« Les histoires de géants sont aussi vieilles que le monde. »
Universelles, elles représentent « l'éternelle peur du genre humain : être écrasé - ou dévoré - par plus grand que soi. »
L'auteur Gudule reprend dans cette compilation quatorze histoires plus ou moins célèbres d'ogres et de géants, puisées dans l'Antiquité gréco-romaine, la Bible, les contes d'Orient et d'Occident.
Ses récits sont aussi courts que bien écrits.
Cet incipit, par exemple, me ravit :
« Jadis, lorsque les contes étaient réalité, un géant, prenant la lune pour un petit pain au miel, l'avait mangée. »
Délicieuse régression vers un temps où, ne sachant pas lire, j'écoutais les livres racontés par mes parents, mes soeurs, en me régalant des illustrations. Il me plaisait d'imaginer que ces histoires étaient 'vraies', datant d'une époque révolue, ainsi que le laissent espérer les formules d'ouverture : 'Il était une fois', 'Once upon a time'...
Comme le précise l'auteur en postface, ces personnages à l'allure terrifiante nous renvoient à deux frayeurs : dévoration et prédation.
Mais ces légendes et leurs morales nous rassurent, aussi : la ruse et l'intelligence peuvent triompher de la force. Et le mal ne se cache pas toujours sous la laideur et le gigantisme.
On peut s'interroger sur le public visé par cette collection, car Gudule ne lésine pas sur les métaphores sexuelles, ni sur les images scatologiques - donnant à certains récits des accents rabelaisiens. On ne compte plus les orifices et les antres (estomac, grotte, utérus...), ce qui y entre, ce qui en sort...
Ce recueil, très agréable à lire, a en plus le mérite de résonner avec notre actualité - je cite l'auteur (postface) :
« L'on attribue le terme de 'géant' au pouvoir politique - cette puissance aveugle qui broie les faibles et hisse les ambitieux au sommet de la gloire. Ne qualifie-t-on pas les tyrans d'ogres ? Et ne les représente-t-on pas sous les traits de colosses, dominant la masse grouillante de leurs sujets, même lorsqu'ils étaient, comme Néron, Napoléon ou Hitler, de petite taille ? »
Idem, en économie, pour les 'géants' du marché...
Conclusion de Gudule, qui sera celle du billet : « A travers ces créatures fantasmatiques, c'est toujours une critique de notre société qui est proposée. A chacun de nous de la décrypter. »
• Bravo à Didier Millotte pour les illustrations pertinentes et amusantes (deux pour chaque histoire : une pour l'ouvrir, une pour la conclure).
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Me voici plongée dans le monde fantastique des contes. Et pour changer des contes classiques, je me laisse emporter par les ogres et les géants. Cet ouvrage regroupe donc plusieurs contes d'origines et de genre variés.
Selon le cas les ogres et les géants sont gentils ou méchants, mais toujours la lecture est agréable.
Je vais donc m'empresser découvrir d'autres ouvrages de cette collection.
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Les pêcheurs la craignaient : elle pouvait, à son gré, faire chavirer leurs barques. Les paysans, de même : il lui suffisait d'une incantation pour détruire leurs récoltes ou décimer leurs bêtes. Dès lors, afin de l'amadouer, ils lui offraient en holocauste qui sa belle-mère, qui son valet, qui sa femme acariâtre, qui l'un de ses voisins.
Durant un certain temps, cet arrangement fit bien l'affaire des villageois. Sous couvert de sacrifice, nombre d'entre eux assouvissaient impunément des vengeances personnelles ou résolvaient leurs différends. Cependant, vint un jour où la population fut à tel point réduite que les survivants prirent peur.
(p. 40)
- Je m'appelle Lune d'Avril, expliqua-t-elle. Et je suis la septième épouse du seigneur Tomoro, que l'on surnomme 'le Samouraï noir' en raison de ses moeurs.
- Quelles moeurs ? s'étonna Yun.
- Jadis, un oracle lui a prédit qu'il périrait de la main de son fils, de sorte qu'à chaque fois qu'une de ses femmes met un garçon au monde, il le mange. Ce faisant, il ne commet, selon lui, aucun crime, mais reprend simplement ce que son ventre a donné. C'est le droit légitime de tout père, prétend-il (...).
(p. 10)
Vous connaissez, bien sûr, l'histoire du Petit Poucet. Mais savez-vous qu'il existe une version asiatique de ce conte, antérieure sans doute à la nôtre et plus cruelle encore ?
La voici, telle que nous l'a rapportée de ses voyages en Extrême-Orient l'explorateur Marco Polo.
(...)
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note en bas de page : Marco Polo (1254-1324), voyageur vénitien, traversa toute l'Asie par la Mongolie où il vécut presque vingt ans. Le récit de ses voyages, écrit en français et intitulé 'Le Livre des merveilles du monde', fit longtemps référence en Occident.
Si je vous dis que mon métier, c'est bibliothécaire, ça vous évoque quoi ? Des lunettes ? Un chignon ? Une personne qui adore fait "chuuuut !" ?
Et si l'on balayait les idées reçues ? Et si l'on partait à la découverte de bibliothécaires de fiction qui ont le pouvoir de changer une vie, pour le meilleur et pour le pire ? Venez, je vous emmène...