, sans vaine subtilité, aux nuances les plus fines, d'Anatole France nous envoûte et nous révèle la beauté sensuelle de Thérèse toute proche de Jacques Dechartre : « N'ayant gardé que la fine chemise rose, qui, glissant en écharpe sur l'épaule, découvrait un sein et voilait l'autre, dont la pointe rougissait à travers, elle jouissait de sa chair offerte, ses lèvres s'entr'ouvraient… Jacques ne connut plus rien que ces mains légères, ces lèvres ardentes, cette gorge pleine et toute cette chair offerte. Il n'eut plus d'autre idée que de s'anéantir en elle.»
Et plus loin : « Quand Thérèse reprit avec Jacques, dans la nuit, le chemin du château, il lui restait aux lèvres un goût de baisers, et dans les yeux l'image de son ami qui, debout au tronc d'un bouleau, semblait un faune, tandis que, soulevée dans ses bras, les mains nouées à la nuque, elle se mourait de volupté… »
L'exploration du sentiment amoureux est dans ce roman portée à son paroxysme, parallèlement à l'analyse du sentiment de jalousie. La tension est permanente et la passion dévastatrice. Cette analyse d'un amour cruel, sans tendresse, et qui ne pardonne jamais, est remarquablement conduite à travers le personnage tourmenté de Dechartre, qui avoue que « dans la jalousie, il y a de l'orgueil de sauvage, une sensibilité maladive, un mélange de violence bête et de faiblesse cruelle, une révolte imbécile et méchante contre les lois de la vie et du monde. »
Tout au long de ce beau roman largement autobiographique, histoire d'un couple que déchire la jalousie, histoire aussi d'un amour interdit, Anatole France qui vécut de nombreuses années avec Madame de Caillavet, se livre au travers de ses personnages à des réflexions pertinentes sur divers sujets : Napoléon , l'art, la littérature, le mariage et bien sûr la politique sous la IIIe République.
En résumé, un roman très classique au sens noble du terme, un grand moment de lecture au charme captivant.



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Un classique au sens noble du terme...Une écriture ciselée, poétique, nous envoute rapidement...L'exploration du sentiment amoureux est ici portée à son paroxisme tant on détecte de la tension, de la passion, et l'impraticable chemin qui rend l'amour impossible tant il est fort, dramatiquement beau dans sa sauvagerie, son excès, son interdiction aussi...Car l'amour de Thérèse est interdit, mais pourtant il est là, avec ses élans de désirs, de peines, et d'espérances...On en viendrait presque à penser que l'amour ne peut être que cette douleur qui navigue entre l'attente et la possession, qu'il n'y a de repos qu'éphémère et qu'il reste merveilleux dans sa brûlure. Un grand moment de lecture pour les passionnés des phrases justes, des images douces et voluptueuses, d'une recherche constante de ce croustillant qui vous fait mordre dans le texte comme dans du bon pain.
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Déception! Pourtant Anatole France me semblait être une valeur sûre, un auteur rencontré dans mes livres de classes de l'école primaire et aussi dans des dictées à la même époque. Bien sûr l'écriture est belle dans son classicisme, mais je me suis ennuyée avec ce verbiage qui ne m'a pas semblé digne d'intérêt, avec ces questions existentielles, ce mysticisme, cette société oisive paradant entre châteaux, salons, spectacles, promenades, intrigues politiques, saisons de chasse ou champs de course, et pour certains aventures extra-conjugales. J'ai peiné à lire ce roman de près de 400 pages traitant de la jalousie... Ton trop larmoyant à mon goût, un livre qui aura mal vieilli, je suis restée insensible à ces tourments de coeurs, Je ne ressens aucune empathie pour les protagonistes. Rencontre manquée avec ce livre.
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Le regard ironique et hardi d'Anatole France s'élance dans ce livre consacré à l'amour avec une énergie rare. Alors que l'auteur voile généralement la dureté de son ton sous un drap de velours, il aborde ici les relations amoureuses avec une acuité qui est poussée jusqu'à la cruauté, sans jamais perdre en justesse, bien au contraire.

