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EAN : 9791090203365
560 pages
Editions Illador (01/09/2023)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Après plusieurs ouvrages de poésie, Anne Guerber Jézéquel franchit le pas du récit pour raconter le drame vécu par sa famille. Aujourd’hui prête à en démêler l’écheveau, elle met un doigt sur la plaie, et retrace une histoire dans l’Histoire que de nombreuses familles ont, elles aussi, traversée.

Ce récit minutieux, étayé de documents historiques et familiaux retrouvés, restitue l’atmosphère pesante de ces années de guerre : la clandestinité, les r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Dans la tourmente que nous avons traversée, aucune des régions françaises n'a été plus brave, plus française, plus dévouée que la Bretagne » proclamait le général de Gaulle le 21 juillet 1945 depuis le balcon de la mairie de Saint Brieuc, et, dans la France occupée, le village de Lézardrieux peuplé d'irréductibles bretons a résisté encore et toujours à l'envahisseur avec le réseau Turquoise, qui renseignait les alliés, et la mission Blavet, qui exfiltrait des aviateurs et des résistants vers l'Angleterre.

En détournant le vedette La Horaine dédiée à la maintenance des phares et balises des Cotes d'Armor, Turquoise aide le futur général Jouhaud et Emile Brossolette à rejoindre les Forces Françaises Libres. Pourchassé par les SS et les miliciens, le réseau compte 14 déportés dont la moitié ne sont pas revenus, rappelle Anne Guerber Jézéquel.

Parmi eux, Yvon et Simone, nés en 1924 et 1926, sont les enfants d'Yves et Marie-Louise Jézéquel. Fonctionnaire colonial, Yves, né en 1890, mobilisé en Afrique en 1914, puis engagé au Chemin des Dames est grièvement blessé le 17 avril 1917. Enucléé de l'oeil droit, démobilisé en 1919, il est élu maire de Trédarzec. En 1923, il épouse Marie-Louise Brandt dont le père est le conservateur du Musée de Saint Brieuc. En 1927, peu après la naissance de Simone, Yves devient totalement aveugle.

Yvon Jézéquel termine ses études au lycée de Saint-Brieuc en juin 1942 et part pour le lycée Saint-Louis de Paris afin de préparer le concours d'admission à l'école navale. le débarquement allié en Afrique du Nord saborde son projet. Il rejoint l'Angleterre en novembre 1943. Deux mois plus tard, le 30 janvier 1944, il est parachuté en Bretagne pour la mission Blavet. le 16 avril 1944, il est arrêté à la gare Montparnasse. Incarcéré à la prison Jacques Quartier de Rennes, torturé, transféré le 29 juin vers Compiègne, déporté le 28 juillet de Compiègne à Neuengamme, affecté à un commando de travail d'Hamburg, il disparait en janvier 1945.

Simone, membre du réseau Turquoise, trahie, est arrêtée à Rennes le 14 avril 1944. Son convoi part de Rennes le 2 aout vers Belfort d'où elle est déportée le 1er septembre 1944 vers Ravensbrück où le typhus l'achève en mars 1945.

Anne Guerber Jézéquel suit au jour le jour les trains qui emmènent Yvon puis Simone sur un réseau ferroviaire bombardé par l'aviation alliée, ralenti par les sabotages de la résistance, où l'avant garde américaine n'est qu'à quelques kilomètres du convoi de Simone en aout 1944 …

Simone, c'est à peine croyable, la résistante, s'est amourachée à 15 ans de la sentinelle allemande qui garde le pont près de la maison familiale. Amour impossible qui hante probablement ses dernières pensées. Amour partagé puisque ce soldat retourne à Lézardrieux en 1946 pour chercher son amoureuse ! Une romance qui évoque les romans le silence de la mer ou Suite française.

Au printemps 1944, Yves et Marie-Louise Jézéquel apprennent que leurs deux ainés sont emprisonnés à Rennes puis déportés en Allemagne, mais ensuite, alors que le territoire est libéré, à l'été 1944, que des résistants auto proclamés chassent Yves de la mairie de Lézardrieux qu'il administre depuis 1940, ils sont dans l'incertitude sur le sort de leurs enfants et cette double angoisse dure une année, entrecoupée de rumeurs, de fausses nouvelles, avant d'apprendre la fin tragique des deux résistants et l'absence de sépultures… « Nous n'irons pas vous visiter ce soir ».

Cette absence, puis ce double deuil, traumatise Alain, le petit frère, né en 1937, 11 ans après Simone, sa seconde maman : comment vivre après les héros ?

Après la guerre, Yves, réélu maire, puis sénateur, mène une carrière politique aux cotés des résistants René Pleven et Eugène Claudius-Petit, au service notamment des aveugles et victimes de guerre. Il meurt paisiblement en 1958.

Alain intègre le lycée Saint-Louis de Paris puis le corps préfectoral en 1959. Affecté en Normandie il a le bonheur de croiser Jacqueline qu'il épouse en 1970 et qui lui donne deux enfants Anne en 1971 et Yves en 1975. Préfet des Deux-Sèvres (1986-1989), il a le malheur de croiser Ségolène Royal qui brise injustement sa carrière. Elu maire de Lézardrieux en 1995, il meurt brutalement en 2003.

