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EAN : 9782868532015
136 pages
Le Temps qu'il fait (19/05/1998)
4.22/5   9 notes
Résumé :
" Les plus doux aspects du monde, pour ne pas parler des hommes, plus fuyants encore, les plus apaisantes contrées, les lieux les plus discrets, les plus pauvres en "événements", il suffit de peu de chose pour qu'on en découvre soudain la perpétuelle étrangeté, pour qu'on comprenne qu'une richesse en découle comme d'une intarissable source.
" C'est la modeste leçon que l'on tire de la lecture de ces billets que Philippe Jaccottet donna de 1956 à 1964 à un pet... >Voir plus
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
"N'ayant plus de maison ni logis,
Plus de chambre où me mettre,
Je me suis fabriqué une fenêtre
Sans rien autour…"

Armen Lubin a une façon bien à lui de parler (...). C'est une façon modeste, brusque, sourde, de faire entrer la grande souffrance, l'immense espace, l'amour, le souvenir, la mort, dans des images petites, un vocabulaire quotidien, des tournures apparemment maladroites, juste le contraire de ceux, si nombreux, qui enflent des expériences dérisoires ou même inexistantes à l'aide des grands mots et des grandes harmonies officiellement reconnues poétiques par le goût public. Ayant connu les pires nuits d'hôpital et cette souffrance qui va de l'un à l'autre lit comme au hasard, il écrit simplement :

"Sa place était chez moi,
Chez moi, c'est côté impair ;
Elle s'asseyait sur mon toit,
Elle, c'est la nuit en colère.

Méprise ou bien erreur,
C'est sur le toit d'en face
Qu'elle a posé sa rancœur
Libre à moi de boire l'espace…"

Certes, il a su bannir l'éloquence ! (La vraie souffrance s'en est chargée, peut-être). Qu'il évoque les rues de Paris, les compagnons d'exil, puis, surtout, les heures de la captivité en sana, la neige ou la lumière d'été, le vol des mouettes ou la mort d'un malade, on dirait que sa voix est venue directement à notre cœur, évitant toutes les tentations brillantes de la littérature. Puis, tout de même, il sait s'élever aussi, et sur les "hautes terrasses" où la règle est d'attendre la mort, à force de patience et de lutte, il atteint parfois à une sorte de gravité tranquille et vaste, d'autant plus merveilleuse qu'elle n'est pas détachée du sol raboteux :

"Quel colloque pourrait se tenir entre moi et la nuit
Quand je suis le seul à parler avec preuve à l'appui ?
Je suis seul à veiller sous la voûte scintillante,
Ma terrasse domine la forêt de la mort lente..."

L'immense espace entre dans ce cœur tourmenté, le délivre pour un instant, du moins l'allège et l'emporte très haut.
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" Tout poème exige simplement, d'abord, ce vaste espace tranquille autour de lui, pareil au cadre du tableau pour être entendu avec toute sa richesse. Si on ne lui demande pas une histoire, une explication, même une évasion hors de la réalité, si on comprend au contraire que chaque beau poème est l'expression d'un moment de particulière intensité chez celui qui l'a écrit, alors sa lecture reprend un sens. Il faut évidemment accepter une condition préalable qui, elle aussi, est un défi à notre époque : celle de l'arrêt. Il faut suspendre un instant le tourbillon de l'action, le mouvement de notre hâte inquiète, assourdissante, s'immobiliser, et laisser s'ouvrir cette étrange promesse comme on voit s'ouvrir une graine. L'opposition de la poésie et des grands événements de notre temps, c'est peut-être le combat de la graine et du tonnerre. "

(extrait de "Comment lire la poésie") - p. 22
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Mais quel est ce besoin de dire les choses, au lieu de se contenter de les regarder ? D'où vient aux écrivains cette manie de tout changer en mots, de ce qui les touche ou retient leur attention ? (...) Autrefois, les hommes pensaient que prononcer le vrai nom d'un dieu, c'était s'assurer tout pouvoir sur lui : aussi les prêtres avaient-il soin de le garder pour eux. Il y avait une vérité profonde dans cette croyance. Celui qui saisit un paysage, un moment, une lumière, avec les mots convenables, les guérit au moins provisoirement de cette maladie qu'ont toutes les choses de se dissoudre, de disparaître, de nous échapper. Où s'en vont tous ces moments, ces vies, et notre vie ? Un beau poème, une phrase accomplie les gardent, les enferment, donnent une forme à ce qui n'est qu'insaisissable fumée. Ainsi l'homme croit-il, et sans se tromper complètement peut-être, qu'il est un peu moins étranger au monde, un peu moins impuissant devant les ruses brillantes du temps.
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Réédition de novembre 2015- Le temps qu'il fait

Le Passage des saisons

L'hiver est une chambre basse: c'est une des images qu'il me semble pouvoir choisir pour en exprimer un des aspects essentiels, et cette image m'est venue surtout en pensant à la brièveté du jour en cette saison, au vol bas du soleil, comme si quelque chose pesait sur la lumière, quelque chose qui serait la nuit, l'obscurité, le froid. Alors on assiste à un recueillement général du monde, dans une immobilité et un silence relatifs. (p. 39)
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Les seuls livres dignes d'être lus sont ceux qui rendent sensible, non pas dans des phrases explicites, non pas même par le fil de l'intrigue, mais dans leur texture même, leur tissu de mots, à la fois ce que la vie à d'impossible et ce qu'elle a d'admirable.
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