C'est finalement une sorte de poésie de la douleur qui se tisse au fil des pages et qui prend toujours le lecteur à rebours, sans pour autant l'abandonner : un charme mystérieux se dégage de cette oeuvre, comme un parfum entêtant, une musique acharnée, un tour de force que l'on refuse et qui nous fascine malgré tout.
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Des personnages bien plats et beaucoup de longueurs. L'héroïne n'en est pas une, c'est une femme du monde qui s'ennuie, n'aimant pas les discussions de salon, n'appréciant pas forcément l'art même en contemplant les merveilles florentines, n'ayant rien à dire à son mari, n'observant que les défauts de ses proches, vieille femme ridicule, amant mettant en premier sa famille et ses chasses... L'amant, ou plutôt le deuxième, est présenté comme un artiste, mais il est peu montré dans son génie créateur. Et surtout, il s'intéresse à Thérèse car "elle est son argile et il va la façonner". Avec un regard actuel, j'y vois donc un pervers narcissique, prêt à toute les manipulations pour garder son emprise sur Thérèse, jaloux même du passé, voulant contrôler sa correspondance, ses loisirs...
Est-ce vraiment une histoire d'amour quand la femme se donne parce qu'elle s'ennuie et qu'un homme un peu nouveau passe ? Elle n'aime ni son art qui est très peu évoqué, ni son physique qui n'est pas décrit, ni même forcément leurs étreintes ; en tout cas, la sensualité n'est pas présente dans l'écriture. Non, elle "le prend" pour lui faire plaisir. Elle a beau répéter sans cesse qu'elle n'avait jamais aimé avant lui, on ne comprend pas pourquoi elle l'aime. Et beaucoup de longueurs sur l'art et la politique...
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Elle donna un coup d'oeil aux fauteuils assemblés devant la cheminée, à la table à thé, qui brillait dans l'ombre, et aux grandes gerbes pâles des fleurs, montant au-dessus des vases de Chine. Elle enfonça la main dans les branches fleuries des obiers pour faire jouer leurs boules argentées. Tout à coup, elle se regarda de loin dans une glace avec une attention sérieuse. La taille cambrée, la joue sur l'épaule, elle suivait de l'oeil les ondulations de sa forme longue dans le fourreau de satin noir autour duquel flottait une tunique légère, semée de perles où tremblaient des feux sombres. Puis elle s'approcha de la glace, curieuse de connaître son visage de ce jour-là. L'image lui renvoya un regard tranquille, comme si cette aimable femme, qu'elle examinait et qui ne lui déplaisait pas, vivait sans joie aiguë et sans tristesse profonde.
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En approchant du Petit-Pont, ils trouvèrent à leur droite des échoppes de ferrailles, éclairées par des lampes fumeuses. Elle y courut, fouilla du regard la poussière et la rouille des étalages. Son instinct de chercheuse mis en éveil, elle tourna l'angle de la rue et s'aventura jusque vers une baraque en appentis, dans laquelle, sous les solives humides du plancher, pendaient des loques sombres. Derrière les vitres sales, une bougie éclairait des casseroles, des vases de porcelaine, une clarinette et une couronne de mariée.
Il ne comprenait pas le plaisir qu'elle prenait :
- Vous attraperez de la vermine. Qu'est-ce qui peut vous intéresser là-dedans?
- Tout. Je songe à la pauvre mariée dont la couronne est là sous un globe. Le dîner de noces se fit à la porte Maillot. Il y avait un garde républicain dans le cortège. Il y en a dans presque toutes les noces qu'on voit au Bois, le samedi. Ils ne nous émeuvent pas, mon ami, tous ces pauvres êtres ridicules et misérables, qui entrent à leur tour dans la grandeur du passé?
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L’antisémitisme fait partout des progrès effrayants. En Russie, mes coréligionnaires sont chassés comme des bêtes sauvages. En France, les emplois civils et militaires se ferment aux Juifs. Ils n’ont plus accès dans les cercles aristocratiques. Mon neveu, le jeune Isaac Coblentz, a dû renoncer à la carrière diplomatique, après avoir passé brillamment l’examen d’admission. Les femmes de plusieurs de mes collègues, lorsque madame Schmoll leur fait visite, étalent sous ses yeux, avec affectation, des feuilles antisémitiques. Et croiriez-vous que le ministre de l’Instruction publique m’a refusé la croix de commandeur que je lui demandais ? Voilà l’ingratitude ! voilà l’aberration ! L’antisémitisme, c’est la mort, entendez-vous, de la civilisation européenne.
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«  Oh ! mes livres !… On ne dit rien dans un livre de ce qu’on voudrait dire. S’exprimer, c’est impossible !… Eh ! oui, je sais parler avec ma plume, tout comme un autre. Mais parler, écrire, quelle pitié ! C’est une misère, quand on y songe, que ces petits signes dont sont formés les syllabes, les mots, les phrases. Que devient l’idée, la belle idée, sous ces méchants hiéroglyphes à la fois communs et bizarres ? Qu’est-ce qu’il en fait, le lecteur, de ma page d’écriture ? Une suite de faux sens, de contresens et de non-sens. Lire, entendre, c’est traduire. Il y a de belles traductions, peut-être ; il n’y en a pas de fidèles. Qu’est-ce que ça me fait qu’ils admirent mes livres, puisque c’est ce qu’ils ont mis dedans qu’ils admirent ? Chaque lecteur substitue ses visions aux nôtres. Nous lui fournissons de quoi frotter son imagination. Il est horrible de donner matière à de pareils exercices. C’est une profession infâme."
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L'air humide, tiédi par un soleil encore faible et déjà généreux, soufflait l'inquiète douceur du printemps. Thérèse, accoudée à la balustrade, baignait ses yeux dans la lumière. A ses pieds, les cyprès élevaient leurs quenouilles noires et les oliviers moutonnaient sur les pentes. Au creux de la vallée, Florence étendait ses dômes, ses tours et la multitude de ses toits rouges, à travers laquelle l'Arno laissait deviner à peine sa ligne ondoyante. Au delà, bleuissaient les collines.
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Videos de Anatole France (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anatole France
Rencontre avec Guillaume Métayer autour de son livre A comme Babel, traduction, poétique aux éditions La rumeur libre.
avec l'Association Franco-Hongroise de Midi-Pyrénées.


