Il est de ces romans dont l'épaisseur, la notoriété, la densité, le sujet font peur et fascinent en même temps. Cependant, une fois les premières pages lues, je suis magnétisé, hypnotisé, emmené, entraîné.
L'auteur nous embarque avec son écriture addictive pour ne plus nous lâcher avant un final à la hauteur de la tension qui habite tout le roman. Pour la question stylistique, c'est du grand art ! Sens de la métaphore, construction en accélération rythmique, syntaxe alambiquée, métaphores à plusieurs niveaux...
Merci pour ce moment de lecture jubilatoire, intense et grandiose, ce fut un réel plaisir. J'aimerais pouvoir oublier ce roman pour le découvrir de nouveau comme une première fois!
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Tout ce que les journaux racontaient, attaques à main armée, règlements de comptes entre bandes rivales, enlèvements, meurtres, restait de la littérature journalistique qui ne passait jamais les portes derrière lesquelles elle travaillait.
Seuls les livres entraient et sortaient. Des livres inoffensifs et silencieux.
Jusqu’à ce qu’un beau jour de juin…
Le Livre fit son apparition vers midi, peu avant la pause que devait faire Prudence pour déjeuner. Elle se trouvait au bureau des retours. En apercevant le volume, elle fronça le nez, signe de la plus grande désapprobation. Ses goûts étaient strictement classiques ; elle n’avait rien contre les lectures faciles, mais elle entendait par là Dumas, Scott et Dickens. Et il lui suffisait de lire le titre et le pseudonyme de l’auteur du livre qu’elle avait sous les yeux pour affirmer qu’il ne valait rien : l’Amant de Manuela par Orchidée Ollivant.
...il est exact, que les théâtreuses qui sont belles mais n’ont pas de talent donnent volontiers dans la galanterie. Bien entendu, plus un homme est riche et plus il leur plaît… Mais il y a certaines de ces filles qui dépensent toujours plus d’argent qu’on ne leur en donne… Alors si leur protecteur est marié, père de famille, elles peuvent amorcer un chantage pour en obtenir davantage…
Delphine Marchand, en dépit de son nom français, était la plus américaine des Américaines. Elle ne connaissait pas la France. Le peu de français qu’elle savait venait des cours de langues étrangères qu’elle avait suivis au collège et, faute de servir, ce français fondait peu à peu comme un cornet de glace au soleil de juillet.
La police connaissait son métier depuis belle lurette, elle était sans remords, et son intelligence aux têtes innombrables ne dormait jamais complètement. Mais, pris séparément, ses éléments étaient des êtres humains comme les autres.
Son expérience de bibliothécaire lui avait enseigné que les « livres d’hommes » étaient souvent lus par les femmes mais que les « livres de femmes » n’étaient absolument jamais lus par les hommes, à de rares exceptions près.
Fenêtre sur cour - Trailer (1954)