Joris-Karl Huysmans de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans, est un écrivain et critique d'art français (1848-1907). Huysmans était le descendant par son père, d'une lignée d'artistes peintres hollandais. Certains tableaux du plus célèbre de ses ancêtres, Cornelius Huysmans, peintre à Anvers au XVIIe siècle, figurent aujourd'hui au Louvre et c'est pour mieux évoquer ses origines hollandaises, que Huysmans adopta le prénom de
Joris-Karl. A partir de 1876, Huysmans collabore en tant que chroniqueur d'art, à différents journaux pour lesquels il rédige des comptes rendus des Salons de peinture et il prend la tête du combat visant à imposer l'Impressionnisme au public. Marthe, histoire d‘une fille, son tout premier roman date de 1876.
Autant vous le dire tout de suite, J.-K. Huysmans fait partie de mes écrivains favoris et cette année je suis comblé, une Pléiade vient de paraître avec ses principales oeuvres et le musée d'Orsay lui consacrera une exposition à la fin de ce mois. Ayant déjà lu ses grands romans (A rebours,
En rade,
Là bas,
En route etc.) j'ai entamé le bel ouvrage de chez Gallimard par le commencement, c'est-à-dire ce premier roman, très court au demeurant et qui fut interdit en France en son temps.
Comme l'indique son sous titre, histoire d'une fille, dans le langage de l'époque le roman nous conte le parcours de Marthe, une prostituée. Ouvrière dans une usine de perles à
Paris, elle connait une première déception sentimentale avec la mort de son amant et de leur enfant, elle tombe alors dans la prostitution puis semble s'en sortir quand elle rencontre Ginginet directeur d'un théâtre qui l'engage pour sa belle figure et partage sa couche. Une nouvelle chance s'offre à elle avec Léo, un écrivain en herbe et sans le sou qui l'aime réellement. Mais il est dit que le Destin n'a pas prévu le bonheur pour Marthe, leur liaison bat de l'aile quand le quotidien éteint la passion et malgré les efforts des uns et des autres pour la sauver, la jeune femme sombre dans l'alcoolisme et s'échoue, à jamais certainement, dans une maison de passes.
Si Marthe est un roman mineur de l'écrivain - lui-même avait envisagé un temps de le réécrire - avec ses défauts, j'y ai néanmoins trouvé matière à me réjouir. Tout d'abord, il y a cette « musique » commune à tous les romans du XIXème siècle que je vénère, une écriture ample et longue en bouche, avec ici les prémisses de ce que sera son style à venir, des phrases très travaillées, des mots rares ou bien pour nous aujourd'hui, des expressions datées qui n'en sont que plus savoureuses encore (« C'était un crapoucin bonasse et un jovial compère… »).
Roman social d'un réalisme pessimiste, une femme du peuple, les petits ateliers
parisiens et les gens ordinaires, la prostitution comme une évidence pour nombre de ces femmes, les bistros et la faune qui s'y abreuve etc. Tout ceci vous semble familier car vous l'avez lu chez
Zola (Nana) ou éventuellement
Maupassant (
Boule de suif) par exemple, mais ces écrits datent de 1880, donc postérieurs au livre de Huysmans. Que vous lisiez ce roman ou non, qu'importe, mais lisez J.-K. Huysmans, il le mérite et vous le valez bien.