Guillaume Métayer, est né en 1972. Poète, traducteur et chercheur au CNRS, il a publié des ouvrages d'histoire de la littérature et des idées (Voltaire, Anatole France, Nietzsche) et des traductions notamment de l'allemand (poésie de Nietzsche, Andreas Unterweger), du hongrois (Attila József, István Kemény, Krisztina Tóth), et du slovène (Aleš Šteger).


A comme Babel
C'est dans son atelier que Guillaume Métayer nous invite, en nous proposant de partager avec lui des expériences singulières de traduction. La formule « traduction, poétique », sous-titre du présent essai, doit s'entendre : une première fois, au titre de la riche tradition de réflexion théorique dans laquelle il s'inscrit, et une deuxième fois, au sens où l'effort de la traduction apparaît ici sous sa forme la plus vivante et la plus incarnée. Les douze chapitres de cet essai, forment autant de rebondissements réflexifs et poétiques, qui se lisent comme le récit d'une traversée : traversée des langues, des espaces - notamment des champs centre-européen, allemand, slovène et hongrois dont l'auteur est un des meilleurs connaisseurs actuels. À l'horizon de ce parcours parfois périlleux, la catastrophe heureuse par quoi la poétique de la traduction se fait, purement et simplement, poésie.


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06/04/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER



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