L'ombre tourne sous le hêtre
sans que le soleil descende.
Le soleil stagne au zénith
les pommiers plient sous leur charge.
La respiration d'une herbe,
le chemin secret des taupes,
la fumée droite et tranquille
d'un hameau qui brûle au loin.
Sous le silence on entend
un autre silence.
Les respirations du ciel
sur l'étendue des jardins
Les nuages sur les maisons
comme des toitures.
Une ondée soudaine suffit
à tendre en l'air l'arc-en-ciel.
Le brasier solaire
se rallume sur le pays.
L'arbre sur le mur
laisse luire son feuillage.
Respire encore, ô coeur, comme un feuillage
qui se balance à peine avant l'orage
ou qui s'égoutte après l'assaut des pluies.
Ou laisse au moins s'effeuiller ce langage
longtemps dans l'ombre ainsi qu'au loin les roses.
Baraques
On cheminait sous les ramures avec la pleine lune en marche, mais maintenant l'heure est étale. La lune luit sur les baraques, lune éclatante sur mon obscurité, lune évidente sur ma précarité. Immense la nuit comme chaque instant. J'ai marché dans le lait de la lune sans me désaltérer.
WOHIN
Le vent secoue les ronciers sur le mur,
secoue sur le coteau les pins hurleurs.
Où va le vent ? Où va le temps ? Où vais-je ?
La clarté même a changé de nature.
Les yeux fermés j’entends battre mon sang,
faiblir le jour, se retirer les heures.
La nuit du ciel m’enferme dans ma nuit
Soudain la voix, l’ombre et la voix du garde,
la lueur d’acier, l’instant, le vent qui passe,
la lueur des yeux, la paix du cœur et rire.
Jean GROSJEAN – Dans l’univers de la Parole (Chaîne Nationale, 1956)
L’émission « Le poème et son image », par Pierre Emmanuel, diffusée le 12 avril 1956 sur la Chaîne Nationale.