AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070785995
192 pages
Gallimard (18/10/2007)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Le renom de Pierre Bourdieu s'étend aujourd'hui bien au-delà de la sociologie, au-delà de l'Université, au-delà du public cultivé, au-delà de la France. Que s'est-il donc passé pour qu'un universitaire, fils de petits employés béarnais «monté» à Paris pour faire l'École normale supérieure, devienne, le temps d'une génération, ce phénomène international : «Bourdieu»?
Ni hagiographie à l'usage des bourdieusiens, ni pamphlet à l'usage des anti-bourdieusiens, ni ... >Voir plus
Que lire après Pourquoi BourdieuVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je dois avouer qu'en lisant Heinich parlant de Bourdieu, je me suis senti moins seul. Car chez Bourdieu, j'aime autant son souci de chercher là où le regard n'avait pas encore porté, sa manière de faire parler les chiffres, que je me désole de son côté paranoïaque (Heinich dit « agonistique », j'ai dû prendre mon dictionnaire, et j'ai appris un mot utile) et d'un style « ni-ni » qui me rappelle le lutteur qui s'enduit d'huile pour ne pas pouvoir être attrapé. Lire Heinich m'a donc permis de mettre en forme des idées que la lecture des écrits de Bourdieu m'inspirait souvent de manière fragmentaire.

Par ailleurs, la forme de Heinich me convient particulièrement : elle s'attaque à des sujets relativement complexes, de manière compréhensible (même s'il faut tout à fait normalement s'y reprendre à plusieurs fois sur certaines pages), sans nous prendre non plus pour des benêts.

Je n'ai pas été choqué, à l'instar de certains critiques du livre, par l'utilisation de son histoire personnelle auprès de Bourdieu. Au contraire il me semble qu'elle la met à sa place exacte, sans laisser paraître de rancoeur. Plutôt un regret que Bourdieu lui-même n'ait jamais laissé la place, lui qui aimait tant la réflexivité, à l'étude de sa propre paranoïa. D'autant qu'elle lit, comme une évidence (à laquelle j'adhère), l'alternative que Bourdieu a refusée : (p.147) "alors qu'il suffirait pour les clore de considérer que ces deux options ne sont que les pôles extrêmes d'un continuum sur lequel se déploie la réalité de l'expérience, mixte de décisions relativement autonomes et de déterminations relativement hétéronomes".

Je ne peux m'empêcher d'être surpris par le nombre de similitudes que je trouve entre Lordon et Bourdieu. A creuser… Merci aussi à Heinich de m'avoir fait découvrir « Un destin si funeste » de François Roustang… le processus de mutation du leader intellectuel en gourou, basé sur le cas de Freud, éclaire aussi Lacan et tant d'autres.

Après tout ces éloges sur cet ouvrage, une surprise : celle de voir Heinich décrire Bourdieu, implicitement, sans avoir l'air d'y toucher, et à de multiples reprises, comme un produit dans le cadre du « star system ». Elle utilise ainsi les mots « succès », « réussite », « concurrent ». Or la moindre des choses aurait été de creuser cette dimension. A-t-elle réellement échappé à son autrice ? J'ai du mal à le croire…
Commenter  J’apprécie          53

Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
(p.147)

Tels sont, en gros, les termes d'un problème qui a fait couler beaucoup d'encre, tant aux Etats-Unis, notamment sous la plume de Jon Elster, qu'en France, sous celle de Raymond Boudon : l'un et l'autre défendant à leur façon la théorie du choix rationnel, contre le déterminisme sociologiste de Bourdieu qui met au premier plan le poids de l'origine sociale ou de la structuration des champs ». Dans un monde intellectuel encore dominé par la logique clanique, on ne peut adopter que des solutions absolues, exclusives les unes des autres, parce qu'elles sont des outils d'affiliation à des partis avant d'être des instruments de compréhension de la réalité : d'où le caractère interminable de ces débats scolastiques, alors qu'il suffirait pour les clore de considérer que ces deux options ne sont que les pôles extrêmes d'un continuum sur lequel se déploie la réalité de l'expérience, mixte de décisions relativement autonomes et de déterminations relativement hétéronomes - les unes et les autres partiellement observables, avec leurs contraintes et leurs variations selon les contextes, les sujets, les objets de l'action.
Mais une telle solution eût sans doute manqué de poids dogmatique et d'ambition théorique aux yeux d'un penseur formé à la tradition normalienne des modèles abstraits et des joutes idéologiques
Commenter  J’apprécie          31
(p.50)

Les apports théoriques de Bourdieu sont nombreux, et je n'évoquerai ici que les plus saillants, ceux qui ont pu faire impression non tant sur les sociologues professionnels — ses concurrents directs — que sur les néophytes, les apprentis, les futurs adeptes. Outre cet ancrage systématique de l'interprétation dans des méthodes d'investigation empiriques, il a mis en évidence, premièrement, l'importance de la stratification et de la hiérarchie sociale (contre les discours généraux en termes de « société » globale) ; deuxièmement, l'importance des déterminations immatérielles, avec les notions de « capital culturel », de « distinction » ou de « symbolique » (contre l'économisme marxiste); troisièmement, l'importance de la contextualisation, avec le concept de « champ » (contre le recours à des enjeux détachés de tout contexte, renvoyant à un « social » non spécifié); quatrièmement, enfin, il a longuement travaillé la question de l'incorporation individuelle des règles collectives, avec le concept d'« habitus » (contre la double aporie des approches purement objectivistes ou purement subjectivistes).