En racontant l'épopée familiale, Anne Guerber Jézéquel dresse le panthéon de la résistance armoricaine et le martyrologe des déportés ; elle a lu tous les témoignages, jeté ses filets sur internet, rencontré les derniers survivants et dessine un tableau bouleversant du réseau Turquoise, des embastillés de Rennes, des déportés des camps nazis. Son essai, complété par des dizaines de notes, est une fantastique base de données ; quel dommage que l'éditeur nous prive d'un index des noms cités et d'une bibliographie !

La nièce d'Yvon et Simone peint le portrait de ses aïeux et grave le tableau d'une Bretagne tournée vers le large, éprise de liberté. le souvenir de sa grand-mère durcie par les épreuves, la carrière de son père fragilisé par les drames de son enfance, la marquent durablement et son témoignage vaut pour elle thérapie. Elle apparait hantée, parfois écrasée, par le sacrifice épique de Simone !

Ce récit m'a bouleversé car j'ai, comme la rédactrice, des ancêtres originaires de la Chaux-de-Fonds, des préfets, un père dont la mère et la soeur sont mortes pour la France, au lendemain de ses 18 ans, et ce double anniversaire resurgit éternellement chaque fin d'été.

Ce livre est superbe, illustré par une carte, des dessins et des photos qui complètent et enrichissent le texte et je remercie sincèrement l'éditeur et Babelio pour cet envoi « Masse Critique ».

Cet ouvrage est épais (560 pages), alourdi par la reproduction impudente, à mes yeux, du carnet intime de Simone (chapitre V), de très nombreux courriers dont certains m'ont semblé indiscrets (les lettres « d'amour » de Guy à sa « fiancée ») ou redondants (année 1945). La photo page 448 est identique à celle de la page 449. La dernière partie « l'insurmontable douleur de vivre » est bouleversante, parfois impudique, et dégage l'impression de ne pas avoir été relue en multipliant les fautes d'orthographe (« j'avais occulter » p 507 ; « je n'y était pas » p 521), mais il est compréhensible que la rédactrice ait eu le coeur et la tête ailleurs. A noter, dans la généalogie, page 537 : Yvon est né le 23/08/1924 et non en 1923 ; Marie-Louise Brandt est décédée le 10/08/1984 à Bayonne et non en 1982. Ces détails seront surement corrigés lors de la prochaine édition et ne doivent freiner personne dans cette lecture.

Peut-on vivre APRÈS les héros s'interroge Anne Guerber Jézéquel, écrasée par la douleur de vivre ? Question à laquelle ont répondu ses grands parents Yves et Marie-Louise, qui, après les épreuves de deux guerres mondiales et le martyre de deux de leurs trois enfants, se sont réengagés dans la vie publique, dans la vie associative et ont guidé l'éducation d'Alain, inspirés par la conviction que la question fondamentale, pour des parents, c'est de vivre AVANT les héros et de transmettre l'exemple des résistants aux générations suivantes afin qu'à leur tour elles soient héroïques quand l'heure viendra.

Puisse le souvenir dramatique de Simone et Yves inspirer les trois enfants de l'auteur et leur donner la joie de vivre !

PS : sur cette question « la Douceur » est nourrie d'espérance :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Merci,oui, vraiment merci à Babelio et aux éditions illador pour ce magnifique livre,et merci à Anne Guerber Jezequel pour ce témoignage passionnant.
Juste d'abord un mot sur l'objet même qu'est ce livre,pavé de plus de 550 pages,papier légèrement bistre de qualité, caractères de taille lisible,mise en page aérée,qualité et diversité de l'iconographie, des notes de bas de page peu nombreuses et claires en font un bel ouvrage.
Issue d'une famille de résistants l'auteure en manque d'informations précises mène une enquête historique, sociétale autant que familiale,sur ses ancêtres pour percer les secrets à peine évoqués et qui provoquent chez ses proches des comportements dont elle souffre,ne pouvant en connaître l'origine .
C'est avec minutie,opiniâtreté et un grand respect qu'elle remettra en ordre les puzzles des années de résistance au nazisme.
Le sous- titre du livre est " vivre après les héros" ,ce qui est développé avec intelligence dans la dernière partie du livre et donne les limites de la résilience des générations qui n'ont vécu la dernière guerre qu'à travers le silence de leurs ancêtres.
Passionnant sans voyeurisme. Rigoureux sans débordement.
J'ai été d'autant plus sensible à cette histoire qu'elle se situe presque essentiellement dans une région de Bretagne que je connais et à laquelle je suis moi même attachée. J'ai donc pu visualiser géographiquement le cadre des actions.
Des témoignages et une réflexion de grande qualité.
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[Livre reçu dans le cadre de la masse critique de septembre]

De prime abord, je n'aurais pas forcément choisi de lire ce livre. Encore un livre sur les "camps de la mort" me disais-je.
Puis au fil des pages, le récit de ces deux destins, Yvon et Simone Jézéquel, jeunes partis trop tôt dans l'antichambre de la mort que furent les camps de concentration, a retenu toute mon attention.
L'écriture simplement factuelle, étayée par des documents d'époque, rend ce livre bouleversant de vérités et d'atrocités.
Un ouvrage qui devrait être lu par les jeunes générations pour ne pas, ne jamais, oublier la barbarie nazie.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
L’amour sincère et désintéressé ne faisait pas recette dans un tel contexte. Cette haine de l’Allemand était si générale à la Libération que, si des rescapées ayant connu Simone avaient été au courant de ses confidences, elles n'en auraient probablement pas parlé à sa famille. Cela n'aurait fait qu'ajouter une douleur à celle de sa disparition.

