A l'occasion de l'un de mes farfouillages archéologiques dans la préhistoire de la littérature policière, j'ai remarqué
Dolores Hitchens, jusqu'alors inconnue pour moi, dont le pedigree a excité ma curiosité. C'est ainsi que j'ai lu
La victime expiatoire, paru en 1960 sous le titre originel Sleep with slander.
Un homme riche cherche un détective fouineur, opportuniste, spécialiste es chantages, une sorte de truand honnête pour retrouver discrètement un enfant de 5 ans séquestré et maltraité il ne sait où, par il ne sait qui ; une lettre anonyme aux allégations invérifiables l'a alerté sur la détresse du garçonnet. Sur ses motivations, le donneur d'ordres reste évasif. L'enfant est-il celui de sa fille, fruit illégitime d'une relation hors mariage moralement prohibée dans l'Amérique déjà puritaine des années 60 où il était autant inconcevable d'être une « fille-mère » que d'avorter, oh my god !
Quoi qu'il en soit, Sader est l'homme de la situation, celui à qui l'on apporte toujours du linge familial sale à laver alors qu'il rêve de rechercher un chef-d'oeuvre, un
Van Gogh ou un Stradivarius volé. Détective privé dans la mouvance hard-boiled, il prend son enquête à coeur, ému par ce petit garçon qui n'a rien demandé, surtout pas à naître, abandonné, adopté peut-être, malheureux sûrement, qui attend que quelqu'un vienne le sortir de son placard. Ca semble facile de retrouver un gosse, c'est un organisme vivant, pas un objet qu'on peut fourrer dans une boîte et cacher ; un enfant ça mange, ça boit, ça bouge, ça crie. Oui, mais non...
J'ai moi aussi, comme Sader, été sensible à l'histoire de ce garçonnet n'appartenant à personne, dont tout le monde se moque, qu'aucun témoin ne semble avoir connu. Existe-t-il vraiment ? Il est anonyme, quasi irréel, il faut attendre la moitié du roman pour découvrir enfin son prénom. J'ai beaucoup apprécié cette lecture, l'originalité des hypothèses avancées, le style sans bavure sans doute sublimé par la traduction de Gérard de Chergé. J'ai beaucoup apprécié jusqu'à l'épilogue. Lors des ultimes pages le voile se lève, les révélations sont faites et à mon grand regret aucune n'est crédible. La romancière perd le contrôle, semble pressée d'en finir, au prix de n'importe quelle invraisemblance, créant même en toute hâte des personnages qui colmatent maladroitement des brèches dans l'intrigue. Quel dommage ! Je reste sur la sensation de compétences mal canalisées, d'un indéniable talent gâché, peut-être par des exigences éditoriales de calibrage formaté, qui sait ? Bon, on ne perd jamais son temps à découvrir – même tardivement – un nouvel auteur, à exercer son sens critique pour retenir ceux avec qui l'on a des affinités et oublier les autres. Cette rencontre avec
Dolores Hitchens est à la fois la première et la dernière, c'est ballot !