Incorporation, contextualisation, rôle du symbolique, stratification hiérarchisée : ce sont là des notions sans lesquelles, me semble-t-il, aucun sociologue ne peut travailler aujourd'hui, même si elles ne sont pas forcément au premier plan de son outillage — et c'est même, d'ailleurs, cette position d'arrière-plan conceptuel qui marque la force d'un modèle de pensée, d'un « paradigme » intellectuel, d'autant plus efficace qu'il est à peine conscient, à force d'évidence. C'est en tout cas, pour ma part, l'essentiel de ce que je retiens de la leçon de Bourdieu. Ce n'est pas rien.
Commenter  J’apprécie          10
(p.30)

C'est une écriture aride au premier abord, mais évidente ensuite, dès que l'on en a compris le fonctionnement ; et même séduisante parfois, par le charme des oxymorons (« intérêt au désintéressement », « corporatisme de l'universel ») et la virtuosité des tournures en miroir (« c'est ainsi que le système scolaire peut servir la perpétuation des privilèges sans que les privilégiés aient à se servir de lui »), qui fleurent la rhétorique normalienne. La longueur des phrases, avec la multiplication des appositions, des incises et des subordonnées, alourdit et complexifie la lecture : comme pour l'allemand, il faut souvent attendre le point final pour comprendre l'ensemble de la phrase, ce qui peut obliger à la relire. Mais cette structure complexe permet en même temps de marquer les articulations (« pour autant que », « et/ou »), les causalités (« du fait que », « au principe de »), les concessions (« même si », « pour autant »), les concomitances ou les covariations (« de même que », « inséparablement »). Le néophyte, certes, doit s'y reprendre à deux fois — sinon à trois — pour passer du déchiffrement à la compréhension ; mais l'effort est récompensé, puisqu'il se trouve ainsi en phase avec la complexité du monde. D'ailleurs, cet effort se sent de moins en moins avec l'habitude : on finit vite par lire Bourdieu comme on lit Proust, en se laissant porter par sa syntaxe à plusieurs niveaux d'enchâssement, qui concentre souvent en une seule phrase ce qu'on déploierait spontanément en plusieurs.

Quant à sa sémantique, elle se singularise aussi par la multiplication des latinismes (« habitus », « mutatis mutandis »), des hellénismes (« ethos », « hexis », « allodoxia », « hystérésis »), des idiosyncrasies (« tout se passe comme si », « violence symbolique », « fractions dominées de la classe dominante », « capital culturel, capital social, capital symbolique »...). Mais s'y faire, un petit apprentissage suffit. C'est pourquoi je n’ai jamais su décider s'il écrivait mal […]
Commenter  J’apprécie          00
(p.63)

Bourdieu n'aurait sans doute pas renié une telle analyse, tant elle évite à la fois le réductionnisme économiste des approches marxistes, hétéronomes (la philosophie comme reflet du « social »), et le purisme des approches idéalistes, autonomes (les idées sont en rapport d'influence avec d'autres idées). La différence toutefois entre Bourdieu et Collins, c'est que le premier tend à mettre en évidence les phénomènes de rivalité pour disqualifier les systèmes conceptuels en tant que produits de stratégies ou d'intérêts personnels, alors que le second y voit avant tout le principe positif de la créativité intellectuelle.
Commenter  J’apprécie          10
(p.135)

Parce qu'il fut l'un des seuls sociologues à la fois généraliste et empiriste, Pierre Bourdieu put étendre très largement son domaine de compétences sans pour autant se confiner dans l'essayisme. En cela, il évitait les deux écueils entre lesquels se débat la sociologie : d'un côté, la tendance à la généralisation de l'objet, par l'analyse essentiellement intuitive de « phénomènes de société », avec le risque de ne produire que des essais aussi brillants que creux, qui impressionnent les profanes mais font ricaner les spécialistes ; de l'autre, la tendance à la particularisation des objets dans des enquêtes minutieuses et méthodologiquement impeccables, avec le risque de ne produire que des articles parcellaires dans des revues scientifiques lues, au mieux, par quelques dizaines de pairs, sans que ce savoir puisse se cumuler en synthèses transposables à d'autres objets. En conjoignant la précision de l'enquête de terrain et la généralité des concepts théoriques applicables à différents domaines, Bourdieu a réussi à associer l'exigence de scientificité chère aux spécialistes avec la capacité d'intéresser des lecteurs bien au-delà du domaine ou de la discipline en question. Il fut, si l'on peut dire, un éclectique positiviste.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Nathalie Heinich (22) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nathalie Heinich
Il y a 5 ans, le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris prenait feu. La sidération et l'émotion dépassent alors les frontières : cet incendie est un événement mondial. Comment comprendre cette émotion partagée et l'universalité de ce trésor du patrimoine français ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : Nathalie Heinich, sociologue et directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) Mathieu Lours, historien de l'architecture et spécialiste des cathédrales et du patrimoine religieux
Visuel de la vignette : Fabien Barreau / AFP
#patrimoine #notredame #culture ___________________ Découvrez tous les invités des Matins dans "France Culture va plus loin" https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins
Suivez France Culture sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
+ Lire la suite
autres livres classés : essai de sociologieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (7) Voir plus



Quiz Voir plus

Philosophes au cinéma

Ce film réalisé par Derek Jarman en 1993 retrace la vie d'un philosophe autrichien né à Vienne en 1889 et mort à Cambridge en 1951. Quel est son nom?

Ludwig Wittgenstein
Stephen Zweig
Martin Heidegger

8 questions
159 lecteurs ont répondu
Thèmes : philosophie , philosophes , sociologie , culture générale , cinema , adapté au cinéma , adaptation , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}