Petit roman aux allures de grand conte. L'histoire se déroule dans un petit état dont le souverain, dans le but d'y instaurer les lumières, banni le merveilleux enraciné dans la place, tout en accordant quelques accommodements raisonnables. le petit Zachée, enfant affublé de tares tant physiques que mentales, a la fortune d'être favorisé par une fée ayant évité l'exode. Mais le jeune homme qu'il est devenu est-il vraiment digne de toutes ces largesses ? Plusieurs autres personnages, incluant le héros romantique Balthazar, auront l'occasion d'en douter.
Avec l'écriture et l'univers de cet auteur que je prise particulièrement, le caractère enjoué de la narration, ainsi que l'humour et la dérision, la balade a été bonne. Les autorités et autres gens importants du récit sont la cible d'un traitement satirique d'une délicieuse et revigorante ironie. Or donc, l'objectif par toi recherché, gracieusement exposé dans le chapitre 10, a été pleinement atteint en ce qui me concerne, mon cher Hoffmann !
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Une sorte de conte de fée drôle et un peu cruel aussi. Très farfelu également. de jeunes étudiants prometteurs mais dont l'un est un peu rêveur et surtout un peu extralucide sans doute. Un vilain enfant un peu trop protégé par une fée, un professeur de sciences un peu trop ambitieux, une belle jeunes filles et de drôles de péripéties. Se lit rapidement et on s'amuse beaucoup!
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Le petit avorton. — Pressant danger que court le nez d’un pasteur. — Comment le prince Paphnutius introduisit les lumières dans son royaume, et comment la fée Rosabelverde entra dans un chapitre noble.
Non loin d’un charmant village, à peu de distance de la grande route, était prosternée sur la terre, que brûlait un soleil ardent, une pauvre paysanne couverte de haillons. Haletante et se mourant de faim et de soif, la malheureuse était tombée défaillante sous le poids du bois sec empilé dans sa hotte, et qu’elle avait ramassé dans le bois en battant péniblement toute la futaie et les broussailles. Ayant à peine encore la force de respirer, elle crut qu’elle allait mourir, et qu’elle serait ainsi délivrée tout d’un coup de sa désolante misère. Cependant elle recouvra bientôt assez de force pour détacher les cordes qui assujétissaient sa hotte sur son dos, et pour se trainer lentement jusqu’à un tertre couvert de gazon qui n’était pas éloigné. Elle éclata alors en sanglots et en plaintes amères.
« Il faut donc, s’écria-t-elle tout haut, que toutes les privations et toutes les misères viennent fondre exclusivement sur nous, mon pauvre homme et moi ! ne sommes-nous pas les seuls dans tout le village qui, malgré le plus dur travail et les flots de notre sueur, ne pouvons secouer le joug de la pauvreté, et gagnons à peine de quoi assouvir notre faim ? — Il y a trois ans, lorsque mon pauvre homme, en bêchant notre jardin, déterra ces pièces d’or, nous crûmes alors que le bonheur était enfin entré chez nous, et que les beaux jours auraient leur tour : oui ! mais qu’arriva-t-il ? — Des voleurs nous dérobèrent l’argent, notre maison et la grange brûlèrent par-dessus nos têtes, la grêle hacha notre récolte sur pied, et pour combler jusque par-dessus les bords la mesure de nos tribulations, le ciel nous envoya encore en punition ce petit laidron, que je mis au monde à ma confusion et à la risée de tout le village. — À la Saint-Laurent passée, le marmot a eu deux ans et demi, et il ne sait pas marcher, et il ne peut pas même se soutenir sur ses jambes, plus grêles que des pattes d’araignée ; et, au lieu de parler, il grommèle et miaule ainsi qu’un chat. En outre, le vilain petit gars dévore autant de nourriture qu’un enfant de huit ans des plus vigoureux, et sans que cela lui profile encore ! Que Dieu ait pitié de lui et de nous, qui serons réduits à le substanter, même quand il sera devenu grand, pour notre crève-cœur et à notre préjudice ; car le malitorne ne manquera pas de bien boire et de bien manger de plus en plus, mais de sa vie il ne sera capable de travailler. — Non, non ! c’est plus qu’une créature n’en peut supporter sur cette terre ! Ah, si je pouvais donc mourir ! — mourir… » Et l’infortunée recommença à pleurer et à gémir, jusqu’à ce que, cédant à l’excès de la douleur et de l’épuisement, elle s’endormit tout-à-fait. —
Voici venu le moment où celui qui écrit pour toi ces feuillets, cher ami lecteur, va prendre congé de toi, et cette pensée le remplit de tristesse et de mélancolie. Il aurait encore beaucoup à te raconter sur les faits et gestes remarquables du sieur Cinabre, et il y aurait, ô lecteur, pris un vif plaisir tant le mouvement spontané qui l'a porté à écrire cette histoire était irrésistible et sincère. Cependant, en jetant rétrospectivement un coup d'oeil sur les événements relatés dans les neuf précédents chapitres, et en y trouvant déjà tant de choses bizarres et prodigieuses ou que la froide raison ne saurait admettre, il voit bien qu'il courrait grand risque, s'il en multipliait encore le nombre et abusait de ton indulgence, cher lecteur, de gâcher les bons rapports qu'il entretient avec toi !
(...)
S'il t'est arrivé de sourire en toi-même à tel ou tel passage, tu étais alors, ami lecteur, dans la disposition d'esprit où l'auteur souhaitait te voir ; et dès lors, c'est du moins ce qu'il espère, tu lui pardonneras bien des écarts !
VLEEL 215 Rencontre littéraire autour d'E.T.A Hoffmann, Éditions du Typhon, Lecture Laurent Stocker