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EAN : 9782373850611
368 pages
Les éditions du Sonneur (24/05/2017)
4.5/5   12 notes
Résumé :
L’Amérique de 1934 est plongée dans la Grande Dépression. Souhaitant réunir un autre type d’informations que celles récoltées par les fonctionnaires de l’administration, Harry Hopkins, proche de Roosevelt et directeur de la FERA (Federal Emergency Relief Administration) constitue une équipe de seize « enquêteurs », composée pour l’essentiel d’écrivains et de journalistes, et confie à chacun d’entre eux une région du pays particulièrement touchée par la crise. Marth... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
♫ Nobody knows the trouble I've seen
Nobody knows my sorrow ♪ ♫

Martha Gellhorn a vu la misère, ça oui pas de doute. C'est pas tant qu'elle ne savait pas ce que c'était, en plein coeur de la Grande Dépression tout le monde avait une idée assez précise de la définition de l'expression alors quand Roosevelt, mettant en place son New Deal et pour connaître exactement les urgences auxquelles s'attaquer en priorité pour redresser l'économie de son pays, décida d'envoyer des reporters et écrivains dans les états les plus sinistrés par le krach de 1929, Martha Gellhorn – tout juste rentrée de plusieurs années de reportages en Europe – se porta naturellement volontaire. Elle fut alors déléguée aux régions de la Nouvelle-Angleterre, du New-Jersey et des deux Caroline. Et c'est là, pile là, dans ces états dévastés qu'elle l'a prise en pleine face, la misère noire. Celle qui lui fera écrire que "Les hommes sont dans un pétrin monstrueux. Seigneur que les mots semblent pauvres : Les hommes sont confrontés à la faim et au froid, à la perspective de devenir des mendiants assistés, d'être jetés à la rue et de voir leur famille dispersée. Je ne sais pas ce qu'un homme peut endurer de pire."

Les témoignages recueillis auraient pu parler d'eux-mêmes, pour peu qu'on se soit demandé à quel point la pauvreté avait condamné ceux qui étaient déjà des gagne-misère avant le naufrage économique, mais Martha Gellhorn choisit de nous plonger dans les ténèbres de cette crise sans précédent sous la forme du docufiction et de ses rencontres émergent quatre histoires distinctes. D'abord le quotidien d'une vieille femme qui voit en Roosevelt et son programme de réhabilitation rurale (on vous file une ferme, des graines, une mule et en échange on récupère un pourcentage sur les récoltes) une lumière salvatrice ; puis l'histoire de syndicalistes meneurs de grève qui perdent leur emploi quand celle-ci échoue ; le triste choix de Jim qui, quand l'argent vient à manquer, vole son employeur pour payer un beau mariage à sa fiancée et enfin l'écoeurant destin de Ruby, petite gamine de 11 ans qui se demande comment elle pourrait bien se payer des patins à roulettes, des glaces et des bonbons et dont les fréquentations douteuses auront vite fait de trouver réponse à sa question en lui expliquant que certains hommes sont prêts – sous certaines conditions qu'on ne prendra pas le risque de lui expliquer – à donner de l'argent à de toutes jeunes filles comme elle.

Même si concernant cette période je persiste à placer le prestigieux Hard Times de Studs Terkel au sommet, Martha Gellhorn loin d'être en reste met en mots ce que Dorothy Lange et Walker Evans ont mis en image et nous brosse un tableau vivant et intelligent qui, malgré les décennies, ne nous épargne rien de la détresse et de la misère dans lesquelles ont plongé ces pauvres gens quand ils ont vu leur vie ruinée après les fermetures successives de toutes leurs usines et ateliers.

Entre l'écriture au cordeau, son sens aiguisé de l'observation et l'astucieuse retranscription des témoignages recueillis, il est bien difficile de ne pas voir émerger la future grande écrivaine, journaliste et reporter de guerre que Martha Gellhorn allait devenir.
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Martha ♥️

Celle qui fut correspondante de guerre, qui couvrit presque tous les conflits majeurs, de la guerre civile espagnole à l'invasion américaine du Panama en 1989, celle qui fut la seule femme aux côtés des 157 000 hommes à débarquer le 6 juin 1944 en Normandie, voulait qu'on se souvienne d'elle en tant que romancière. Pour la plupart des gens, elle est connue pour avoir été l'une des quatre épouses d'Hemingway... Or, Martha Gellhorn n'est pas une note de bas de page dans la biographie de quelqu'un d'autre, elle est l'une des grandes figures féminines du 20ème siècle.

« J'ai vu la misère », publié en 1936, est son premier livre, composé de quatre nouvelles, lestées d'une évidente valeur documentaire. Chaque histoire résulte de l'observation directe de Martha Gellhorn des ravages la Grande Dépression. Sur la base des rapports qu'elle transmettait à l'administration Roosevelt en tant que jeune journaliste de terrain, elle a construit des fictions qui donnent un visage et des prénoms à ceux qui furent les victimes de ces années noires. Compatissante mais surement pas larmoyante, Gellhorn raconte la pauvreté écrasante, la faim, le chômage, le désespoir et la honte de devoir faire appel à l'aide sociale. « Ruby » est sans doute la nouvelle la plus bouleversante de ce recueil ; l'histoire de cette fille rêveuse de 11 ans prête à tout pour s'offrir des patins à roulettes.

