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EAN : 9782021029772
131 pages
Seuil (07/10/2010)
5/5   1 notes
Résumé :

En France, la Révolution a voulu instaurer un corps politique formé de citoyens égaux, avec le risque, qu'on lui a assez reproché, d'inventer une abstraction. En effet, dans les relations quotidiennes, la vie de travail, les rapports de voisinage, le corps social est marqué par une attention aiguë à ce que chacun "est", et en particulier à ses origines. La France où les immigrés et leurs descendants ont &#... >Voir plus
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Dans les années où je recevais une formation approfondie pour exercer mon métier de responsable de ressources humaines, j'avais été éclairée, voire "emballée" par le fabuleux ouvrage de l'auteur, Philippe d'Iribarne, « La logique de l'honneur »* qui décortique comment, en fonction de la spécificité des cultures de différents pays, le style de management des hommes peut obéir à différentes logiques, et comment fonctionne en France un modèle particulier lié à la légitimité de l'autorité fondée sur le sens de l'honneur.

Voici un nouvel ouvrage, un peu plus difficile à pénétrer sans aucun doute, au sous-titre explicite : impasses du multiculturalisme, qui tente d'analyser comment et pourquoi les vagues récentes d'immigration ont tant de mal à s'intégrer en France aujourd'hui. Bien plus de mal qu'autrefois. Pourquoi, ainsi que dit Tahar Ben Jelloun : « le dialogue entre l'immigration et la France est devenu un choc des ignorances. »

En fait, je pourrais résumer en quelques mots : le corps social, voilà l'ennemi ! Comme on distingue entre pays légal et pays réel, Philippe d'Iribarne souligne les contradictions entre le corps politique (très "politiquement correct" et explicitement anti-raciste), et le corps social, qui trimballe un certain nombre de réactions épidermiques ancestrales et pas très réjouissantes.

Philippe d'Iribarne (né en 1937) s'attache tout d'abord à rappeler combien la France, deux cents ans après la Révolution et toute pétrie de l'idéal des Lumières, reste particulièrement attentive à ce qui distingue, ce qui est déclaré « noble » de ce qui est perçu comme « commun ». Nous proclamons l'égalité et la fraternité, mais cependant, nous restons imprégnés de notions d'Ancien Régime : les rapports de travail restent marqués par la référence au métier, à la nécessité de « tenir son rang », d'être « à sa place », comme cette spécificité bien française que constitue la distinction entre « cadres » et « non-cadres » ….

Nous proclamons la neutralité de l'Ecole laïque, mais connaissons bien la hiérarchie occulte des différentes filières d'enseignement, la valeur de certains lycées, de certains diplômes…Nous continuons à chômer certain nombre de jours de fêtes « carillonnées »...et même leurs lendemains alors que la pratique catholique diminue sensiblement... Comment ignorer d'autre part que certains groupes les plus ardents à prêcher une ouverture radicale à l'autre se divisent eux-mêmes en multiples partis, groupes et groupuscules au sein desquels chacun s'unit à l'autre pour rejeter ceux qui pensent autrement ?

Le rôle du suffrage universel fut immense. Etre appelé à voter est perçu comme de nature à échapper aux limitations de la condition sociale : dans le Bureau de vote, chacun est exactement l'égal de l'autre. Pourtant aujourd'hui, cela ne marche plus. Les Français « de papiers » ne se sentent pas intégrés mais discriminés….Qu'est-ce qui ne marche plus ?

En fait, il y a la loi, les principes laïques et républicains qui garantissent la non-discrimination, et la pratique du corps social, qui fonctionne autrement, hélas….L'appartenance au corps politique ne va plus nécessairement de pair avec une intégration satisfaisante dans le corps social. Pourquoi ?

Autrefois, le désir d'assimilation des nouveaux arrivants faisait qu'ils adoptaient volontairement les manières d'être (se vêtir, donner des prénoms aux enfants, faire preuve de discrétion dans la pratique religieuse…) qui prévalaient au sein de la société. Ils faisaient ainsi allégeance au corps social, à ses rites et à ses usages. Aujourd'hui, nombre des descendants d'immigrés, tout en affirmant haut et fort leur état de citoyens français, sont prêts à affronter le corps social et entendent bien le faire plier.

Deux facteurs s'y ajoutent : la religion – l'Islam en l'espèce – et l'héritage de la colonisation. Une des clés de la réticence à l'égard de l'Islam, selon Philippe d'Iribarne, est son refus de pratiquer « l'échange des femmes ». L'Islam accepte de « prendre » (épouser une non-musulmane) mais pas de « donner » (interdiction pour une musulmane d'épouser un non-musulman). Les femmes, qui selon Claude Levy-Strauss, constituent le fondement des alliances entre groupes humains sur des bases égalitaires, deviennent alors le moyen d'assurer la prédominance des uns sur les autres. L'auteur y voit une des clés de la pression sur les filles dans les quartiers sensibles.

Comme l'esclavage, la colonisation est vécue comme un crime contre l'humanité. Même principes d'asservissement, d'humiliation et de dépossession. D'où une attitude de victime, fondée à demander une éternelle réparation et ayant à ce titre des droits sur la France qui ne s'accompagnent d'aucun devoir. Cette attitude donne une vision redoutable quant à la capacité d'intégrer le corps social, aggravée par la conception méditerranéenne si exigeante de l'honneur, qui ne facilite pas les choses.

Que faire ? Comme les anglo-saxons qui choisissent une logique communautariste et multiculturelle où chacun reste entre soi et où on minimise les frictions de voisinage (les bruits, les odeurs …) sans jamais se mêler ?

La France reste un pays fondamentalement hiérarchique, où l'égalité politique n'a nullement mis fin à l'inégalité sociale. Pour autant, une société pleinement ouverte à la diversité des cultures n'a pas plus de chances d'avenir qu'une société sans classes.

Pour l'auteur, la tradition française, qui veut que tous se mêlent et soient solidaires sans souci de leurs origines au sein d'un espace public marqué par une laïcité exigeante, mérite,[ malgré ses ombres ], d'être défendue. Car la liberté qu'elle offre serait plus profonde que celle que proposent les règnes conjugués du communautarisme et du marché.
Lien : http://www.bigmammy.fr
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Vidéo de Philippe d' Iribarne
À mesure que la contestation contre la réforme des retraites proposée par le gouvernement d'Emmanuel Macron s'intensifie, les questionnements autour du travail et de sa place dans la société sont de plus en plus prégnants. Pour les Français, le travail est-il synonyme de souffrance ? Et la retraite un eldorado ? Pourquoi ?
Pour explorer les ressorts qui sous-tendent la mobilisation actuelle contre la réforme des retraites, Guillaume Erner reçoit Philippe d'Iribarne, sociologue et Marie-Anne Dujarier, sociologue du travail.
#retraite #politique #macron __________
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