Pour vivre avec René, il lui aurait fallu s'enfuir en Allemagne, après la guerre, mais dans quelle Allemagne ! Battue, ruinée au sens propre comme au figuré. Et à supposer qu'elle y retrouve René, qu'il soit resté célibataire, qu'il l'aime encore, les aurait-on laissé vivre ensemble ? Quelle part de bonheur leur serait-il resté dans un monde de règlements de comptes et de « réparations » ?

Mourir de l'absence de René ou mourir avec lui, n'apparaissait pas seulement comme un beau délire : c'était toujours mourir et il n’y avait pas d'alternative. René n'était plus là, et c’est dans son pays même, dans ce pays qu’elle aurait tant voulu visiter avec lui, qu’elle gisait, affaiblie, son jeune corps disloqué en lambeaux de souffrance.
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La bibliothèque enfantine, commencée par les Brandt s'étoffe largement. On distingue les albums aux illustrations de plus en plus nombreuses, et les livres (…) qui s'adressent à des lecteurs plus aguerris. Certains albums ont encore du succès aujourd’hui, comme la fameuse Bécassine ou encore Nane...

Comme beaucoup de jeunes lecteurs, Yvon et Simone sont durablement marqués par ces lectures rituelles des Bibliothèques rose et verte, à la fois refuge émotionnel et incitation à dépasser le quotidien, à franchir les limites du commun et a basculer dans l’exceptionnel pour défendre des valeurs avec courage et intrépidité.

Page après page, au fil de ces centaines d'heures de lecture diffusant théories et exemples sur les notions fondamentales de justice et d’injustice, de cruauté et de pitié, de force et de faiblesse, d'amour et de haine, leur personnalité se façonne autour d'un trésor intérieur essentiel, un ressort secret tout prêt à se déclencher lorsque le péril nazi s'abattra sur le pays.
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Conformément à la demande d'Yvon, Yves et Marie-Louise iront chercher la valise de trésorerie du réseau et cacheront l'argent dans le poulailler.

En octobre 1944, ils la rapporteront au BCRA, boulevard Suchet, à Paris. C’est là que Marie-Louise retrouvera un ami d’enfance de Saint-Brieuc en la personne du général Chrétien, qui lui écrira plus tard : « Je n’ai pas oublié la visite que vous me fîtes, après la Libération, pour rapporter les fonds de la Résistance laissés par vos enfants. Je l’ai d'autant moins oubliée que vous fûtes les seuls à faire preuve de ce désintéressement et de cette probité. Votre geste, après les cruelles épreuves que vous avez subies, fut pour moi l'illustration du patriotisme le plus pur, celui que nous inculquèrent votre père comme le mien ! »
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Je découvre aussi les cent quatre-vingt-neuf autres femmes avec qui Simone a souffert. Elles sont nées entre 1865 et 1928. La plus âgée avait 79 ans. Elle s'appelait Marie Béranger. La plus jeune avait seize ans. Plus exactement, elles étaient deux, les benjamines, à n'avoir que seize ans, et je veux évoquer leur mémoire : Suzanne Goeppel, née le 12 juin 1928, et Ginette Lion, née le 4 juin 1928. Suzanne venait de Vendée, Ginette de l'Aube.

Le 4 juin est également le jour de la naissance de Simone... Le 4 juin 1926.

Si l'émotionnel ne doit pas paralyser les recherches, son irruption dans la statistique froide et méticuleuse est pourtant indispensable pour apprivoiser la réalité, et nous aider à nous rendre compte du poids des chiffres et de ce qu'ils représentent.
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Neuengamme est aussi le camp où la proportion de Français déportés a été la plus considérable (11 500, dont 500 femmes), soit le troisième contingent déporté après les ressortissants de l’Union soviétique (34 350), et les Polonais (près de 17 000).

A partir de 1942, 106 000 hommes et femmes de toutes les nationalités y ont transité, et plus de la moitié (55 000) y sont morts, de faim, de froid, d'épuisement, du manque de soins, victimes de brutalités, abattus, torturés, fusillés, pendus, brûlés ou gazés.

Les Français furent proportionnellement encore plus éprouvés puisque plus de 7000 d'entre eux disparurent, ce qui représente un taux de mortalité de 65 %. Les statistiques montrent que ce pourcentage de mortalité est supérieur à la moyenne des pertes subies, en général, parmi les 85 000 Français déportés politiques (dont la moitié de résistants) puisque un peu plus de 40 % ne sont pas revenus des camps.
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