D'une écriture directe et vive, Martha Gellhorn se fait la porte-parole de ces gens ordinaires, elle leur rend dignité, humanité et dessine avec sobriété le portrait d'une Amérique déclassée. Un recueil remarquable qui fît entendre pour la première fois la voix de cette femme exceptionnelle.

Traduction de Denise Geneix, révisée par l'éditeur.
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Une écriture claire, incisive. On voit les personnages évoluer. L'écriture dit tout grâce au style, simple et rythmé. L'intention est très claire. Cela rassure le lecteur. Mais à la fois, on se dit: peut-être est-ce maintenant que tout cela arrive..
Entre les effets de la crise de 29, et tout ce qui suivra, et ce que nous vivons en 2022, il y a beaucoup de similitudes. J'ai aimé ce livre et souhaite m'inspirer de Martha Gellhorn afin de la mettre en lumière dans le roman que je suis en train d'écrire
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critiques presse (1)
Liberation
01 juillet 2017
Gellhorn brode peut-être, mais elle n’invente pas. Romancière, elle se met à la place des pauvres gens, dans leur peau. Ce sont de bonnes histoires, bien racontées, un peu vieillottes.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Et aujourd'hui, il apparaissait à Jim qu'il savait des choses qu'ignoraient tous ces gosses : il savait que le travail était dur à trouver, que la plupart du temps il n'y en avait pas du tout, que lorsqu'enfin vous en dégottiez un, c'était pour une journée, pour une semaine, et qu'il fallait alors faire trimer vos muscles comme si vous n'étiez plus qu'une paire de bras, comme si votre tête ne servait à rien, posée là-haut simplement pour la décoration.
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Voilà que des camarades, des ouvriers comme eux, tout aussi pauvres et démunis, venaient ici, encerclés de policiers, pour leur voler le travail, pour briser leur grève. Après trois semaines de froid, d'attente, d'appréhensions nocturnes, de scepticisme chez leurs femmes, ces gars avaient décidé de briser la grève ! Leur colère était teintée de stupéfaction. Ils s'étaient attendus à cela, mais ne pouvaient y croire. Il leur paraissait naturel que la police, la direction, les journaux soient contre eux – mais pas leurs frères.
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Ils entrèrent tous dans la classe, une grande salle carrée déjà imprégnée d'une odeur de pieds, de pull-over humide, de vieux bonbons. Les garçons se bousculaient, cherchant à s'asseoir à côté – ou au contraire, le plus loin possible – de leur amoureuse du moment. Les filles gloussaient et annonçaient d'un air faussement effarouché : « J'm'assieds là. » Puis elles attendaient la ruée ; si rien ne se passait, elles choisissaient leur place près d'une fille plus en vue.
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Le problème, c'est qu'ils agissent comme si y nous f'saient une faveur en nous donnant du travail à quinze cents de l'heure [...] Je m'plains pas, remarquez bien ; les temps sont durs, faut être heureux avec c'qu'on trouve. Mais le travail reste le travail, c'est une faveur pour personne.
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Videos de Martha Gellhorn (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Martha Gellhorn
Pour consulter les titres parus dans cette collection : https://www.lesbelleslettres.com/collections/20-memoires-de-guerre
La collection Mémoires de guerre a pour but de publier des textes inédits ou oubliés d'écrivains, de journalistes, de soldats sur les conflits qu'ils ont vécus. Celle-ci a débuté à l'automne 2012 avec la publication de deux auteurs majeurs : Curzio Malaparte avec La Volga naît en Europe récit de son expérience de correspondant de guerre sur le front russe durant le second conflit mondial et Winston Churchill, avec, son tout premier ouvrage, inédit en France, La Guerre de Malakand dans lequel le futur prix Nobel de littérature raconte, en 1897, sa guerre en Afghanistan. .
Si la collection a publié à parts égales ces dernières années les grands classiques du genre, parmi lesquels les écrits de John Steinbeck, Martha Gellhorn, Eugène Sledge, Evelyn Waugh, elle a aussi accueilli des auteurs contemporains. Des militaires français comme le commandant Brice Erbland, pilote d'hélicoptère en Afghanistan et en Libye, Guillaume Ancel et ses témoignages sans concessions sur la guerre en ex-Yougoslavie et au Rwanda, André Hébert, jeune militant communiste parti se battre aux côtés des Kurdes contre Daech, la journaliste Pauline Maucort et ses portraits de soldats victimes de stress post-traumatique ou encore les officiers de la Légion étrangère qui ont témoigné dans un ouvrage collectif. La collection vient également d'obtenir le prix Erwan Bergot 2020 pour le texte du dernier Compagnon de la Libération, Hubert Germain.
Mémoires de guerre est dirigée par François Malye, petit-fils d'un des fondateurs des éditions Les Belles Lettres et grand reporter au magazine le Point. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages historiques : Histoire secrète de la Ve République (en collaboration, La Découverte, 2006) ; Napoléon et la folie espagnole (Tallandier, 2007) ; François Mitterrand et la guerre d'Algérie (avec Benjamin Stora, Calmann-Levy, 2010) ; La France vue par les archives britanniques (avec Kathryn Hadley, Calmann-Lévy, 2012 . De Gaulle vu par les Anglais, Calmann-Lévy, 2020, reédition) Camp Beauregard, Les Belles Lettres, 2018.
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